Le Nigérian Femi Kuti: l'afrobeat toujours étendard de la révolte
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L'Invité Culture du jour est le grand Femi Kuti, multi-instrumentiste nigérian. Il est le fils de Fela Kuti, créateur révolutionnaire de l'afrobeat : ce mélange de musique traditionnelle nigériane, de highlife ghanéen, de funk et de jazz qui a toujours été un outil de résistance et de lutte contre les inégalités sociales. Aujourd'hui, Femi Kuti suit les traces de son père et porte son héritage. Il est au micro de Lisa Giroldini.

RFI : Parlons d’abord de votre dernier album, Journey Through Life. Avec son titre, mais aussi avec la pochette de l’album, est-ce qu’on peut comprendre qu’il s’agit d’un bilan de votre carrière ?
Femi Kuti : Oui, on pourrait dire ça. Mais plus important encore, ce sont mes pensées actuelles, la manière dont je me sens aujourd’hui. Ce sont les vertus qui m’ont guidé. Donc, j’ai pensé qu’il était important de chanter les règles que je me suis fixées, que j’ai suivies. Et, espérons-le, cela peut aider d’autres personnes. L’album est sorti à un moment où ma fille subissait une opération, donc ça m’a probablement poussé à me recentrer sur le plan politique, social et personnel. Cela m’a beaucoup fait réfléchir à cette époque.
Vous jouez de l’afrobeat depuis toujours. Vous poursuivez la tradition initiée par votre père Fela Kuti, mais comment y apportez-vous votre propre patte ?
Je savais que je devais trouver ma propre personnalité, et écouter du jazz m’a aidé. Parce que j’ai essayé d’être comme Charlie Parker ou Dizzy Gillespie, et j’ai compris que je n’y arriverais jamais. Et alors, je me suis dit : « Wow, je peux être Femi Kuti ». Tu vois ? J’aime mon père, j’ai de l’admiration pour lui, mais pourquoi je voudrais vivre sa vie ? J’ai mes propres douleurs, mes propres peines de cœur, je dois faire face à mon propre parcours, à ma propre pratique. Alors, je cherche Femi Kuti.
L’afrobeat se caractérise par son aspect social et politique. Quels sont, selon vous, les messages essentiels à transmettre aujourd’hui ?
Tellement de choses. Tellement. Il faut avoir le cœur brisé aujourd’hui quand on voit la guerre à Gaza ou en Ukraine, ou en sachant que le Congo est encore un endroit aussi chaotique. Même au Nigeria : Boko Haram, la corruption du gouvernement... Moi, je suis profondément convaincu que l’Afrique devrait être le plus beau continent, et donner envie au monde entier. Si les dirigeants étaient vraiment engagés et s’ils aimaient leur peuple, l’Afrique devrait rayonner de joie, tu vois ? Je sais que c’est possible. Et quand je rentre chez moi ou que je lis les nouvelles, j’ai vraiment le cœur brisé. Et je ne peux pas forcer les gens à croire en mes idées, sinon je ressemblerais à un dictateur. Ma conclusion, c’est : la politique a échoué.
Vous écoutez la jeune génération ?
Je n’écoute aucune musique. J’ai lu dans un livre que Miles Davis, pour trouver son propre son, a arrêté d’écouter les autres. Je fais la même chose depuis 25 ans. Aujourd’hui, tout le monde se dit musicien. Tu peux ne même pas savoir lire ou écrire la musique. Parce que quand tu commences un vrai parcours d’études musicales, c’est tellement difficile que tu fuis. Mais tu veux quand même être musicien, alors tu triches. Voilà où on en est : on a plein de tricheurs (rires). Apprenez à lire, apprenez à écrire, apprenez à jouer des instruments de musique. Je donne juste un conseil : si tu veux durer, comme un Miles Davis ou un Stevie Wonder, il faut le faire correctement.
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