L'Épopée des musiques noires

Souvenirs d’Ismaïla Touré

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Le 27 février 2023, l’un des piliers du groupe Touré Kunda, Ismaïla Touré, disparaissait à l’âge de 73 ans. Fervent partisan d’un multiculturalisme musical universel, il s’exprimait souvent sur nos ondes pour défendre cette ouverture d’esprit à laquelle il tenait tant. Sans jamais renier ses racines sénégalaises, il appelait à toujours plus de tolérance et d’écoute entre les peuples du monde. En 2008, il était venu marteler ses convictions avec son frère Sixu, lors de la parution de l’éclectique album « Santhiaba ». Son propos reste totalement d’actualité. Nous lui rendons hommage en réécoutant cet entretien précieusement conservé dans nos archives.

Touré Kunda en février 1983 en France.
Touré Kunda en février 1983 en France. © Jean-Marc Loubat / GettyImages
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Depuis les années 80, Touré Kunda accompagne notre quotidien grâce à un répertoire que l’on fredonne avec, reconnaissons-le, la nostalgie d’une époque durant laquelle les musiques africaines trouvaient un écho dans le cœur des Européens. Qui ne se souvient pas aujourd’hui de cette mélodie intitulée « E’mma » qui révéla la « famille éléphant » en 1980 ? Progressivement, les frères Touré ont imposé un idiome hérité de leurs traditions ancestrales. Pour autant, ils n’ont jamais éconduit les fervents partisans d’un paysage sonore global. Lorsqu’on parlait de « World-Music », Ismaïla Touré s’en amusait et considérait cette appellation suffisamment positive pour la faire sienne. 

Le groupe Touré Kunda, lors de la cérémonie de remise des prix de musique française «Victoires De La Musique» en 1986.
Le groupe Touré Kunda, lors de la cérémonie de remise des prix de musique française «Victoires De La Musique» en 1986. © Bertrand Rindoff Petroff/Getty images

En avril 2008, Sixu et Ismaïla présentaient l’album « Santhiaba » qui reflétait justement cette inclinaison plurielle que défendait Touré Kunda avec force. Chaque titre de cet album renvoyait à l’histoire du Sénégal, une terre ouverte, nourrie de mille effluves musicales. Ismaïla insistait alors sur l’esprit de collégialité et de partage du groupe Touré Kunda. Conscient des dérèglements économiques et sociaux que subissaient les peuples du monde, son propos avisé devenait plus véhément. Il alertait déjà l’opinion sur l’urgence d’une prise de conscience écologique. Sa gouaille parfois verbeuse n’était pas dénuée de pertinence. Une conversation radiophonique avec ce personnage, certain de ses convictions, pouvait être une joute oratoire de laquelle des idées judicieuses finissaient pas germer. 

Sixu et Ismaïla Touré, au Festival de Jazz de Montreux, Suisse, le 9 juillet 2006.
Sixu et Ismaïla Touré, au Festival de Jazz de Montreux, Suisse, le 9 juillet 2006. © Lionel Flusin/Gamma-Rapho via Getty Images

En 2018, 10 ans après « Santhiaba », Touré Kunda annonçait un nouvel album. « Lambi Golo » fut accueilli avec gratitude et respect par les nombreux admirateurs du groupe. Les concerts qui suivirent la parution de ce disque se tinrent à guichets fermés. Sur RFI, Sixu et Ismaïla profitaient de nos micros pour appeler à nouveau à plus de tolérance et d’unité. Lors de nos ultimes discussions radiophoniques, en octobre 2018 à Nancy (Est de la France), Ismaïla envisageait l’avenir avec philosophie. Sa longue épopée aux côtés de ses frères lui avait appris la sagesse et la retenue. Sa force de persuasion était restée intacte mais elle s’exprimait avec davantage de tempérance. Le son de sa voix nous manque mais son engagement citoyen a porté ses fruits et résistera à l’érosion du temps…

 ⇒ Facebook de Touré Kunda.

Sixu et Ismaïla aux micros de Joe Farmer (Nancy - Octobre 2018).
Sixu et Ismaïla aux micros de Joe Farmer (Nancy - Octobre 2018). © Joe Farmer/RFI

 

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