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Un mois après le séisme au Maroc: «L'espérance» d'Hamed Hammouche, restaurateur à Marrakech

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Une douleur nationale et une réponse, une solidarité exceptionnelle. Deux jours après le séisme, notre envoyé spécial Guillaume Thibault avait croisé la route d’Hamed Hammouche. Ce restaurateur de Marrakech était venu aider dans les villages au-dessus de la ville d’Amizmiz et s’était retrouvé à organiser les secours pour près de 2 000 sinistrés. « La priorité, c'est de remettre toutes les personnes au travail », nous confie-t-il un mois après. 

À travers les ruines, après le tremblement de terre, dans la ville d'Amizmiz, près de Marrakech, au Maroc.
À travers les ruines, après le tremblement de terre, dans la ville d'Amizmiz, près de Marrakech, au Maroc. AP - Mosa'ab Elshamy
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RFI : Quel est le moral des populations que vous aidez, que vous appuyez, dans les montagnes ?

Hamed Hammouche : Franchement, le moral est plutôt pas mal. Ça a été difficile les premiers jours, mais ensuite, avec la solidarité nationale qui s’est mise en place, le moral est plutôt pas mal.

Vous nous disiez, à ce moment-là, que personne ne meurt de faim, personne ne meurt de soif. Concrètement, quelle est la situation aujourd’hui dans les douars, dans les hameaux ?

On a dû recréer une ville complètement. L’organisation se met en place rapidement, plus rapidement qu’on ne le pensait. Avec l’aide de l’État, bien sûr, qui a octroyé des aides très très rapidement, ce qui a permis tout de suite de pouvoir installer l’eau collective, aller chercher l’eau sur quatre-cinq kilomètres, pouvoir aller distribuer l’eau dans les villages. L’électricité aussi est revenue, ça y est, toutes les tentes sont équipées d’électricité. Et maintenant, ils commencent à faire leur propre nourriture, ils vont de nouveau au souk, et ça, c’est vraiment exceptionnel à trois-quatre semaines du séisme, c’est même magique je dirais.

L’État revient ? Est à nouveau présent ?

Exactement, l’État revient, il est à nouveau présent. En fait, il a été présent très rapidement, mine de rien, parce que les premiers jours ont été compliqués, parce que la topologie du terrain était incroyable. Maintenant, on sait à peu près combien de douars ont été touchés, on est entre 10 000 et 12 000 douars qui ont été touchés, donc des petits Marrakech, comme on l’avait indiqué. Là, maintenant, on revient à la normale parce que les associations, les différentes aides qu’on a eues – du monde entier et du pays, surtout – ont bien fonctionné, c’est comme une petite armée marocaine qui s’est mise en place. Chaque douar a géré son organisation, a géré ses rues, a géré ses quartiers, et s’est remis en ordre de bataille et ça, j’ai trouvé ça assez exceptionnel de pouvoir remettre un numéro de rue sur des tentes, le 1, le 2, le 3, le 4, avec bien sûr toute l’organisation d’une maison, d’une vraie maison, dans une tente.

Quelles sont les séquelles que vous voyez au quotidien ? Il y avait beaucoup d’inquiétude, notamment pour les enfants ?

Il faut trouver des solutions au niveau des enfants, et c’est vrai que pour l’instant, les enfants sont un petit peu livrés à eux-mêmes, mais ils sont occupés par les travaux qu’on leur a confiés, de nettoyage, de rangement, de choses comme ça, vous voyez. Donc ça les occupe en fait, mais il faut absolument qu’ils retrouvent le chemin de l’école et il y a beaucoup d’écoles qui ont été détruites. On a une solidarité qui s’est mise en place assez rapidement au niveau des cartables, au niveau des cahiers, au niveau de ce genre de choses, mais l’école en elle-même, on a des soucis au niveau des professeurs, il faut absolument qu’on remette en place… Pour nous, l’urgence, c’est l’école actuellement. Donc vous voyez, on est passés des tentes à l’eau, de l’eau à l’électricité, et la quatrième urgence, maintenant, c’est l’école.

On parle beaucoup de traumatismes psychologiques quand il y a des séismes, ou d’autres catastrophes naturelles, est-ce que c’est quelque chose que vous sentez ou, une fois de plus, cette solidarité permet à ces enfants d’avancer ?

C’est étonnant, vraiment étonnant, le peuple marocain a une force qu’on a sous-estimée. Ils veulent revivre, vous savez, ils veulent repartir de l’avant, et même les enfants ont cette volonté de vouloir reconstruire, et c’est les premiers à nous dire : « Moi, je suis prêt à reconstruire l’école ». Vous voyez, les enfants nous ont dit ça : « Comment on peut vous aider pour reconstruire l’école ? », on leur a dit : « Mais vous êtes trop petits ! »

Ça donne de l’espoir, j’imagine ?

Ah oui ! Ces enfants-là… Franchement, on a fait venir une petite cellule psychologique qui est venue, et ils n’ont pas constaté de traumatismes profonds, à part pour ceux qui ont perdu un être cher. Ils se souviendront, bien sûr, de ce séisme, mais ils se souviendront aussi de ce qu’il s’est passé en termes de solidarité. En fait, ils n’ont jamais été livrés à eux-mêmes, c’est peut-être ça qui fait que le traumatisme n’est pas profond.

Tout le monde craint le froid, la neige, le vent, est-ce qu’aujourd’hui, les conditions de vie sont suffisantes pour tenir cet hiver ?

Vous savez, dans les montagnes, ils ont l’habitude de l’hiver, donc c’est déjà un premier point positif. On peut déjà voir apparaitre des bâches au-dessus des tentes, les couvertures sont en abondance, le chauffage va arriver, sachant que l’électricité est gratuite – donc l’ONEE, l’électricité marocaine, a décidé d’offrir l’électricité dans les douars sinistrés –, on va pouvoir leur récupérer des petits chauffages électriques. Ils sont déjà préparés à tout ça, franchement. Je ne m’en suis pas rendu compte, moi j’avais une inquiétude de me dire, de me poser la question de savoir comment l’hiver allait être, mais ils sont déjà préparés à tout ça, et on ne le savait pas, nous.   

Hammed Hammouche, vous êtes aussi entrepreneur, vous êtes restaurateur à Marrakech, beaucoup de vos employés venaient de ces douars qui ont été touchés. Quel est votre regard aujourd’hui, justement, sur cette économie du tourisme ?

La priorité, aussi, c’est de très vite remettre toutes les personnes au travail, très très vite, parce qu’une grosse partie de l’artisanat marocain qu’on voit dans les souks à Marrakech vient de ces hauteurs-là – les tapis, les poteries. Au niveau des gîtes, c’est sûr que ça va mettre un petit peu plus de temps à revenir, mais au niveau de l’artisanat marocain, ça va revenir très très très vite, plus vite qu’on ne le pense.

On entend aujourd’hui dans votre voix une forme de sérénité, on peut le dire ?

On est passés du rien à tout en quelques semaines, la vie continue. Et surtout l’espoir. On sait que l’espoir est reparti, donc les gens, ils sont repartis, ça y est, ça revit, c’est l’espoir, on commence à faire des prévisions, on commence à se dire comment on va reconstruire la maison, comment on va faire ci, comment on va faire ça, donc vous voyez, tout repart, c’est ça qui est magique.    

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