Fréquence Asie

Justice climatique: en Indonésie, l’île Pulau Pari porte plainte contre le cimentier Holcim

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Le « greenwashing » a le vent en poupe. Les entreprises vantent leurs actions climatiques, mais leurs promesses sont souvent loin de la réalité. Parmi les 50 plus grands émetteurs de CO2 mondiaux, le cimentier suisse Holcim est ciblé par une plainte inédite en Indonésie. Quatre habitants de l’île Pulau Pari accusent le géant du béton de mettre leur vie en péril. Une affaire qui pourrait devenir un cas d’école, car Holcim, qui a cédé ses activités en Indonésie en 2019, est visé pour ses dégâts causés dans le monde entier. 

Holcim est la deuxième entreprise dans le monde à être attaquée en justice par des victimes du changement climatique.
Holcim est la deuxième entreprise dans le monde à être attaquée en justice par des victimes du changement climatique. © AFP/Fabrice Coffrini
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C’est un combat dans la veine de David contre Goliath. Une petite île défie le numéro un mondial du béton. Selon Edi, l’un des quatre plaignants, Holcim est responsable de la montée des eaux qui menace les 1 500 habitants de Pulau Pari : « Nous serons forcés de quitter notre île. À cause des inondations récurrentes, nous avons peur de rester ici avec nos enfants. Notre vie est en danger. Qu’allons-nous devenir si les eaux continuent à monter ? » 

L’année dernière, Pari, qui vit de la pêche et du tourisme, a été inondée cinq fois. L’eau a déjà grignoté 11 % de la surface de l’île et détruit petit à petit les terres de Pak Arif : « J’ai subi d’importants dégâts. L’eau est arrivée dans la cour de ma maison et elle a détruit le mur d’enceinte. L’eau potable est de plus en plus dure à trouver, car l’eau salée a pollué nos puits. Beaucoup d’arbres fruitiers sont déjà morts, et il n’y a déjà presque plus de papayes et de bananes. Le sel fait aussi rouiller nos motos. » 

« 7 milliards de tonnes de CO2 rejetées depuis 1950 »

À long terme, Pulau Pari risque de disparaître. Une conséquence directe des émissions de CO2 du cimentier Holcim, selon Yvan Maillard, le responsable « justice climatique » de l’ONG Entraide protestante suisse. Elle défend les plaignants, aux côtés de deux autres ONG.

« Holcim est coresponsable du changement climatique. Il fait partie des 50 plus gros pollueurs du monde. Holcim a rejeté 7 milliards de tonnes de CO2 depuis 1950, cela correspond à 0,5 % de toutes les émissions industrielles de CO2. Et cela fait de Holcim l’un des plus grands pollueurs au niveau mondial. » 

Les plaignants réclament une indemnisation de 14 000 euros pour les dommages causés. Ils veulent aussi planter des mangroves et des murs protégeant les rivages. Une somme certes dérisoire pour une multinationale, mais une somme qui créerait un précédent… et ça, le cimentier suisse veut l’éviter.

Sollicitée, l’entreprise nous a répondu : « Nous ne pensons pas que des poursuites en justice ciblant des entreprises individuellement soient un mécanisme efficace pour s’attaquer à la complexité globale de l’action pour le climat. »  

Holcim, deuxième entreprise attaquée en justice par des victimes du changement climatique

Holcim dit vouloir devenir une entreprise à zéro émission nette de CO2 à l’horizon 2050. Trop tard, estiment les habitants de Pulau Pari. Il faut demander des comptes aux grands pollueurs dès à présent, estime aussi Yvan Maillard, une façon d’ouvrir la voie à d’autres victimes du dérèglement climatique : 

« Nous soutenons cette action de quatre Indonésiens et Indonésiennes. L’objectif est bien sûr de créer un précédent. L’objectif est aussi d’avoir des tribunaux qui se penchent sur cette question des dommages qui sont causés par le changement climatique… et qui doit payer pour ces dommages. Ce qui est aussi très important, c'est que les tribunaux se prononcent sur cette question : à quelle vitesse ces grands pollueurs doivent-ils réduire leurs émissions en CO2 ? »

Holcim est seulement la deuxième entreprise dans le monde à être attaquée en justice par des victimes du changement climatique. L’autre est le géant allemand de l’énergie RWE, poursuivie par un paysan péruvien dont les terres risquent d’être englouties par le lac Palcacocha, gonflé par la fonte des glaces. 

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