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Myriam Mazouzi, initiatrice du projet «L'Opéra en Guyane»

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C’est une première à l’Opéra national de Paris : l’institution tricentenaire va s’exporter en Guyane à travers un vaste projet de transmission et de coopération culturelle, le premier en Outre-mer. Rencontre avec la directrice de l’Académie de l’Opéra de Paris, Myriam Mazouzi, qui est à l’origine du projet L'Opéra en Guyane.

Myriam Mazouzi, directrice de l’Académie de l’Opéra de Paris et à l’initiative du projet « Opéra en Guyane ».
Myriam Mazouzi, directrice de l’Académie de l’Opéra de Paris et à l’initiative du projet « Opéra en Guyane ». © Mirco Magliocca
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Poursuivant sa politique en faveur de la diversité et de l’égalité des chances, l’Opéra de Paris souhaite instaurer des actions sur la durée pour créer des ponts entre artistes de la métropole et de Guyane et repérer de jeunes talents dans cette région à 7 000 km de la métropole.

RFI : L'Opéra en Guyane, déjà le titre intrigue, qu'est-ce qui vous a incité à amener l'Opéra de Paris en Guyane ?

Myriam Mazouzi : L'idée de ce projet est née en janvier 2018, après les émeutes de 2017 en Guyane. Ce que j'ai compris de ces manifestations en Guyane, c'était un cri, un besoin, une demande, sur la question de l'égalité des chances. Et quand Alexander Neef a pris la direction de l'Opéra national de Paris, il nous a demandé de lui apporter des projets. J'ai réécrit le projet en intégrant les axes de priorité d'Alexander Neef, c'est-à-dire la transmission et l'ouverture. Je lui ai proposé ce projet Opéra en Guyane, et c'est vrai qu'il a immédiatement accepté.

Atelier Muriel Zusperreguy dans le cadre de l’Opéra en Guyane.
Atelier Muriel Zusperreguy dans le cadre de l’Opéra en Guyane. © Frédéric Stucin - OnP

Quelle est la situation en Guyane par rapport à l'art, la culture, l'opéra, la danse ?

La Guyane est un territoire extrêmement riche culturellement. La danse fait partie intrinsèque de la culture, notamment de la culture amérindienne et de la culture bushinengué. Pour l'art lyrique, il n'y a pas d'opéra et très peu de tournées et de concerts d'art lyrique, comme il y a très peu de spectacles de danse classique. Je crois qu'il n'y en a jamais eu, ça va être la première fois qu'on va présenter de la danse classique. Il y a des spectacles de danse contemporaine, mais il y a très peu de propositions de danse classique. Donc, il s’agit déjà de présenter des modèles pour tous les enfants qui sont dans les écoles, des modèles notamment pour les garçons, comme ça ils vont voir des hommes danser. Ils vont voir aussi des propositions artistiques qui vont avec l'identité de l'Opéra nationale de Paris. Tout ça, c'est dans l'idée de créer des ponts et de la proximité entre nos missions, notre patrimoine, notre histoire, et les jeunes talents et le public de Guyane.

Atelier danse à l'ADACLAM dans le cadre de l’Opéra en Guyane.
Atelier danse à l'ADACLAM dans le cadre de l’Opéra en Guyane. © Frédéric Stucin - OnP

Près de 50% de la population ont moins de 25 ans en Guyane. Vu la réalité du pays, est-il impossible pour ces jeunes de faire carrière en danse classique ou en chant lyrique ?

Exactement. Aujourd’hui, pour pouvoir se professionnaliser en Guyane, il faut quitter le territoire. On n’y peut même pas passer son diplôme d'État. Pour son diplôme d'État en danse ou en chant, on est obligé d'aller aux Antilles, prendre un billet d'avion, faire deux heures d'avion. Ensuite, beaucoup vont au conservatoire de Bordeaux, ou bien ils s'exilent au Québec pour aller faire du cirque ou aux États-Unis pour la danse. Donc, le défi est de recréer de la proximité et du lien avec les écoles de la république qui donnent accès à des formations professionnalisantes et artistiques de haut niveau.

Atelier chant dans le cadre du projet « Opéra en Guyane ».
Atelier chant dans le cadre du projet « Opéra en Guyane ». © Frédéric Stucin - OnP

Concrètement, sur place, c'est un projet sur trois ans ?

C'est un projet qui est au moins sur trois ans, et qui est d'ores et déjà financé. Nous avons 300 000 euros par an. L’idée, c’est d'aller faire des ateliers de danse classique, de danse contemporaine, de hip-hop, dans toutes les écoles, dans les cours de chant privés et publics, pour susciter des vocations. Ça, c'est l'axe de détection de talents. Ensuite, on va mettre en place le programme OpérApprentis à partir du mois de janvier. Ce programme s'adresse aux jeunes adultes qui sont dans la voie professionnelle, qui peuvent avoir des métiers dont ils pensent qu'ils sont éloignés de l'opéra. En réalité, ils vont découvrir que nous avons des mécaniciens, que nous avons évidemment des menuisiers, des tapissiers, des esthéticiennes... À l’Opéra de Paris, on dit toujours qu’on a cent métiers. C'est aussi ce miroir qu'on va leur tendre.

Atelier danse à Saint-Laurent du Maroni dans le cadre du projet « Opéra en Guyane ».
Atelier danse à Saint-Laurent du Maroni dans le cadre du projet « Opéra en Guyane ». © Frédéric Stucin - OnP

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