Succès Masra, opposant tchadien: «Nous devons résoudre les conséquences du 20 octobre»
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Le 11 août, à l'occasion de la fête nationale, l'opposant Succès Masra a annoncé son retour prochain au Tchad, dans un message publié sur Facebook. Le chef du parti Les Transformateurs avait quitté le pays quelques jours après la répression des manifestations du 20 octobre. Dans son allocution, il a révélé avoir proposé un dialogue au pouvoir en place, en vue d'une réconciliation nationale.

RFI : Succès Masra, quand allez-vous rentrer au Tchad ?
Succès Masra : La balle est dans le camp de nos frères d'en face, afin que nous puissions nous asseoir à la table de la justice, de l'égalité, et trouver un accord global afin que les deux camps se réconcilient. Donc, au mieux, rentrer avec cet accord, au pire, ce serait dommage. Nous avons le devoir de rentrer pour continuer à nous battre à côté de notre peuple et l'accord peut intervenir en amont ou en aval. Mais l'idéal aurait été que ça intervienne en amont.
Quel calendrier avez-vous en tête : est-ce que vous attendriez quelques semaines ou quelques mois ?
Au mieux, avant même le triste anniversaire du 20 octobre, nous pouvons mettre à profit le mois de septembre pour trouver un accord, en ayant fait les concessions nécessaires de part et d'autre. Mais si cela ne devait pas avoir lieu, nous nous laissons la liberté de choisir le timing de notre retour, avec ou sans accord.
Donc, ce serait des négociations qui se feraient de l'étranger, à distance ?
Il n'y a pas de problème en tant que tel à cela, et c'est le sens de l'offre de réconciliation nationale que nous avons transmise aux facilitateurs, aux acteurs impliqués, notamment l'ONU, mais aussi le Qatar, Sant'Egidio, l'Union Africaine, la France, les États-Unis, le Togo, qui ont été impliqués, et qui, d'une certaine manière, ont donné leur caution à une transition qui devait se dérouler de manière inclusive. Ces acteurs-là, d'une certaine manière, ont joué la première partie de la mi-temps. Ils ont l'obligation de jouer à côté de notre peuple la deuxième partie. Maintenant, le moment est venu de passer des paroles aux actes.
Que demandez-vous pour obtenir une réconciliation nationale au Tchad ?
Mettre en face d'un côté ceux qui conduisent la transition autour de la junte actuellement et de l'autre, le groupe mené par évidemment les Transformateurs et tous les autres partis partenaires, dont Wakit Tama - y compris les politico-militaires non-signataires des accords - de nous asseoir sur le sol africain, pourquoi pas, afin de nous accorder essentiellement sur 5 points.
D'abord, les mesures de sécurité physique, juridiques et politiques, les mesures d'apaisement et de décrispation, y compris l'amnistie, qui est différente de la grâce, et l'abandon des poursuites judiciaires. Parce que l'amnistie a le mérite de consacrer la restauration des droits politiques. Ensuite, d'avoir un mécanisme bipartisan de relecture et amélioration des résolutions prises par un camp, aujourd'hui, y compris la relecture et l'amélioration de la future Constitution, avant sa soumission au référendum. Il y a du temps pour faire cela. Il ne s'agit pas de tout jeter, mais de relire et d'améliorer la mise en place aussi, à l'issue de tout cela, d'un gouvernement plutôt de réconciliation nationale dont la mission sera de définir un calendrier actualisé et des mécanismes de crédibilisation et de garantie de confiance pour les futures élections, y compris tout ce qui a trait au rôle de l'armée, au DDR [le désarmement, la démobilisation et la réintégration, NDLR], sans lesquels aucune garantie des élections n'est possible. Enfin, ce que nous mettons là-dedans aussi - parce qu'il faut panser les plaies, il faut réconcilier - c'est une Commission vérité, justice, réparation et réconciliation nationale afin de faire la lumière sur les drames de notre pays depuis 2021, mais aussi de panser les plaies et permettre à ce peuple d'avancer. Il s'agit, en gros, que nous résolvions ensemble les conséquences du 20 octobre, mais aussi de résoudre le stock de problèmes politiques qui existaient avant le 20 octobre.
Craignez-vous d'être arrêté ou visé par une procédure judiciaire une fois rentré ?
Pas que ! Mais au-delà de ma personne, il s'agit là d'une démarche pour l'ensemble des Tchadiens. On ne peut plus faire confiance aux mesures sécuritaires ou aux forces qui sont supposées assurer la sécurité et qui ont failli. Donc, il faut ensemble co-définir un mécanisme sécuritaire qui permette de pouvoir avancer en confiance.
Dans votre message, vous avez annoncé revenir avec des « outils nouveaux », des « boucliers nouveaux ». Qu'entendez-vous par là ?
Un accord de réconciliation sur la base de la justice et l'égalité peut être qualifié d'un bouclier juridique, une communication maîtrisée peut être qualifiée de bouclier médiatique. Il y a les autres dimensions, y compris la dimension sécuritaire. Nous devons être capables de créer les conditions qui permettent que, demain, le choix du peuple sorti des urnes soit le choix qui s'impose. J'espère donc que tout le monde mettra toutes les énergies pour que la réconciliation soit le ciment de notre peuple. Et si cette option devait échouer, ça n'aura pas été le résultat de nos actions à nous, mais ça aura été choisi par ceux en face de nous. Nous allons tout faire pour éviter cela.
Après le 20 octobre, le parti les Transformateurs a été profondément secoué. Est-ce que vous comptez reconstruire le parti et tenter de conquérir le pouvoir par les urnes ?
Depuis le 20 octobre, nous avons eu plus de 50 000 nouveaux membres. Nous sommes de loin le parti qui a le plus de militants enregistrés. Je vois leur volonté d'aller conquérir le pouvoir.
Des élections sont attendues pour fin 2024. Serez-vous candidat ?
Là où mon peuple décidera que je me présente, je suis un serviteur et je souhaiterais être parmi les premiers serviteurs au rôle qu'on voudrait bien m'assigner. Ce rôle-là, je vais l'assumer avec toute mon énergie, et qui me vaut aujourd'hui la confiance de ce peuple.
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