Invité culture

Olivier Py, directeur du Festival d'Avignon: «Il faut toujours se souvenir de l'avenir»

Publié le :

Le 75e Festival d'Avignon s'ouvre dans la cour d'honneur du Palais des Papes ce lundi 5 juillet. Une quarantaine de spectacles dans le « In », plus d'un millier dans le « Off  », qui démarre mercredi. L'ancienne Cité des Papes renaît après la pandémie, bien que les contraintes sanitaires restent de rigueur : masque obligatoire dans la ville de 12h à 22h et « pass sanitaire » pour entrer dans la Cour, seul lieu à accueillir plus de 1 000 spectateurs. Le directeur du festival est l'invité de RFI.

Le directeur du festival de théâtre d'Avignon Olivier Py au théâtre Graslin à Nantes, 8 novembre 2019.
Le directeur du festival de théâtre d'Avignon Olivier Py au théâtre Graslin à Nantes, 8 novembre 2019. © AFP - Loïc Venance
Publicité

RFI : Après l’annulation de l’édition 2020 en raison de la pandémie, la 75ème édition du festival d’Avignon s’ouvre ce 5 juillet et avec une jauge pleine, ça paraissait inespéré il y a quelques jours seulement… Ça a été un combat ?

Olivier Py : Oui, ça a été un combat mais enfin je ne l’ai pas fait seul, je l’ai fait avec la préfecture et la mairie d’Avignon, et on a un festival presque normal. Tout est dans le « presque », il faudra quand même porter des masques, il faudra avoir un passeport sanitaire pour entrer dans la Cour des Papes, mais enfin, on peut offrir au public la totalité de la jauge, particulièrement grande cette année car il y a 20 000 places à la vente en plus.

Donc un festival avec cette thématique, « se souvenir de l’avenir », qu’entendez-vous par cela ?

C’était une thématique qu’on avait trouvée l’année dernière, au moment le plus sombre. Juste après l’annulation, on s’est dit : « qu’est-ce qu’on va faire l’année prochaine ? On va se souvenir de l’avenir », donc c’est une thématique ouverte sur l’utopie, sur la jeunesse. Il faut toujours se souvenir de l’avenir. Peut-être qu’il appartient au théâtre de nous faire rêver, de nous faire croire encore qu’on pourrait espérer meilleur.

La question de l’avenir sera soulevée, entre autres, le 13 juillet avec Edgar Morin le philosophe « jeune centenaire » dans la Cour d’honneur du palais des Papes. Pour évoquer de quoi demain sera fait, l’avenir ne peut pas se faire sans le passé ?

Bien évidemment ! Et aussi l’avenir ne peut pas se faire sans toutes les forces et la réunion des forces, et je crois que c’est la force d’Avignon. Avignon, ce n’est pas seulement un grand marché du spectacle, c’est une communauté d’esprit qui se réunit de manière bienveillante, joyeuse, parce que c’est la fête quand même, il ne faut pas trop s’alourdir et entacher notre espoir d’un sérieux qui n’est pas utile. Non non, il faut rêver l’avenir, il faut le rêver avec du désir. Alors on a pensé à Edgar Morin pour venir nous en parler, parce que c’est vrai, il aura 100 ans.

Donc Edgar Morin au sein d’une quarantaine de spectacles cette année dans le In, est-ce que la crise sanitaire qui a mis à mal le monde du spectacle a un impact sur les créations, est-ce qu’on la retrouve ?

Oui, certainement, et certainement dans cette question de l’avenir. Ce qui m’a surpris, c’est que la plupart des artistes ont évité la déploration et se sont dit « bon d’accord, il y a un arrêt, il y a un arrêt inouï dans l’histoire du théâtre », même sous l’occupation on a joué, « mais alors que cet arrêt soit propice à de nouveaux rêves ». Il n’y a pas un artiste qui n’ait pas vécu ce moment d’arrêt des spectacles comme une très très grande violence.

Le point fort d’Avignon c’est aussi l’ouverture du festival dans la Cour d’honneur du palais des Papes. Ce soir ce sera avec Tchekhov et son immense pièce, La Cerisaie, mise en scène par l’artiste portugais Tiago Rodriges, avec entre autres sur le plateau Isabelle Huppert. Comment s’est fait le choix de cette ouverture ?

Tiago Rodriges avait créé un lien très fort avec le public d’Avignon dès son premier spectacle qui était un contraire de celui qu’il fait ce soir dans la Cour un « petit spectacle » – c’est un très très grand spectacle -, mais très vite il y a eu un lien exceptionnel, je dirais rare entre lui et le public d’Avignon. Puis il est revenu au festival, et de nouveau il y a eu cette ferveur du public pour la délicatesse, l’intelligence, la profondeur, et l’originalité des spectacles de Tiago. Donc je suis très heureux qu’il nous fasse ce cadeau d’ouvrir ce festival et d’ouvrir la Cour avec cette pièce de Tchekhov.

Avignon, c’est aussi une ouverture sur le monde et ses fracas. Cette année, la Grèce est très présente, mais aussi le Moyen-Orient, avec l’artiste palestinien Bashar Murkus qui clôture le festival. Cette Méditerranée du Sud que vous affectionnez, Olivier Py, elle s’est imposée naturellement ?

Je ne peux pas m’en cacher, oui, j’ai un tropisme méditerranéen très fort. Mais j’aime aussi rappeler que l’Europe ne doit pas se faire seulement par le Nord, c’est au contraire une Europe qui prend en compte les richesses du Sud qui sera l’Europe de demain. Donc c’est vrai, on a beaucoup agrandi ces dix dernières années l’invite à des spectacles de la Méditerranée : on a un Portugais dans la Cour du palais des Papes, puis des Grecs, et une Méditerranée qui va jusqu’à la Palestine… J’en suis ravi. Le monde arabe a été très présent aussi chaque année. Je suis très fier qu’il y ait un artiste palestinien, j’ai vu son spectacle en Palestine, je suis très fier qu’il puisse venir au festival.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes