Invité culture

L'harmonie de l'âme de Salif Keita dans son nouvel album «So Kono»

Publié le :

« Yamore », « Madan », « Kabe », quelques-uns des tubes qui ont fait de lui « la Voix d’or de l’Afrique ». La star malienne Salif Keita publie ce 11 avril 2025 un nouvel album, So Kono.

Le chanteur et poète militant mandingue Salif Keïta, signe son premier album acoustique à l'âge de 75 ans.
Le chanteur et poète militant mandingue Salif Keïta, signe son premier album acoustique à l'âge de 75 ans. © Lucille Reyboz
Publicité

So Kono, est une œuvre intime, profonde et épurée, enregistré pour la première fois en acoustique par le célèbre l'artiste malien Salif Keita, après plus de 50 ans de carrière. Le poète et auteur militant mandingue de 75 ans, revient sur la genèse de son nouveau projet Zen, né en 2023 lors du festival Kyotophonie, au Japon.

RFI Musique : Que signifie So Kono, le titre de votre nouvel album ?

Salif Keïta : « Soko No », ça veut dire que l'enregistrement a été fait dans une chambre d'hôtel, comme si j'étais à la maison. Comme si je jouais pour moi.

C'est donc un disque très personnel…  

Personnel, très intime.

De quoi parlent ces chansons ? 

Ces chansons parlent surtout et d'abord d'amour. Ça parle aussi du passé. Ça parle aussi des personnes qui ont perdu des amis très intimes, des enfants. Et ça parle des mécènes. Parce que, quand même, en Afrique, quand tu fais de la musique, tu as besoin d'un mécène qui te supporte. Et ça parle de la société en général.

Vous avez traversé différentes époques musicales avec du succès et vous avez toujours su évoluer en cassant les conventions. Pour cet album, pourquoi revenir aujourd'hui à un style plus dépouillé, voix-guitare ? 

Parce que d'abord, c'était le producteur qui voulait un disque acoustique. J'ai dit : « Moi, je n'ai jamais voulu faire un disque acoustique parce que je ne suis pas un bon guitariste. Mais je m'accompagne quand je fais des compositions. » Il a dit : « Oui, mais c'est bien de montrer aux gens comment tu composes et d'une façon intime ». J’ai dit : « Pourquoi pas ». Quand on était au Japon, il a dit : « On peut le faire dans une chambre d'hôtel et comme tu composes… » 

Alors Soko No, c'est une œuvre presque privée.  Quelle part de vous-même se retrouve dans cet album ? 

L'intimité. Parce que je chantais pour moi seul, vraiment. C'est comme si je chantais dans ma chambre d'hôtel, chez moi au Mali, comme si je cherchais à composer des morceaux.

Et le Mali, justement, dans tout ça ? Votre pays traverse encore des moments difficiles et vous avez souvent été une voix forte au niveau des sujets de société et politique. C'est encore le cas ? 

Je suis patriote, je participe au travail pour le pays. Je suis là pour le pays. Ma voix, c'est pour le pays.

À quel niveau ?

Je suis dans l'art. Je cherche à tout prix à ce qu'on n'oublie pas les traditions dans la musique. Pour qu'on n'oublie surtout pas les anciens instruments traditionnels qui sont en voie de disparition.

Donc, vous êtes toujours dans la transmission…  

Toujours dans la culture.

Comment voyez-vous, justement, l'avenir de votre pays musicalement ? 

Je suis très critique sur la façon dont la musique évolue. J'aimerais que les musiciens fassent de la musique d'une façon très originale. Mais au niveau des textes, ce sont des artistes. Les rappeurs sont les griots actuels qui parlent des problèmes du pays. J'apprécie vraiment certaines paroles.

Vous avez aussi vivement critiqué la France en 2019 … 

Je suis un Malien qui a déjà vécu en France et j'ai beaucoup d'amis français et même mes enfants sont des Français. Donc, je ne peux pas être autre chose que quelqu'un qui a traversé des moments difficiles en France et quelqu'un qui a été adopté par les Français. Mais je n'aime pas parler de la politique parce que quand on parle de la politique africaine, on est mal compris. Parce que les Français et la politique française, ce n’est pas pareil. Parce qu’il faut comprendre ce que la politique française fait en Afrique. Mais les personnes, les Français, sont les amis des Maliens. On ne peut pas être contre la France. Nous nous aimons la France. Mais la politique française est tout autre chose que les Français ne comprennent pas.

Je fais référence à votre vidéo postée sur les réseaux sociaux où vous accusez la France de financer les terroristes au Mali. Est-ce que votre opinion a changé ? 

Jusqu'à présent en tout cas, nous recevons tous les jours des attaques. On ne sait pas d'où ça vient. Moi, je ne suis pas politicien. Comme je l'ai dit, je ne fais pas partie de la politique. Je ne suis pas un enquêteur. Je ne fais pas partie des enquêtes pour savoir qui est qui, qui fait quoi. Mais on aimerait bien être aidés par toutes les puissances qui voient que le Mali est assailli par des djihadistes dont on ne sait pas d'où ils viennent.

En tant que musicien engagé, ressentez-vous une pression pour aborder des sujets, notamment politiques ou sociaux, dans vos chansons ? 

Non. Je suis engagé et je resterai engagé.

Vous êtes libre ? 

Oui.

Vous laissez donc la musique faire son travail ? 

Oui, je fais la musique et en fonction de ce que je comprends, et de ce que j'ai à dire.

Votre musique aujourd'hui est portée par le Japon. Pourquoi ?  

J'ai beaucoup aimé la culture japonaise. Elle est très originale. Ça m'a vraiment donné cette fierté de lutter pour l'originalité. J'ai beaucoup aimé le Japon.

Vous méditez ?

Je médite. C'est vrai. J'aime bien. Tout le monde médite, non ? Je suis musulman.

Donc spiritualité ? 

Je vis de spiritualité.

Après tant d’années de carrière et d'influence musicale, qu'est-ce qui vous pousse encore à créer à 75 ans et à sortir de nouveaux disques ? 

Il faut dire que je n'ai jamais fait un disque comme ça. J'ai fait un disque acoustique en France, en Europe et je voulais seulement montrer aux gens une autre facette plus épurée de mes compositions.

Salif Keita sera en concert le 21 mai au Trianon à Paris avant sa tournée européenne.

À lire aussiAu Cap-Vert, Salif Keita veut plus de musique et moins de politique

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes