Autrefois, le free jazz sonnait l’alarme et dénonçait l’immobilisme créatif et social de la grande Amérique. 50 ans plus tard, la fronde est toujours aussi vivace mais s’exprime avec les outils d’aujourd’hui, les acteurs d’aujourd’hui, les courants et modes d’aujourd’hui. En 1987, un futur et brillant orateur voyait le jour à Compton en Californie. Kendrick Lamar Duckworth allait devenir un artisan de la rébellion afro-américaine. Son intelligence, cadencée par des mots cinglants et réfléchis, a touché la fibre contestataire de toute une génération. Le journaliste Nicolas Rogès lui consacre un ouvrage complet, "Kendrick Lamar, de Compton à la Maison Blanche", disponible aux Éditions "Le Mot et le Reste".

Il n’a que 33 ans, mais son aura dépasse largement l’univers du rap. Kendrick Lamar aurait pu, comme nombre de ses contemporains, se laisser emporter par un mal-être qu’une société inégalitaire impose aux populations fragilisées par une discrimination institutionnalisée. Pourtant, il parvint à résister à l’engrenage de la violence et des confrontations stériles de bandes rivales dans les banlieues déshéritées des années 90. Esprit vif, Kendrick Lamar a très vite perçu le piège de répondre aux intimidations. Il comprit l’absolue nécessité de s’élever au-delà des stéréotypes et réflexes culturels. S’il batailla ferme pour ne pas être la victime d’un système économique cruel, il ne réfute cependant pas ses origines et honore même ses racines dans son discours et ses œuvres. Nourri par le répertoire de ses aînés, les pionniers de la culture hip hop, les Dr Dre, 2Pac et Ice Cube, il a su rester curieux et attentif aux différentes formes d’expression de la communauté africaine-américaine.

L’évolution progressive de Kendrick Lamar vers une maturité intellectuelle unanimement reconnue épouse précisément ses rencontres et voyages. Son séjour en Afrique du Sud en 2014 sera certainement l’une des expériences humaines marquantes et enrichissantes pour ce jeune Américain noir alors en quête d’identité et de repères historiques tangibles. Visiter la cellule de Nelson Mandela fut une épreuve utile, une mise en perspective de ses propres tourments intimes confrontés à la réalité de l’emprisonnement physique et cérébral. Dès lors, Kendrick Lamar, déjà très conscient des affres du peuple noir, grandit encore un peu plus et révèle une acuité citoyenne que ses productions toujours plus explicites ne démentent pas.

Kendrick Lamar, de Compton à la Maison Blanche (éditions Le Mot et le Reste)
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