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Élections au Sénégal: «L'opposition, à travers Sonko, a su cristalliser l'ensemble des revendications»

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Les résultats provisoires des élections législatives sénégalaises placent donc pouvoir et opposition au coude-à-coude. Quatre-vingt deux députés pour le camp présidentiel, 80 pour la coalition de l'opposition, et trois petits partis qui prennent une place inattendue dans le jeu politique en devenant de potentiels faiseurs de majorité. L'opposition, en tout cas, réalise une véritable percée. Comment l'analyser ? Quels sont les scénarios politiques envisageables après de tels résultats ? Le chercheur en sciences politiques Moussa Diaw, de l'université de Saint-Louis, répond aux questions de RFI.

Une femme glisse son bulletin de vote dans l'urne d'un bureau de Yoff, à Dakar, le 31 juillet 2022.
Une femme glisse son bulletin de vote dans l'urne d'un bureau de Yoff, à Dakar, le 31 juillet 2022. © AFP / JOHN WESSELS
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Ces résultats provisoires montrent un recul très fort de la majorité présidentielle, Benno Bokk Yakaar, qui perd 43 sièges. Comment est-ce que vous analysez ce recul ?

Ce recul est dû à plusieurs facteurs, d’abord le contexte international, avec les effets de la crise ukrainienne sur l’alimentation, ensuite le contexte interne, national avec la cherté des produits de première nécessité et puis l’absence de perspective pour les jeunes. Il y a un sujet aussi qui a été largement débattu, exploré par l’opposition, c’est la criminalisation de l’homosexualité. Ces sujets donc ont été débattus. Sonko, qui est en tête de l’opposition, a su cristalliser l’ensemble des revendications autour de ces thématiques. Celles-ci ont porté parce que les jeunes se sont mobilisés massivement pour aller voter.

Pour autant, pouvoir et opposition sont au coude à coude, 82 sièges pour Benno, 80 pour l’alliance Yewwi Askan Wi / Wallu Sénégal. Est-ce qu’on se dirige vers une période de recours ou une période de séduction pour gagner le ou les députés qui permettront d’atteindre la majorité absolue à 83 sièges sur 165 ?

Oui, tout à fait, il va y avoir ces deux aspects. Il va certainement y avoir un recours qui va être déposé par l’opposition au regard d’un certain nombre de soupçons de fraudes, concernant certaines localités... et en même temps il va y avoir justement des négociations auprès des leaders politiques qui aujourd’hui n’ont obtenu qu’un député et qui vont servir d’arbitres, il s’agit de Aar Sénégal, de Bokk Gis Gis et des Serviteurs. Ces trois-là se considèrent dans l’opposition, mais maintenant il reste encore des négociations qui vont avoir lieu. Vont-ils partir ou vont-ils rester ? C’est ça, la grande question. Dans tous les cas, c'est eux qui vont faire l’arbitre dans le cadre de l’Assemblée nationale du Sénégal.

Ces trois partis qui jouent un peu le rôle de pivot dans la constitution d’une majorité dans la prochaine assemblée sénégalaise, sont plutôt proches de l’opposition ?

Pendant la campagne, Ousmane Sonko avait fait des critiques à leur encontre pour savoir quelle est leur position, est-ce qu’ils sont dans l’opposition ou bien dans la majorité, parce qu’ils n’arrêtaient pas de l’attaquer personnellement. C’est à ce moment-là qu’ils ont répondu qu’ils étaient dans l’opposition, et qu'il n’y avait pas de raison qu’ils quittent l’opposition. Mais maintenant, est-ce qu’ils vont confirmer ce qu’ils ont annoncé, ou bien vont-ils céder à des pressions, ou bien à des propositions alléchantes de la majorité.

En tout cas, on peut imaginer qu’ils seront très largement courtisés dans les jours qui viennent... Est-ce que la transhumance politique est aussi quelque chose qu’on peut attendre dans les jours qui viennent ? Est-ce qu’on peut imaginer que certains élus de Yewwi Askan Wi rallient Benno Bokk Yakaar ?

C’est une question qui mérite d’être posée, mais les citoyens l’ont réglée pendant ce scrutin, parce qu’on a constaté que des transhumants nouveaux qui étaient élus sous la bannière de partis de l’opposition et qui avaient rallié la majorité... tous ces transhumants ont été battus, et donc ça montre bien que les citoyens ne supportent pas ce comportement de transhumance. La sanction est tombée.

Est-ce que vous diriez que ces élections législatives ouvrent le jeu politique pour les présidentielles de 2024 ?

Oui, ça ouvre le jeu. Si Macky Sall veut briguer un troisième mandat ça va être très compliqué pour lui. Les leaders qui se sont exprimés pendant la campagne, ont montré leur capacité de mobilisation, c’est vrai que ça va rendre complexe les rapports de force, mais c’est ça la démocratie, les acteurs vont se positionner et les Sénégalais vont se déterminer au moment opportun.

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