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Ousmane Diallo (Amnesty): «Ce carnage du Jnim vise à dissuader les populations de collaborer avec l’État malien»

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Au Mali, nouveau carnage dans le centre du pays. Selon le gouvernement de Bamako, 132 civils ont été tués froidement samedi et dimanche derniers par les jihadistes de la katiba du Macina. Le massacre s’est produit dans plusieurs villages de la commune de Diallassagou, dans le cercle de Bankass. Pourquoi de telles tueries ? Ousmane Diallo est chercheur Sahel à Amnesty International. En ligne de Dakar, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

Combattants jihadistes au Mali (Illustration).
Combattants jihadistes au Mali (Illustration). © STRINGER / AFP
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RFI : Ousmane Diallo, comment expliquez-vous ce nouveau carnage dans le centre du Mali ?

Ousmane Diallo : Oui, ces derniers jours on a vu que les membres de la Katiba Macina et du Groupe pour le soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim)ont attaqué plusieurs villages, en particulier à Diallassagou et aussi à Niondo et jusqu’à Ségué, et ça s’explique comme des représailles à la suite d’opérations militaires effectuées par les forces armées maliennes et au cours desquelles des habitants de ces villages-là ont été accusés d’avoir servi de guide aux autorités maliennes. Et on voit que ça s’inscrit dans le cycle d’intimidations et de violences perpétrées par le Jnim dans le centre du Mali pour dissuader ces populations-là de collaborer ou bien de s’affilier à l’État malien.

Est-ce à dire que les jihadistes du Jnim et de la Katiba Macina veulent punir les villageois de la région de servir éventuellement de guides aux militaires, c’est cela ?

Ousmane Diallo : Exactement, c’est une forme de punition collective. Comme on le sait, au cours des dernières années, les membres de cette katiba-là avaient établi des accords locaux avec plusieurs villages de la région, notamment avec des clauses qui leur permettaient d’avoir accès aux terres agricoles, et en échange de ne pas collaborer avec l’armée malienne, que tous les hommes portent la barbe, ou bien que toutes les femmes portent le voile. Et on voit que à la suite des dernières opérations qu’il y a eu lieu dans cette zone-là, il y a des représailles violentes pour, d’une certaine manière, montrer aux populations le prix à payer à cause de cette collaboration-là.

Le problème c’est que les militaires interviennent et ensuite ils s’en vont, c’est ça ?

Ousmane Diallo : Exactement, et ça pose toute la question de la protection des civils parce que si on implique des communautés villageoises et qu’on les engage dans des actions militaires contre les groupes armés, sans pour autant avoir une présence territoriale solide dans la région et sans pour autant établir des dispositifs permettant de protéger les populations civiles de ces représailles-là, on les expose d’une certaine manière à la violence de ces groupes armés-là qui sont les premiers responsables de la mort de ces populations civiles ; mais il y a des questions à se poser, notamment sur les relations entre l’État et ces populations-là dans les zones où interviennent ces groupes jihadistes.

Est-ce que les militaires maliens, qui sont intervenus ces dernières semaines, ont été accompagnés de supplétifs, notamment de la milice armée Wagner ?

Ousmane Diallo :  Dans le sud de la région de Moptice n’est pas tout à fait avéré, nous n’avons pas d’informations en ce sens. Ils ont été beaucoup plus actifs dans la zone de Djenné, il y a eu plusieurs opérations et patrouilles conjointes avec ce que l’État malien appelle les instructeurs russes, mais dans la zone de Bankassnous n’avons pas d’information de patrouilles entre Wagner et les forces armées maliennes dans cette zone.  

Alors depuis six mois, les autorités de la transition malienne affirment qu’elles reprennent au contraire du terrain sur les jihadistes, notamment au centre du Mali, est-ce qu’il n’y a pas tout de même quelques succès militaires de la part du pouvoir de Bamako ?

Ousmane Diallo : Succès militaire, moi je ne saurais l’évaluer exactement, mais ce qu’on note c’est qu’il y a plus de violence contre les civils. Au-delà de l’incident de Moura,on peut voir que, par exemple, dans la région frontalière de Ménaka,il y a une offensive de l’Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS) depuis le mois demarsqui a causé des centaines de pertes de vie de populations civiles, que ce soit à Tamalat etInchinane. On peut le voir récemment, plus dans le centre du Mali avec les attaques contre les populations civiles de Diallassagouet deNiondo. Donc il y a une nécessité, d’une certaine manière, qu’il y ait une meilleure collaboration entre les États et partenaires de la région, dans un contexte de forte polarisation géopolitique qui dessert beaucoup le respect des droits humains, le droit international humanitaire et la protection civile.

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