Le conflit en Ukraine aggrave l’insécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest, selon la FAO
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La crise ukrainienne et ses conséquences à travers le monde. En Afrique de l'Ouest, Ukraine et Russie sont d'importants pourvoyeurs de denrées ainsi que de produits agricoles. Le conflit coupe la région d'une partie de ces apports, entraînant une série de conséquences néfastes pour le secteur, alors que la région est déjà fragilisée. Analyse avec Robert Gueï, chef du bureau sous-régional Afrique de l'Ouest et Sahel pour la FAO.

Quel est l’impact de la crise ukrainienne sur la production agricole dans la région Cédéao ?
La Russie et l’Ukraine sont des pays qui approvisionnent la sous-région pour plus de 50% des besoins, d’abord en potasse et également pour les denrées alimentaires comme le blé, le maïs et les pays les plus concernés sont le Togo, le Sénégal, la Gambie, le Cap-Vert, etc. C’est une situation assez compliquée qui vient aggraver déjà la situation d’insécurité alimentaire qu’on avait due à la Covid et aux conflits et l’insécurité même civile.
Il y a un déficit de 1,2 à 1,5 million de tonnes d’engrais, dû à la crise
Concrètement, ça se traduit comment pour les populations ?
Nous avons entrepris récemment une étude, et l’étude a mis en évidence le niveau de dépendance directe dans les domaines de l’engrais, du blé, des huiles végétales, etc. Mais l’étude a aussi mis en évidence les effets indirects de la crise ukrainienne sur l’inflation, la dépréciation des monnaies et des risques économiques. Quand on ajoute à cela l’aggravation de la situation de l’insécurité alimentaire qu’on avait, alors la situation est beaucoup plus compliquée. Il y a un déficit de 1,2 à 1,5 million de tonnes d’engrais, dû à la crise, et ceci correspondra à près de 20 millions de tonnes de céréales de déficit qui constituent environ un quart de la production de 2021 qui était de 73 millions de tonnes.
Au quotidien pour les habitants, comment cela se traduit ?
Par le fait que les agriculteurs, et même les populations les plus démunies, vont devenir encore plus vulnérables. Dans le mois de juillet à août cette année, on devait atteindre près de 40 millions de personnes qui allaient être en insécurité alimentaire accrue, ça veut dire que les gens n’arriveront pas à couvrir leurs besoins quotidiens en aliments de base.
Les États ouest-africains n’ont-ils pas pris des mesures pour atténuer l’impact de cette crise ukrainienne ?
Il y a eu des États qui ont réduit les importations des produits, et il y a également les bailleurs de fonds qui sont en train d’aider les pays, mais nous disons qu’il faut que les États puissent diversifier leurs importations. Mais deuxièmement, il faut faire même un investissement immédiat dans l’agriculture, de sorte qu’aujourd’hui les États puissent produire ce qu’ils mangent, et qu’ils puissent manger ce qu’ils produisent. Et donc pour cela, avoir une politique d’achat et de distribution d’engrais dans l’immédiat, c’est ce que nous proposons, et nous travaillons déjà avec les États pour ça. Faire en sorte qu’on mobilise les semences de qualité immédiatement pour la distribution, les outils de production, et puis les appuis techniques qui vont avec pour pouvoir aider les populations les plus vulnérables qui peuvent produire en contre-saison et pour la saison l’année prochaine. Mais ces mesures ne vont pas être suffisantes, il faut que les États puissent investir davantage au niveau du développement des chaines de valeur prioritaires, les chaines de valeur du maïs, du riz, du sorgo, du mil, du manioc… Alors, ce sont des chaines de valeurs prioritaires qu’il faut développer immédiatement, mais avec des investissements, des subventions, la formation des producteurs et également appuyer la distribution, la transformation de distribution au niveau du marché.
Il faut utiliser cette crise comme une opportunité pour pouvoir avoir cette souveraineté alimentaire
C’est une évolution que les États africains ne peuvent pas faire seuls ? Ce sont des investissements colossaux pour eux ?
Oui, c’est pourquoi la FAO lance un appel à la Cédéao, à tous ces États, à tous les partenaires techniques et financiers pour qu’on se mette ensemble. C’est vrai, on peut donner de l’argent aux États, mais il faut que les États aussi aient la capacité de développer des programmes, des projets bancables, et les mettre en œuvre. Il faut utiliser cette crise comme une opportunité pour pouvoir avoir cette souveraineté alimentaire.
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