Fréquence Asie

La jeunesse française dit «stop au génocide ouïghour»

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À l'occasion du G20 à Rome, les dirigeants feront-ils « business as usual » avec la Chine ou aborderont-ils les sujets qui fâchent : Taïwan, Hong Kong, ou encore la répression des Ouïghours ? C’est ce que réclame l’Alliance interparlementaire sur la Chine qui a tenu, à la veille du G20, un contre-sommet à Rome. La France ne fait pas partie des pays qui portent ce combat, alors que la jeunesse française, elle, est très mobilisée pour dénoncer les crimes que la Chine commet dans sa région autonome du Xinjiang.

En tête de la «marche contre le génocide des Ouïghours», à Paris le 2 octobre 2021.
En tête de la «marche contre le génocide des Ouïghours», à Paris le 2 octobre 2021. © Heike Schmidt / RFI
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Place de la Bastille, début octobre. La diaspora européenne des Ouïghours s’est donné rendez-vous à Paris pour demander la reconnaissance des crimes dont sont victimes leurs proches au Xinjiang. Dans le cortège, des femmes ouïghoures en robe traditionnelle, le drapeau bleu avec le croissant de lune à la main, et des hommes qui portent le chapeau brodé, la « doppa ». À leurs côtés, de nombreux jeunes français.

Victoria, en jeans et baskets, a fait le voyage depuis son village près d’Angoulême. « Sur mon affiche est écrit “stop au génocide ouïghour, stop à l’enfermement. Zara, Uniqlo, Nike, complices d’un génocide, arrêtons-le”. J’essaie de boycotter leurs produits, de ne pas acheter ces marques et d’en informer les gens autour de moi. De partager au maximum sur les réseaux sociaux. »

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Des jeunes mobilisés sur les réseaux sociaux

C’est justement là, sur les réseaux sociaux, que Victoria a appris ce que des chercheurs allemands et australiens affirment depuis longtemps : que plus d’un million de Ouïghours sont enfermés dans des camps… qu’au moins 500 000 autres sont forcés de travailler dans les champs de coton et que près de 80 000 Ouïghours sont réduits au travail forcé dans des usines chinoises. 

À 6 000 kilomètres de là, dans sa ville de Savigny-sur-Orge, Lucille, 18 ans, veut faire bouger les choses : « J’ai créé un groupe local “Savigny for Ouïghours” et j’ai écrit au maire, mais nous n’avons jamais reçu de réponse. C’est grave ce qui se passe et qu’aucun gouvernement ou en tout cas une très grande partie du gouvernement français ne fasse rien », déplore-t-elle.  

« Plus jamais ça »

Cette main tendue des jeunes Français donne de l’espoir à Gulbahar Jalilova, une rescapée des camps : « Je suis très touchée. Cela nous aidera à convaincre la France de reconnaître les crimes génocidaires que la Chine est en train de commettre contre mon peuple. » Gulbahar Jalilova revient sur ses conditions de détention : « J’ai été enchaînée pendant un an, trois mois et dix jours. Avec cinq kilos de chaînes accrochées à mes pieds. Durant les interrogatoires, j’ai été torturée, j’ai été violée. Comme beaucoup d’autres femmes. C’est aussi pour elles que je suis là aujourd’hui. » 

« Plus jamais ça », ces mots, Gabriella Morena les a griffonnés sur un bout de carton avant de rejoindre la marche :

On nous a tous appris à l’école le génocide des juifs, la Shoah de 1945. On nous a dit de nous souvenir et de ne pas faire les mêmes erreurs. Aujourd’hui, la même erreur est commise et tout le monde ferme les yeux. Tout le monde peut faire des petites choses qui finissent de faire de grandes vagues. Comme boycotter les marques qui malheureusement profitent de cet esclavage. La « liste de la honte » est disponible partout sur les réseaux sociaux, on ne peut pas faire comme si on ne savait pas.
Dans la «marche contre le génocide ouïghour» le 2 octobre 2021 à Paris, Gabriela Moreno, comme beaucoup de jeunes Français, se mobilise sur les réseaux sociaux et boycotte des produits issu du travail forcé.
Dans la «marche contre le génocide ouïghour» le 2 octobre 2021 à Paris, Gabriela Moreno, comme beaucoup de jeunes Français, se mobilise sur les réseaux sociaux et boycotte des produits issu du travail forcé. © Heike Schmidt / RFI

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Briser le silence de la France

Pas loin de là, Raphaël Glucksmann enchaîne les interviews. Suivi par 660 000 abonnés sur son compte Instagram, l’eurodéputé espère que la mobilisation des jeunes finira par briser le silence assourdissant de la France.

« Ce que je vois depuis deux ans, ce sont des centaines de milliers de jeunes qui ont imposé la thématique des Ouïghours au cœur du débat européen », dit-il. Et de poursuivre : « Le but de cette mobilisation est aussi de réveiller l’Assemblée nationale, de dire aux députés français qu’ils sont les représentants d’une nation qui a cru dans les droits humains et de leur dire qu’il est temps d’être fidèle à cette tradition-là et qu’on n’est pas effrayés par la puissance commerciale chinoise. » 

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Jusqu’à présent, le gouvernement s’est contenté de dénoncer un « système de répression institutionnalisé ». À l’Assemblée nationale, une cinquantaine de députés attendent encore que leur résolution pour reconnaître le « génocide » des Ouïghours soit enfin portée à l’ordre du jour. Sept pays, dont la Belgique, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, se sont déjà engagés dans cette voie.

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