«Professeur Li», le compte Twitter qui documente la grogne sociale en Chine
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Pour contourner la censure, de plus en plus de Chinois passent par les plateformes occidentales comme Twitter pour s’informer, mais aussi pour témoigner. Un compte avec un avatar de chat répondant au pseudo de « Professeur Li » a ainsi gagné des centaines de milliers d’abonnés à l’occasion des manifestations qui ont secoué la Chine à la fin du mois dernier.
De notre correspondant à Pékin,
Une pelleteuse folle qui arrache les toits des voitures à la sortie d’un métro de Zhengzhou au centre de la Chine, des coups de feu dans la nuit ce mercredi 14 décembre, le travailleur migrant qui n’a visiblement pas trouvé d’autres moyens pour percevoir son salaire a été abattu par la police. Ce genre de vidéos, vous ne les voyez jamais dans les médias chinois. Nous l’avons trouvé sur le compte Twitter @whyyoutouzhele, alias « Professeur Li », un peintre de 30 ans, joint en Italie.
« Je ne mets pas en lumière les évènements sociaux, je les enregistre. Mon intention est de documenter ce dont les médias officiels ne parlent pas. Il y a beaucoup de gens aujourd’hui qui font ce travail sur internet. Les internautes m’envoient leurs vidéos, leurs photos et leurs informations via la messagerie privée Twitter. Je filtre en fonction de l’actualité, ce qui se passe en ce moment et ce qui est le plus important. »
Informer « en direct » sur Twitter
Qui se cache derrière cet avatar de « chat-tigre » sur Twitter, que nous avons découvert au moment des émeutes de Foxconn, puis des manifestations aux « papiers blancs » contre la politique zéro Covid fin novembre ? Le « Professeur Li » a tweeté en direct les « incidents de masse » se déroulant simultanément dans tout le pays, offrant une image rare de la contestation. Impossible de le faire via les réseaux chinois, immédiatement censurés. Il faut donc passer par les applications étrangères comme Instagram et Twitter.
« De plus en plus de jeunes Chinois vont sur Twitter pour s’informer. Pour cela, ils utilisent un VPN afin de contourner la grande muraille informatique chinoise. C’est la seule façon de savoir ce qui se passe en Chine. Sur les réseaux chinois, les infos tiennent cinq minutes, trente minutes au plus avant que la censure n’intervienne. Ainsi, lorsqu’ils entendent qu’il se passe quelque chose, mais qu’ils ne voient rien dans les médias ou sur les réseaux, ils franchissent le pare-feu pour se rendre sur Twitter, et obtenir les dernières informations ».
À 30 ans, arrivé en Italie pour étudier l’art en 2016, le compte « Professeur Li » qui compte aujourd’hui plus de 870 000 abonnés, a révélé que les Chinois étaient toujours en quête de liberté d’expression, après des années à se taire, comme l’indiquent les feuilles blanches brandies par les protestataires.
Parmi les vidéos marquantes publiées ces dernières semaines, celles notamment de la révolte ouvrière chez le sous-traitant d’Apple ou encore de ce « superman » de Chongqing, un homme seul critiquant les restrictions sanitaires et soutenues par les riverains lors de l’arrivée de la police.
Mais aussi ces slogans exigeant la démission du président chinois dans la rue d’Urumqi à Shanghai le 26 novembre. Slogans inimaginables encore la veille qui ont encouragé la jeunesse de Pékin à manifester le lendemain.
Anonyme pour sa sécurité
Des publications qui ont valu des menaces de mort au professeur Li sur Twitter.« J’ai choisi mon pseudo un peu au hasard. L’anonymat fait partie de la culture internet, mais aussi, c'est important pour ma propre sécurité. Même loin de la Chine, je dois faire attention. Hier par exemple, j’ai reçu des appels insistants. Le type au téléphone prétendait qu’il était livreur de repas. Il voulait mon adresse, donc vous voyez, c’est assez dangereux. Selon les journaux italiens, il y a beaucoup de policiers chinois en Italie. Donc oui, je crois que ma sécurité est dans une certaine mesure menacée. »
Un compte anonyme qui continuera de trier et d’éditer des milliers de vidéos rapportant les mouvements sociaux en Chine. À ceux qui l’accusent d’être plusieurs, Professeur Li dit qu’il a peu quitté son clavier, sauf pour nourrir ses quatre chats ces dernières semaines, et qu’il a peu dormi, compte tenu du décalage horaire entre Rome et Pékin.
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