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Les Vénus de l'artiste Prune Nourry, des sculptures qui racontent des vies

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L'artiste Prune Nourry expose ses dernières sculptures à la Galerie Templon à Paris sous le titre de Vénus. Des sculptures de femmes de toutes tailles, en terre, la matière à laquelle se confronte toujours l'artiste. Des femmes diverses dans leurs corps, ancrées dans la réalité et loin des canons esthétiques. Pour cela, l'artiste s'est plongée dans la vie de plusieurs femmes au cœur de la ville de Saint-Denis, en région parisienne.

L'artiste Prune Nourry, entourée de ses œuvres, dans son atelier à Saint-Denis.
L'artiste Prune Nourry, entourée de ses œuvres, dans son atelier à Saint-Denis. © Laurent Edeline
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RFI : Vénus, c'est le titre de votre exposition à la Galerie Templon, c'est une série de sculptures de femmes. Où ces sculptures prennent-elles leur source ?

Prune Nourry : En 2024, on m'a proposé un beau projet, pouvoir créer une œuvre permanente dans la nouvelle gare de Saint-Denis Pleyel. J'avais deux ans devant moi, et je voulais vraiment m'ancrer à Saint-Denis pour mieux connaître la ville, qui est pleine d'une richesse culturelle et d'une diversité incroyable. Il y a plus de 130 cultures là-bas. L'idée, c'était de partir de cette notion de « terre ». Comment on peut être attaché à une terre, Saint-Denis, et en même temps, à plein de terres différentes. On vient tous de la même terre. On en est tous issus, selon les différents mythes, que ce soit Yorouba ou les trois religions monothéistes, il y a cette idée que l'on vient tous de l'argile, de la terre. Et qu'en même temps, cette terre peut avoir plein de formes, de couleurs, de matériaux. Là, à l'intérieur de cette exposition, on voit de la terre rouge, de la terre ocre, de la terre marron, de la terre blanche... Ces Vénus sont inspirées de notre passé d'humain, mais en même temps, j'ai voulu aussi m'ancrer de manière plus « micro », en plus de ce projet collectif pour la gare de Saint-Denis Pleyel. J'ai donc travaillé avec une association en particulier, qui est la Maison des femmes, que Ghada Hatem a initié il y a 10 ans, mais qui a donné naissance à plus de 30 maisons des femmes aujourd'hui, à travers la France.

L'artiste Prune Nourry, entourée de ses œuvres, dans son atelier à Saint-Denis, 2025.
L'artiste Prune Nourry, entourée de ses œuvres, dans son atelier à Saint-Denis, 2025. © Laurent Edeline

Quand on regarde vos sculptures, ce sont des femmes loin de l'esthétique assignée au corps féminin. Ce sont des femmes dont les seins pendent, avec des ventres proéminents, des corps qui racontent des histoires. Est-ce que ces sculptures sont aussi inspirées de vrais modèles ?

La maison des femmes m'a ouvert ses portes pour rencontrer, à travers leurs ateliers de danse, d'alphabétisation, de karaté, des femmes à qui je pouvais proposer d'être les modèles pendant des ateliers de sculpture. Huit d'entre elles ont accepté, au-delà de leurs tabous culturels, sociaux, mais aussi de leur traumas corporels, de poser pour moi. J'ai pu réaliser leur portrait assez abstrait, anonyme, à travers à la fois l'inspiration des Vénus préhistoriques, à travers leur corps, mais aussi à travers leurs mots. On passait des heures ensemble et on se racontait plein de choses. On en a fait un film pour pouvoir montrer dans l'exposition une fenêtre sur l'intimité de l'atelier, pour montrer l'unicité de chacune de ces histoires, mais aussi leur aspect universel. Parce que chacune de ces femmes – elles avaient entre 30 et 70 ans – venaient d'endroits complètement différents, de Biélorussie, d'Algérie, du Congo, de Sicile, de France, etc. C'était important pour moi de pouvoir ce qui nous relie toutes. De fait, on a sculpté ensemble, presque. Parce que, parfois, on s'arrêtait, on regardait ensemble, elles touchaient aussi la terre, elles me parlaient de leurs cicatrices que l'on pouvait ajouter dans la terre… Chaque sculpture devait, pour moi, à la fin de nos séances, leur parler avant tout à elle. C'est un mot que plusieurs d'entre elles ont utilisé. Moi, j'avais l'impression d'être en train de construire une sculpture tandis qu'elles me disaient : « En fait, tu es en train de nous reconstruire. »

Vénus, exposition de l'artiste Prune Nourry, à la Galerie Templon (3e arrondissement de Paris) du 11 janvier au 1er mars 2025.

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