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Agriculture en Afrique: «Il faut plus d'investissements dans le système agroalimentaire»

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Comment faire face à la pénurie d'engrais et d'intrants, provoquée par la guerre en Ukraine ? C'est l'une des grandes questions auxquelles des chefs d'État africains ont tenté de répondre, il y a une semaine à Dakar, lors d'un sommet sur la souveraineté alimentaire en Afrique. L'une des solutions est que l'Afrique produise elle-même les engrais et les intrants dont elle a besoin. Entretien avec Vanessa Adams, vice-présidente, chargée des partenariats stratégiques pour l'ONG Alliance pour une révolution verte en Afrique.

L'ONG Alliance pour une révolution verte en Afrique développe de nouvelles semences adaptées au changement climatique (photo d'illustration).
L'ONG Alliance pour une révolution verte en Afrique développe de nouvelles semences adaptées au changement climatique (photo d'illustration). © CC0 Pixabay/Contributeur
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RFI : Vanessa Adams, lors du sommet de Dakar du 25-27 janvier 2023, il y a une semaine, quelque 40 pays ont présenté le « Pacte pour la fourniture de produits alimentaires et agricoles » qu’ils viennent de signer. De quoi s’agit-il ?

Vanessa Adams : En Afrique, nous souffrons de la hausse très élevée du prix des engrais, notamment l’année dernière, et évidemment de l’inflation, qui ont fait des difficultés de productivité. Donc, les chefs d’État et les ministres se sont réunis pour présenter leurs besoins en termes d’investissement pour hausser la production et augmenter leur croissance économique agricole.

Comme vous le dites, il y a de moins en moins d’engrais en Afrique à cause de la guerre en Ukraine. Faut-il que l’Afrique produise elle-même ces fameux intrants ?

C’est une question très importante. Pour avoir plus d’investisseurs et de production d’engrais en Afrique, ce sont évidemment des projets qui s’élèvent à plusieurs milliards de dollars. Il y a peu de sociétés dans le monde qui voient l’Afrique comme lieu de production. Mais cette année, il y a vraiment eu beaucoup plus d’investissements dans les productions d’intrants localement, y compris par l’OCP, Yara et d’autres sociétés qui ont investi dans plusieurs pays. Ce sont des grands distributeurs d’engrais en Afrique.

Il y a donc moyen de produire des intrants en Afrique, mais encore faut-il aussi améliorer les semences ?

Exactement. Parce qu’il ne s’agit pas de mettre des engrais très chers sur des semences qui ne vont pas donner un très bon rendement. Et donc, nous œuvrons avec AGRA, déjà depuis 2007, à travailler pour qu’il y ait de la production et la disponibilité des meilleures semences à travers l’Afrique, et pour l’amélioration de tous les systèmes de distribution et de certification des semences, surtout les semences qui sont de qualité et qui peuvent aussi être résistantes au manque de pluie et aux changements climatiques.

Donc, avec AGRA (Alliance pour une révolution verte en Afrique), cette ONG africaine fondée en 2006 par Kofi Annan, vous essayez de développer de nouvelles semences adaptées au changement climatique. Quelles sont les plantes sur lesquelles vous travaillez ? C’est le maïs, le blé ?

Oui, les denrées de base. Nous travaillons avec tous les pays avec lesquels nous avons des accords sur le riz, le maïs, le blé, qui est devenu très important, mais aussi le tournesol qui est devenu encore plus important pour les huiles végétales, et évidemment le soja pour nourrir les volailles. Donc, il y a de plus en plus de demandes pour le soja et le maïs.

Et quels sont les pays cibles, les pays pilotes ?

J’ai oublié de vous parler des pommes de terre, la croissance de demande de pommes de terre. Les pays vraiment phares, qui ont investi énormément eux-mêmes dans leur stratégie agricole, avec lesquels nous avons travaillé de manière très proche, sont le Nigeria, le Ghana, le Rwanda, l’Éthiopie, la Tanzanie, la Zambie et le Malawi.

Et du côté des pays francophones ?

En pays francophones, nous avons des bureaux au Mali et au Burkina. Nous avons été aussi longtemps au Sénégal et nous espérons y revenir. Nous avons vu vraiment au Mali et au Burkina une très forte adaptation par les agriculteurs qui ont pu, à travers les conseillers communautaires, adopter les meilleures pratiques de production. Et dans les zones, au Mali, comme autour de Ségou, de Koutiala, de Sikasso et surtout Koulikoro, malgré la crise actuelle, nous avons pu voir les agriculteurs qui ont pu augmenter leur productivité de manière importante.

L’objectif du sommet de Dakar de la semaine dernière, c’est de doubler la productivité agricole grâce à des technologies de pointe. Est-ce que c’est vraiment réalisable ? Et d’ici combien de temps ?

Vous serez très étonné de savoir que certains pays ont une moyenne par exemple de productivité de maïs de 2,5 tonnes l’hectare. Alors que, par exemple dans les pays occidentaux, les moyennes de productivité peuvent aller au-delà de 10 tonnes l’hectare. Donc, l’écart est tellement grand que, avec les meilleures semences, avec les meilleures applications d’intrants, avec les meilleures pratiques agricoles, l’objectif de doubler est tout à fait faisable. En une à deux saisons, doubler la productivité, je l’ai vu de mes propres yeux : en Éthiopie, on travaillait justement sur la production du blé, du sésame aussi, des pois chiches et on a pu voir une transformation de productivité très importante. Donc, la production peut augmenter rapidement. Maintenant, il faut que tout le système se transforme en même temps, parce qu’après, avec des bonnes récoltes, il faut pouvoir stocker, nettoyer, faire le traitement, l’emballage correct pour préserver la production. Donc, il ne faut pas seulement une hausse de production, sinon évidemment, cela fait des chutes de courbes du marché.

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