Mgr Donatien Nsholé (RDC): «Les évêques doivent travailler pour accompagner le peuple vers la réconciliation»
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C’était il y a une semaine à Kinshasa. Le pape a évoqué le « génocide oublié », dont auraient été victimes les Congolais il y a 25 ans. Plus exactement, lors d’un discours aux côtés de Félix Tshisekedi, le pape a repris dans sa voix l’expression « génocide oublié », que venait d’utiliser le Président congolais. Est-ce à dire que le Vatican réclame à présent la création d’un Tribunal pénal international pour le Congo ? MonseigneurDonatien Nsholé est chapelain du pape François. À Kinshasa, il est aussi le secrétaire général et le porte-parole de la puissante CENCO, la Conférence épiscopale nationale du Congo.

RFI : Monseigneur Donatien Nshol, quel est le principal message du pape que vous retenez après sa visite à Kinshasa ?
Monseigneur Donatien Nsholé : Le principal message, c’est que nous sommes comparables à un diamant, et nous sommes appelés à être des Hommes d’espérance. Nous devons renoncer à la violence, à la résignation et être ouverts à la réconciliation.
Le pape a appelé à des élections transparentes et crédibles, mais qu’est-ce qui peut empêcher les éventuels fraudeurs de tricher au mois de décembre prochain ?
Nous constituons aussi avec l’Église protestante une mission d’observation et nous prenons des dispositions pour que rien ne nous échappe.
On sait le rôle capital que l’Église catholique a joué en 2016 pour obliger le président Kabila à ne pas solliciter un nouveau mandat. Quel rôle pensez-vous jouer d’ici décembre prochain ?
Eh bien la situation est différente parce que le président actuel a droit aussi à un mandat. Tout ce que nous souhaitons, c’est que les élections soient organisées de façon crédible, transparente, apaisée et inclusive.
Le moment le plus fort de la visite du pape a peut-être été cette rencontre le 1er février avec les rescapés des massacres dans l’Est du Congo. « Je suis sous le choc » a avoué le pape. Mais n’est-ce pas le cri de l’impuissance ?
Non, je crois que même le Christ sur la Croix a crié : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi tu m’as abandonné ? Et entre tes mains je remets mon esprit. » Non, ce n’est pas un cri de l’impuissance dans la mesure où le pape a dit aussi à ces victimes : « Non à la résignation. »
Et le pape a accompagné ce « non » d’un appel à la fin des luttes entre ethnies. Mais n’est-ce pas ce qui arrive de plus en plus à l’est de votre pays, les conflits à caractère ethnique ?
C’est pour avoir observé ça que le pape a lancé cet appel et les évêques ont aussi une mission dans ce sens-là, ils doivent travailler pour accompagner les peuples dans le sens de la réconciliation.
Beaucoup de Congolais ont regretté que le pape ne cite pas le voisin rwandais comme étant un agresseur de votre pays. Est-ce que vous le regrettez également ?
Bon, je ne le regrette pas dans la mesure où la problématique du Rwanda se retrouve dans l’appel général que le pape a lancé aux prédateurs internationaux de ces pays, en disant que la RDC n’est pas une mine à exploiter, « enlevez vos mains de l’Afrique, enlevez vos mains de la RDC ». Et donc je crois que dans ce contexte-là, la situation du Rwanda se retrouve.
Alors il y a un mot qui a retenu l’attention de tout le monde, c’est le mot « génocide ». C’était après un discours du président Tshisekedi évoquant le génocide oublié dont sont victimes les populations de l’Est du Congo. Le pape a pris la parole ensuite en disant : « Monsieur le président Tshisekedi, vous avez parlé du génocide oublié dont souffre la République démocratique du Congo. » Est-ce à dire que le pape a repris à son compte ce mot « génocide », concernant votre pays ?
Bien sûr que c’est oui, parce que c’est la réalité que nous vivons. Si on doit comptabiliser le nombre de morts à l’est du pays, je crois qu’on en aurait des milliers, donc le pape a reconnu cette vérité que le président de la République a dit dans son discours.
Le génocide, c’est selon sa définition, un crime de masse visant la destruction d’un groupe national, ethnique ou religieux. Peut-on parler d’un génocide pour les massacres qui ont eu lieu dans votre pays entre 1993 et 2003 ?
Je crois que c’est quand même une région qui est ciblée, même si on ne peut pas parler en termes d’ethnie c’est un peuple qui est ciblé en termes de territoire, et dans ce sens-là on n’aurait pas tort de parler de génocide. Surtout que l’enjeu c’est la balkanisation, alors la balkanisation voudrait dire aussi créer de l’espace, alors si on doit éliminer des gens pour créer de l’espace, c’est un génocide.
Et faut-il exhumer le rapport Mapping que les Nations unies ont sorti en 2010 sur les crimes commis dans votre pays entre 1993 et 2003 ?
Dans un des messages des évêques congolais qui sont revenus là-dessus, ils réclamaient la justice transitionnelle sur la base de ce rapport Mapping, c’est-à-dire que des enquêtes sérieuses soient menées au niveau national et international et que les responsables soient sanctionnés. Le pape en s’adressant aux évêques, il leur a demandé de ne pas se taire là où il y a injustice, même si c’est risqué pour eux. Et en réclamant cette justice, les évêques sont dans cette voie.
Quand vous parlez de justice transitionnelle, vous pensez à quels précédents historiques ? Vous pensez à quel type de justice ?
Je donnerais l’exemple de la justice internationale en Yougoslavie.
Yougoslavie pour laquelle il y a eu un tribunal pénal international…
Exactement.
Est-ce que vous êtes de ceux qui parmi vos compatriotes et pas des moindres, je pense au prix Nobel de la paix le docteur Mukwege, qui demandent la création d’un tribunal pénal international pour le Congo ?
Oui oui, je crois que c’est dans le même sens, et nous l’encourageons avec cette demande-là. Pour nous, l’essentiel c’est que justice soit rendue.
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