Européen de la semaine

Pier Antonio Panzeri, un ancien député européen au cœur du «Qatargate»

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C’est l’homme qui se trouve au cœur du « Qatargate », le retentissant scandale de corruption qui secoue le Parlement européen depuis le mois de décembre 2022. Ancien syndicaliste, homme de gauche italien, investi dans la lutte pour la défense des droits de l’homme, Pier Antonio Panzeri est accusé par la justice belge d’avoir utilisé ses accès et ses relations au sein du Parlement pour promouvoir l’image du Qatar et du Maroc.

Une photo de Pier Antonio Panzeri au Parlement européen de Strasbourg réalisée le 26 mars 2019.
Une photo de Pier Antonio Panzeri au Parlement européen de Strasbourg réalisée le 26 mars 2019. AFP - MARC DOSSMANN
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Lorsque le scandale éclate le 9 décembre dernier, c’est le visage de la vice-présidente grecque du Parlement, Eva Kaïli, qui fait la Une des journaux. Mais c’est bien lui, Pier Antonio Panzeri, qui se trouve au cœur de ce scandale retentissant. Selon les éléments de l’enquête, révélés par la presse belge et italienne, cet ancien député européen, aujourd’hui âgé de 67 ans, aidait le Qatar et le Maroc à défendre leurs intérêts au Parlement, contre des valises de billets, et de cadeaux en nature.

« Quand j’ai appris l’arrestation, j’ai été choqué et surpris, raconte Brando Benifei, le chef de la délégation italienne du groupe socialiste et démocrate (SD), auquel appartenait Pier Antonio Panzeri lorsqu’il était élu à Strasbourg. Et je suis rapidement devenu très en colère, parce que je connaissais ces gens, et parce que je connaissais personnellement Panzeri qui avait été mon collègue au Parlement dans la précédente législature. J’ai appris que ces gens avaient probablement utilisé la lutte pour les droits de l’homme comme un instrument pour poursuivre des intérêts criminels et pour promouvoir la corruption. »

Au cœur de ce pacte de corruption, il y a une ONG créée par Panzeri lorsqu’il quitte le Parlement en 2019. Comble du cynisme, cette ONG baptisée Fight For Impunity (« combat contre l’impunité » en français) avait pour objectif la lutte pour la défense des droits de l’homme. « L’ONG de Panzeri comptait parmi ses membres d’honneur un Prix Nobel de la paix, des anciens commissaires européens, un ancien Premier ministre, souligne Brando Benifei. Elle était en fait, apparemment, un outil pour poursuivre des activités criminelles… Mais elle avait toutes les apparences d’une véritable ONG ! Je pensais que c’était une organisation sérieuse. Je n’ai jamais rien fait avec cette ONG, je n’ai jamais participé à leurs conférences, etc. Mais je pensais qu’ils menaient des activités importantes avec des personnes très estimées dans le monde de la défense des droits de l’homme. »   

► À lire aussi :Qatargate: l’émirat dément toute implication et menace l'Union européenne

Parcours typique de la gauche syndicale

Considéré au Parlement de Strasbourg comme un homme de réseau, d’influence, Panzeri n’a pas laissé un souvenir très vivace auprès de ses anciens collègues. Et pour cause : il ne parle ni français ni anglais, et ses interactions se limitaient aux députés capables de s’exprimer en italien. Dans son pays, Panzeri n’était connu que dans un cercle restreint, celui de la gauche milanaise, et du monde syndical dont il est issu.  

« Il a eu un rôle important à l’intérieur de la CGIL, le syndicat de gauche de Milan, décrypte Massimiliano Panarari politologue à l’université Mercatorum de Rome. Et puis il a décidé de commencer une carrière politique à l’intérieur d’un parti. Il s’agissait du PDS, c’est-à-dire le Parti démocrate de gauche. Il était notamment proche de Massimo D’Alema et de son courant à l’intérieur du PDS. Son parcours, sa trajectoire sont typiques d’une certaine gauche syndicale issue de la tradition du Parti communiste. »

Pour la gauche italienne, le « Qatargate » et l’implication de Panzeri constituent un coup d’autant plus dur qu’ils interviennent après la déroute électorale subie à l’automne dernier et la victoire de l’extrême droite. « En ce qui concerne les élites politiques, on assiste à un effort de "réduction des dommages". Au centre-gauche, on essaie d’éloigner Panzeri le plus possible, et l’on dit de lui qu’il doit être frappé de la façon la plus dure par la justice. Mais, même au sein des élites de droite, on attend de vérifier si le scandale va être circonscrit ou va s’élargir, et l’on reste pour l’instant assez prudent. »

Pour l’heure, la justice belge poursuit ses auditions. Pier Antonio Panzeri a été maintenu en détention. Quant à sa femme et sa fille, également impliquées par les enquêteurs, elles pourraient être prochainement extradées de l’Italie vers la Belgique.

► À lire aussi : «Qatargate»: un réseau principalement italien, exploité par le Qatar et le renseignement marocain

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