Grand reportage

Au Brésil, le boom du lait végétal

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Le Brésil est l’un des plus grands consommateurs de lait de vache au monde. Mais avec une croissance de 860% depuis 2015, le marché du lait végétal est en plein essor. D’abord à base de soja, il se décline aujourd’hui avec des produits typiquement brésiliens, comme la noix de cajou ou de coco. Entre préoccupations environnementales, sociales, et nutritives, les laits végétaux envahissent la grande distribution.

Avec 86 000 tonnes en 2020, l’Etat du Ceará est le plus grand producteur de noix de cajou au Brésil.
Avec 86 000 tonnes en 2020, l’Etat du Ceará est le plus grand producteur de noix de cajou au Brésil. © RFI/Sarah Cozzolino
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De notre correspondante à Rio de Janeiro

La saison du cajou touche à sa fin en ce mois de décembre chaud. La ville de Cruz, à 300 kilomètres à l’ouest de Fortaleza, dans l’état du Ceará (Nordeste du Brésil) est parmi les plus grandes productrices de noix de cajou du pays. Dans leur champ, Mardone et Maria-Cecilia se reposent à l’ombre d’un pommier-cajou, cet arbre typique de la région, de taille moyenne et au feuillage bien touffu. « C’est vraiment beau en pleine saison, se rappelle Maria-Cecilia, quand il y a des pommes de cajou rouges et jaunes plein les arbres ».

Le pommier de cajou produit deux fruits : la pomme de cajou, fruit juteux qui se mange ou se boit en jus et qui est en réalité le pédoncule d’un autre fruit, la noix de cajou. Avec une production de près de 86 000 tonnes en 2020, l’état du Ceará est le plus grand producteur de noix de cajou du pays. Mais les petits producteurs comme Mardone et Maria-Cecilia sont parfois loin d’imaginer toutes les richesses de la noix de cajou.

« Moins il y a d’ingrédients, plus c’est compliqué »

Depuis 2015, l’entreprise « A Tal da Castanha », basée à Fortaleza, est spécialisée dans la production de lait de noix de cajou biologique. À la tête de la jeune marque, Felipe Carvalho scrute les montagnes de noix de cajou en phase de séchage : « Ici on exploite la noix de cajou à 100%, explique le co-fondateur de la marque, pionnière dans son domaine. On enlève la noix de sa coque, on utilise sa coque pour générer de l’énergie pour l’usine… Et à l’intérieur de la coque on trouve un liquide qu’on appelle LCC, liquide de la noix de cajou. Une huile très riche utilisée pour plusieurs fonctions dans le monde entier. On l’exporte aux États-Unis, en Europe, au Japon… et elle est utilisée comme alternative à des ingrédients d’origine fossile. » 

Quand Felipe Carvalho a voulu lancer son lait végétal, les consommateurs brésiliens ne trouvaient que des produits à base de soja, ou alors importés. Mais tous ces laits comprenaient un grand nombre d’ingrédients : huiles végétales, stabilisateurs, acidifiants, arômes artificiels… 18 à 20 additifs en moyenne. Le lait qu’il produit ne contient que deux ingrédients : de l’eau et de la noix de cajou. Une formule qui a été développée dans des laboratoires pendant près d’un an et demi. « Moins il y a d’ingrédients, plus on pense que c’est simple à faire, s’amuse Felipe Carvalho. Sauf que c’est l’inverse. Le plus simple c’est de faire avec beaucoup d’ingrédients, parce qu’on sait déjà comment faire, on sait que ça va bien se conserver, rester stable… mais nous, nous avons opté pour le chemin le plus difficile, mais c’est ce qui fait notre différence. »  

Aujourd’hui, on compte plus d’une dizaine de marques brésiliennes de lait végétal. Si le lait de soja domine encore le marché, il perd chaque année des consommateurs, inquiets de l’impact de cette culture sur l’environnement. Comme « A Tal da castanha », certaines marques misent sur l’aspect bio, et sain, en proposant des laits à base de noix du Brésil, noix de coco, d’amande, ou encore d’avoine, d’autres sur des substituts pensés en laboratoire, qui se rapprochent le plus possible de la texture et du goût du lait de vache. Et même si ces laits sont souvent plus chers, ils ont encore conquis des consommateurs pendant la pandémie.

Mode de vie plus sain

Dans la banlieue de Fortaleza, Natália Rocha s’active en cuisine, avec son bébé de 8 mois qu’elle porte sur son ventre. Elle s’apprête à mixer ses noix de cajou pour en faire du lait qu’elle donnera ensuite à son enfant, déjà végan, comme elle. « Moi je trouve ça merveilleux, s’enthousiasme Natália, cuisiner c’est magique ! Je transforme un ingrédient et j’en obtiens un autre ! ». 

Depuis qu’elle a changé de régime alimentaire, il y a sept ans, Natália a développé une grande expertise  des alternatives aux produits d’origine animale. « À cette époque, à Fortaleza, on ne trouvait pas de produits « industriels » vegans, se souvient Natália. Donc j’ai appris à faire des steaks de légumineuses, du lait de noix de cajou, ou noix de coco, des fromages fermentés d’amandes… »

Un nouvel horizon de saveurs

En pâtisserie, le lait de noix de coco artisanal est le plus fréquemment utilisé pour substituer le lait de vache.Jordana Dembogurski était l’une des premières à créer une offre de pâtisseries et gâteaux végans à Fortaleza en 2018. En 2021, « Mazô », sa pâtisserie, comptait une longue liste d’attente et elle a décidé de transmettre sa passion et son savoir-faire. « Toutes mes recettes sont originales, je les aies conçues en pratiquant, confesse Jordana. J’ai jeté tellement de gâteaux avant d’y arriver ! » 

La jeune femme de 26 ans donne désormais des cours : de la recette de son lait de coco artisanal aux pièces montées pour les mariages, en passant par les truffes au caramel, elle dévoile tous les secrets de la cuisine végane. « Le monde végétal offre vraiment des possibilités infinies, souligne Jordana. Avec de la noix de coco on peut faire des plats sucrés, salés, des fermentations… D’ailleurs on travaille depuis peu avec des fermentations aussi, j’apprends à faire des fromages de noix de cajou fermentée, une ricotta d’amendes… Et tout ça ajoute évidemment de la saveur, de la texture aux pâtisseries. C’est quelque chose de très savoureux. » Car ses clients ne sont pas seulement végans, ils sont parfois intolérants aux produits laitiers, ou tout simplement curieux d’une cuisine plus végétale.

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