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Ousmane Sonko, opposant sénégalais: «Nous n’avons rien contre la France»

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« Nous sommes une opposition responsable, qui ne veut en aucun cas interrompre la coopération avec la communauté internationale, nous voulons juste des partenariats gagnant-gagnant », affirme l’opposant sénégalais Ousmane Sonko, ce 6 janvier 2023, dans une interview à RFI et France 24.

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Le maire de Ziguinchor et président du parti Pastef, Ousmane Sonko, lors de son entretien avec France 24 et RFI, le 6 janvier 2023.
Le maire de Ziguinchor et président du parti Pastef, Ousmane Sonko, lors de son entretien avec France 24 et RFI, le 6 janvier 2023. © France Médias Monde
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Monsieur Sonko, vous soulevez un point qui fait débat et qui fera débat, à savoir la question du troisième mandat. Macky Sall n'a pas encore dit s'il comptait briguer ou pas un nouveau mandat, il estime toutefois qu'en raison de la nouvelle Constitution de 2016, il en a le droit. On entend certains de ses proches l'encourager à y aller. Alors, d'une part, en a-t-il le droit, d'après vous, et s’il y va, est-ce que vous seriez, peut-être, tenté par une stratégie de déstabilisation, si jamais il saute le pas ?

Vous savez, le seul fait que ce débat se pose encore au Sénégal n’honore pas ce pays, n’honore pas le président Macky Sall. N'oubliez pas qu'en 2012, c'est le président Macky Sall qui était à la pointe de la contestation contre la troisième candidature du président Abdoulaye Wade, au point d'être dans les manifestations à la place de la Nation, muni d'un petit matelas, se disant prêt même à y passer les nuits s'il le faut.

Pensez-vous que, moralement, un homme qui a eu cette position, cette posture et qui a mené ce combat-là, puisse se retrouver, douze ans plus tard, dans la même situation où c'est lui, aujourd'hui, qui veut forcer une troisième candidature ? C'est une honte pour le Sénégal, c'est une honte pour l'Afrique que ce genre de débat ne se pose que chez nous. Quand on a gouverné de la manière dont il a gouverné avec des scandales à la pelle, impliquant ses proches, ses beaux-frères, ses frères, ses parents, tous ces gens qui l’ont mené à sa gouvernance, quand on a gouverné par la brimade en instrumentalisant la justice, en libérant les forces de défense et de sécurité sur les gens, on a toujours peur des lendemains.

Mais sur le plan juridique, tous les constitutionnalistes sénégalais - vous voyez que chaque jour ou chaque semaine, il y a des panels - je n'ai pas encore vu un constitutionnaliste qui dise le contraire et nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs. Cette phrase qui figure dans l'article 27 de la Constitution, a résumé la question.

Qu'est-ce qui va se faire ? Cela relèvera du peuple sénégalais. Vous savez, ce n’est pas une question de Ousmane Sonko ou de X ou de Y. La preuve, s’il y a une question qui fait consensus entre l'écrasante majorité du peuple sénégalais, la société civile sénégalaise, les acteurs politiques de l'opposition et même des acteurs politiques du pouvoir, parce que de plus en plus de voix s'élèvent dans le pouvoir - on a même des démissionnaires qui disent rendre leur tablier parce qu'ils ne peuvent pas admettre ce débat sur le troisième mandat - le moment venu, le peuple sénégalais qui est un grand peuple, qui a montré dans le passé son attachement à la démocratie, ce peuple-là aura son mot à dire.

Monsieur Sonko, lors de votre candidature officielle - c'était au mois d'août dernier - vous avez accusé Macky Sall de « susciter des dossiers de terrorisme, de rébellion, de viols imaginaires, fabriqués avec le soutien de la France ». La France aurait donc participé à un complot contre vous ? C'est grave, ça, comme accusation…

Ce que je veux dire, c'est qu’aujourd’hui, il y a un certain nombre d'actes que la France pose, ce qui nous fait penser, nous l’opposition, de manière générale, que la France prend fait et cause pour Macky Sall. Sur ces problématiques-là, nous voulons appeler la France à revoir sa position.

On a été dépeints comme étant des antifrançais notoires. Nous n'avons rien contre la France, ni contre aucun autre pays. Nous avons un discours qui peut gêner parce que c'est un discours qui appelle à une rupture dans les relations. Il y a des traditions séculaires entre le Sénégal et la France mais ces traditions sont assises également sur des relations qui ne sont pas totalement roses pour le Sénégal. Nous sommes au XXIème siècle, le monde est en train de changer. Il ne s'agit plus de placer un président, de lui apporter un total soutien, tant qu'il accepte la coopération telle que vous la voulez ou telle que vous l'entendez.

Nos pays aspirent à autre chose et nous voulons continuer des partenariats mais dans le sens d'un partenariat gagnant-gagnant et cela appelle à une révision d'un certain nombre d'axes, au niveau économique surtout, mais également sur beaucoup d'autres plans.

Sur le plan international, il y a un fait inédit. Depuis quelque temps, nous nous rendons compte que la communauté internationale établie au Sénégal semble avoir même peur d'entrer en contact avec l'opposition et on nous dit que ce serait un veto du présent Macky Sall. Nous voulons dire à cette communauté internationale que l'opposition sénégalaise est une opposition responsable, ouverte sur le monde, qui connaît la tradition et l'histoire de la coopération au Sénégal qui, en aucun cas, ne peuvent être interrompues mais que nous voulons des discussions beaucoup plus sereines, beaucoup plus ouvertes et orientées vers des partenariats constructifs, gagnant-gagnant.

Monsieur Sonko, vous dites que vous n'êtes pas contre la France. On a vu des manifestations anti-françaises et parfois pro-russes dans plusieurs capitales africaines. Quelle est votre appréciation de cette arrivée des Russes qui pourraient se substituer à la France ?

Ce que je voudrais dire à nos amis africains, c'est qu’il n'est pas question de remplacer un partenariat qu'on considérait défavorable, par un autre qui peut l'être beaucoup plus. Remplacer un drapeau par un autre n'est pas en faveur du combat pour la souveraineté des pays africains. Nous devons être très prudents. L'ouverture, certes mais à l'endroit de la Russie également, ce qui est attendu n’est pas un partenariat de guerre, on n'attend pas que la guerre s'installe dans un pays pour débarquer, mais nous voulons des partenariats beaucoup plus constructifs, beaucoup plus larges qui englobent toutes les questions de développement et qui nous interpellent.

À propos du dossier judiciaire concernant M. Ousmane Sonko, la Direction de RFI tient à préciser que ses journalistes, à Dakar comme à Paris, ont toujours veillé à couvrir cette affaire avec la plus grande rigueur et avec un souci permanent de l’équilibre.

 

Entretien de l'opposant sénégalais et président du Pastef, Ousmane Sonko, le 6 janvier 2023.
Entretien de l'opposant sénégalais et président du Pastef, Ousmane Sonko, le 6 janvier 2023. © France Médias Monde

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