Présidentielle au Congo-Brazzaville : Mathias Dzon candidat de l'Alliance pour la République et la démocratie
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Au Congo-Brazzaville, la présidentielle, c'est dimanche prochain. Face au chef de l'État sortant, Denis Sassou-Nguesso, six candidats se présentent. Parmi eux, il y a l'ancien ministre des Finances Mathias Dzon. Pourquoi pense-t-il que tout n'est pas joué d'avance ? Quelles seront ses deux priorités s'il est élu ? En ligne de Brazzaville, le candidat de l'Alliance pour la République et la démocratie (ARD), répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : Vous avez boycotté 2009 et 2016. Pourquoi vous présentez-vous cette fois-ci ?
Mathias Dzon : 2009, je n’ai pas boycotté parce que c’était une décision collective. 2016, nous n’avons pas voulu faire droit à l’illégalité. Les élections de 2016 étaient illégales, parce que le président de la République avait changé de Constitution illégalement. Il y avait donc un coup d’État constitutionnel et l’élection qui a suivi a été un hold-up électoral. Le président a forcé pour avoir un troisième mandat et il a perdu. Et alors qu’il a perdu, il a pris ceux qui ont gagné et les a mis en prison jusqu’à ce jour.
Et pourquoi vous décidez, malgré tout cela, de vous présenter cette fois-ci ?
Malgré tout cela, je décide de me présenter cette fois-ci parce que, si on n’arrête pas cette marche, alors on va continuer dans le désordre, dans le chaos, puisque le Congo connaît une grave crise multidimensionnelle, il faut arrêter le processus, sinon cela va être une catastrophe. Je me lève pour appeler à la responsabilité de voter massivement contre le système actuel, pour que quelqu’un, qui peut apporter une solution dynamique et cohérente, puisse être gagnant, mais dans les urnes. Nous n’accepterons pas la magouille, telle que cela s’est fait en 2016 ou en 2009.
Et pourquoi êtes-vous plus optimiste cette année que les fois précédentes ?
Je suis plus optimiste car le peuple congolais exige le changement. Les Congolais sont debout et veulent qu’il y ait un changement cette fois-ci.
Et vous pensez que le scrutin sera transparent ?
Il ne sera pas transparent, mais dans les urnes, personne ne pourra voler. Ils n’ont mis en place que des astuces, comme par exemple le vote des militaires, qu’on ne peut pas dépouiller le même jour, qu’on renvoie au dépouillement quatre jours plus tard. Ceci, c’est pour tricher. Il y a des bureaux de vote clandestins. Nous avons demandé aux Congolais d’être vigilants pour que ces bureaux de vote ne puissent pas être utilisés par eux. Il y a des mineurs qui vont détenir des cartes d’identité, des cartes d’électeur. Il faut vérifier tout cela. Quand nous aurons mis fin à cela par notre vigilance, alors le pouvoir aura des problèmes.
Et à l’annonce des résultats officiels, est-ce que vous les reconnaîtrez ou pas ?
Nous les reconnaîtrons si [les élections] sont transparentes. Mais comme la Commission électorale actuelle est une commission partisane, qui ne prévoit que la victoire du candidat au pouvoir, sûrement nous ne l’accepterons pas. Puisque nous aurons les gens dans les bureaux de vote qui publieront les vrais résultats, alors nous prendrons en compte ceux-là.
Vous dénoncez les arrestations des candidats de 2016, Jean-Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa. Mais justement, l’opposant Clément Mierassa estime qu’il n’est pas possible de se présenter en 2021 tant que ces deux candidats de 2016 sont en prison ?
Ça, c’est son point de vue et cela n’engage que lui-même.
Et qu’avez-vous à dire par rapport à ces deux candidats de 2016 qui sont aujourd’hui toujours en prison ?
J’ai toujours demandé leur libération, sans condition, parce qu’ils n’ont commis aucune faute. On ne peut pas emprisonner quelqu’un pour délit d’opinion. J’ai toujours demandé leur libération et j’ai décidé, si je suis élu, que la première décision sera de les mettre dehors, qu’ils sortent de prison parce qu’ils n’ont commis aucun crime.
Vous avez été ministre des Finances du président Denis Sassou-Nguesso. Pourquoi êtes-vous candidat contre lui à présent ?
Je n’ai pas été ministre des Finances du président Sassou-Nguesso. J’ai été ministre des Finances du temps où il était président de la Transition. C’est tout à fait différent. Alors si je me présente contre lui aujourd’hui, ça a toujours été ma position de changer de politique dans ce pays. Même quand nous étions dans le même groupe politique, qui s’appelait les Forces démocratiques unis, nos lignes politiques divergeaient. C’est pour cela qu’on s’est séparé très vite.
Le candidat Denis Sassou-Nguesso prône la diversification de l’économie. N’a-t-il pas raison de vouloir réduire la dépendance de votre pays au pétrole ?
Cela fait 40 ans qu’il est au pouvoir, pourquoi il ne l’a pas fait ? C’est maintenant qu’il veut le faire, maintenant qu’il a vieilli, maintenant qu’il ne peut plus créer quelque chose de nouveau. C’est simple, il ne fait plus rien. Le pays est très mal géré. Le pays est en train de sombrer. Il n’a rien fait depuis ces 40 ans, c’est aujourd’hui qu’il va diversifier l’économie, qu’il va diversifier ? En faisant quoi ? [Diversifier], c’est un mot qu’il avance comme ça sans savoir ce qu’il y a à mettre dedans. Il ne donne aucune solution, ce qui est différent de moi-même.
Et vous-même justement, quelle est la différence Mathias Dzon ?
La différence est importante. Actuellement, l’État congolais est illiquide, les comptes sont déficitaires, externes comme internes. Les paiements sont aux arrêts. Rien ne se paie dans ce pays. La dette ne fait qu’exploser. C’est ça dans l’immédiat. Il faut rétablir la normalité en restaurant la liquidité générale de l’économie, celle de l’État et celle des établissements bancaires. Et c’est à ce moment-là qu’on peut relancer l’économie et diversifier en s’attaquant aux autres secteurs. Quels sont les autres secteurs ? Au Congo, l’État s’appuie uniquement sur les mines liquides, c’est-à-dire le pétrole. Mais nous avons énormément de mines solides. Nous avons un pays agricole extraordinaire. Nous avons tout ce qu’il faut, tous les atouts pour développer notre pays. C’est ça qu’il faut faire. Ce n’est pas en laissant volatiliser les ressources de l’État qu’on peut le faire. Il faut un cadre technologique qui soit absolument un cadre efficient
Et vous qui avez été ministre des Finances, quelle est votre recette pour éponger l’énorme dette de votre pays ?
Justement. Comme on a épongé la première dette. Lorsque sous ma responsabilité, les finances congolaises étaient bien gérées, le Fonds monétaire [International-FMI] a accédé à la demande du Congo et a permis au Congo d’être PPTE [Initiative pour les pays pauvres très endettés pour l’allégement de leur dette]. Mais aujourd’hui, malgré cet accès, malgré l’achèvement, au Congo la dette a encore explosé. Alors, comment il faut faire ? Si nous rétablissons les comptes de l’État, le Congo aura les capacités de faire face à cette dette afin de la restructurer et enfin de la rembourser, tant au niveau de la dette extérieure qu’au niveau de la dette intérieure.
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