Stella Morris, compagne de Julian Assange et mère de ses deux enfants
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Stella Morris, compagne de Julian Assange et mère de ses deux enfants, est l'invitée du matin de RFI. Elle répond aux questions de Marie Boëda dès 7h19 (heure française). Il y a tout juste une semaine, au Royaume-Uni, la Haute Cour a décidé que le fondateur de WikiLeaks pouvait être extradé vers les États-Unis. Une victoire majeure pour Washington dans sa bataille pour obtenir l'extradition de Julian Assange et un virage à 180° de la justice britannique, car en janvier dernier, une juge avait refusé l’extradition invoquant le risque de suicide que représentait pour Julian Assange une incarcération aux États-Unis. À 50 ans, Julian Assange risque une peine de 175 ans de prison outre-Atlantique. Mais le gouvernement américain évoque, lui, une peine de 4 à 6 ans. Marie Boëda l'a rencontrée dans un café, à Londres, et lui a demandé quelle était sa réaction face à une possible extradition.

Stella Assange : L'affaire entière est une parodie. La dernière décision, selon laquelle Julian peut être extradé, est totalement incompréhensible. Non seulement Julian risque une peine de 175 ans de prison, mais la condition dans laquelle Julian sera sûrement détenu, en isolement, le tuera, le poussera à se suicider.
L'affaire elle-même est une attaque frontale contre la liberté de la presse, non seulement aux États-Unis mais dans le monde entier, car les États-Unis engagent une procédure d'espionnage contre un éditeur pour une activité journalistique.
Il a fait une attaque
Le premier jour de l'audience d'appel, il était extrêmement mal en point. Les gens ont pu le voir sur la vidéo-conférence dans la salle d'audience. Par la suite, nous avons découvert qu'il a eu une attaque provoquée par le stress extraordinaire auquel il était soumis ce jour-là. Mais pas seulement ce jour-là, car c'est une situation constante. Imaginez que vous soyez dans une prison de haute sécurité, accusé d'avoir commis un acte de journalisme et condamné à mort. Une séparation de votre famille sans perspective de fin. L'injustice est tout simplement monumentale. Son incarcération est ce qui conduit sa santé à se détériorer à un rythme effrayant. La santé de Julian décline sérieusement. C'est pourquoi nous demandons à Biden d'arrêter l'extradition, de classer l'affaire immédiatement et de faire rentrer Julian chez lui.
RFI : Vous avez eu l’autorisation de vous marier, qu’en est il ?
Nous avons demandé la permission il y a environ un an maintenant. Nous sommes très heureux d'avoir gagné cette bataille. Nous sommes préparés à tout mais a priori nous nous marions au début de l'année prochaine. Nous n'avons pas fixé de date. Nous verrons ce que Belmarsh [la prison de haute sécurité où Julian Assange est détenu NDLR] est prêt et capable d'accueillir. Nous espérons que ce ne sera pas à Belmarsh, mais nous voulons être en mesure de célébrer notre amour l'un pour l'autre avec nos enfants et nous ne voulons pas le retarder plus longtemps. Nous sommes fiancés depuis cinq ans, c'est quelque chose que nous voulons tous les deux faire et nous le ferons.
RFI : Ses avocats veulent-ils toujours porter l’affaire la cour suprême ?
Oui Julian a demandé à son avocat de faire appel de la décision de la Haute Cour. La date limite est le 23 décembre. Ce qui est nouveau, c'est que les États-Unis, nous le savons maintenant, ont élaboré des plans pour tuer Julian à l'ambassade. Ça a été discuté aux plus hauts niveaux du gouvernement américain. C'est donc ça le contexte de cette extradition. Et il est tout à fait impensable que le Royaume-Uni accepte d'extrader une personne alors que l'on sait que le pays qui la demande a planifié de la tuer. Il s'agit d'une affaire politique et c'est la raison pour laquelle le résultat est si absurde. Ça doit être résolu au niveau politique. Lorsqu'il s'agit d'une affaire politique, le système judiciaire doit être robuste, sinon il est incapable de rendre la justice. Et j'ai bien peur que le tribunal britannique ne le soit pas assez. Ce qu'il faudrait, c'est une intervention du Premier ministre australien. Une intervention du Premier ministre britannique. Et surtout, une intervention du président Biden.
RFI : Vous avez dit que la justice britannique avait un rôle de bourreau vous avez parlé de « Jamal Khashoggi » au ralenti
Oui, en fait, ce que font les Etats-Unis en instrumentalisant le système d'extradition britannique et leur relation avec le Royaume-Uni, c'est que le Royaume-Uni procède à une lente assassinat de Julian. Je prends note de ce que font les États-Unis. De nombreux pays autoritaires s'en prennent à leurs propres dissidents et à leurs propres journalistes. Les États-Unis sont les seuls jusqu'à présent à s'en prendre à un journaliste étranger dans un pays étranger.
RFI : Pourriez-vous saisir la justice européenne ?
Il est possible de faire appel de tout jugement définitif rendu par un tribunal britannique devant la Cour européenne des droits de l'homme. J'espère qu'aucune cour européenne ne permettra jamais que cela se concrétise. J'espère que la Cour européenne sera assez forte pour arrêter cela.
RFI : Vous avez un avocat français, pourquoi la France représente un espoir dans ce dossier ?
Julian a des liens étroits avec la France. Il a été installé en France. Il a codé Wikileaks en France. Wikileaks publiait et publie toujours depuis la France. Julian était piégé au Royaume-Uni depuis 2010. Et s'il pouvait choisir, il voudrait retourner en France.
La France est l'un des pays qui ont le plus d'influence dans la sphère internationale. La France siège au Conseil de sécurité (des Nations unies). Et la France est l'architecte du système international des droits de l'homme.
RFI : On est en pleine campagne présidentielle en France, avez-vous déjà parlé à des candidats ?
J'étais en France il y a environ un mois avec le père de Julian. Nous étions au Parlement, à l'assemblée. Et il y avait des soutiens pour tous les partis. Il y a toute une série de moyens de protéger Julian. Et tout ce qu'il faut, c'est une volonté politique. J'aimerais que les parties se positionnent.
Joe Biden, une déception
Joe Biden doit abandonner l'affaire, il peut le faire à tout moment. Et le gouvernement Biden est profondément mal avisé de poursuivre ce qui est l'héritage le plus dangereux de Trump, à savoir attaquer la liberté de la presse à un niveau criminel.
Et c'est aussi une atteinte à la souveraineté du Royaume-Uni que de laisser un pays étranger dicter ce que ses journalistes peuvent publier ou non.
Noël approche
Il est déchirant que les enfants ne puissent pas être avec leur père et que Julian ne puisse pas profiter de cette fête avec les enfants. En fait, nous ne pourrons pas le voir du tout pendant les jours de Noël parce que la prison n'a pas de visites ces jours-là et il sera seul. Comme ses deux derniers Noël. Il n'y a aucune différence entre un jour de Noël et un autre jour dans la prison de Belmarsh. il n'y a pas de nourriture spéciale, rien de spécial. c'est la même solitude. c'est juste complètement barbare que Julian soit traité de cette façon. C'est un prisonnier politique. Et c'est juste terrifiant que cela se produise. Je ne peux toujours pas le croire, je le vis mais je ne peux pas le croire.
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