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Nedjim Bouizzoul du groupe Labess, l'âme chaâbi au rythme des voyages

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Chanteur algérien à la voix éraillée, Nedjim Bouizzoul, leader du groupe Labess, propose un gypsy-chaâbi au son influencé par tous les voyages de sa vie. Lui qui a parcouru le Maghreb, l'Europe de l'Est, le Canada et la Colombie s'est laissé toucher par les sonorités flamenco, rumba, mais aussi les musiques manouches. Ses mélodies de guitare, tantôt mélancoliques, tantôt euphoriques, ont résonné cet été au Festival Nuits d'Afrique de Montréal.

Labess au Festival International Nuits d'Afrique de Montréal, en juillet 2025.
Labess au Festival International Nuits d'Afrique de Montréal, en juillet 2025. © André Rival
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RFI : Votre musique est profondément métissée. On y entend des rythmes de rumba, du flamenco, des musiques nord-africaines comme le chaâbi ou le gnaoua. On imagine que ce mélange d'influences s'est fait tout naturellement.

Nedjim Bouizzoul : Cela s'est fait naturellement. Ce sont des musiques qui me plaisaient beaucoup. Ce que j'ai réalisé par la force des choses, c'est qu'il y avait deux racines qui revenaient souvent, la racine africaine et la racine des gens du voyage, des gitans, des tziganes. Cela m'a fasciné. Sans faire attention, instinctivement, j'ai fouiné un peu là-dedans. Je trouvais cela fascinant. Par exemple, la musique africaine, les Africains de l'Ouest et de l'Est, quand ils sont montés en Afrique du Nord, cela a donné plusieurs styles de musique, le diwane, le gnaoua. Après, les Africains qui sont partis, je ne sais pas moi, au Brésil, cela a donné la capoeira, cela a donné la samba, tout ça. Aux États-Unis, cela a donné le jazz, le bebop. Cela a donné le blues. En Colombie – car j'ai vécu en Colombie aussi –, j'ai retrouvé la racine africaine et berbère parce que cela a donné la cumbia et plein de styles, la champeta. J'avais une soif de voyager, de découvrir, de comprendre. Je me disais justement, ma communauté, je la connais. Je n'ai pas fait 10 000 km pour traîner dans les cafés du coin et de parler de l'Algérie. C'est ainsi que ma musique est devenue plus universelle.

Vos textes oscillent entre un réalisme lucide et un grand espoir. Est-un équilibre qui vous paraît essentiel ?

Je viens d'une culture dans laquelle il y a plusieurs styles de musique, mais le style que j'écoutais s'appelle le chaâbi. Le chaâbi, c'est populaire. Le chaâbi, ce sont des textes qui peuvent durer genre une demi-heure, 45 minutes. Des textes mélancoliques et tristes, mais, à la fin, on danse. Après, j'ai côtoyé les gitans, j'ai côtoyé les Colombiens. Leurs textes sont tristes, mais sur une musique festive. Je me suis inspiré de cela. C'est vrai que c'est un peu compliqué sur terre, mais des gens comme nous, il y en a plein. Il faut festoyer, il faut célébrer la vie et la lumière tant que l'on peut.

Selon vous, quelle place a encore la musique traditionnelle auprès des jeunes générations ?

Elle a une place importante, mais il faut la moderniser. Il faut l'actualiser, ce qui est normal. Un jeune d'aujourd'hui, s'il écoute de la musique bretonne, peut-être que cela ne va pas lui parler, car il est plus intéressé par le rap, par l'électro, par des sons modernes. Ce fut un sacré travail. Moi, j'adore le chaâbi. Ce sont des textes qui nous ont éduqués, comme du Brassens, par exemple. J'ai essayé de le moderniser un petit peu, à ma manière. J'ai ajouté des cuivres dans la musique traditionnelle chaâbi. Le résultat est intéressant, parce que dans nos spectacles, il y a de plus en plus de jeunes. Il n'y a pas que des gens de mon âge qui viennent écouter du Labess. Il y a des jeunes de 18 ans qui se faufilent pour venir.

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