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Paulette Missambo, présidente du Sénat au Gabon: «Une transition ne peut égaler la durée d’un mandat»

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Il y a quatorze ans, Paulette Missambo, ancienne proche collaboratrice d’Omar Bongo claquait la porte du PDG, l’ancien parti au pouvoir. Elle était devenue l’une des farouches opposantes au régime défunt. Elle été nommée présidente du Sénat par les autorités de la transition et lundi dernier, elle a ouvert la première session du Sénat de transition. A-t-elle renoncé à son rêve de devenir présidente de la République ? Brice Clotaire Oligui Nguema, président de la transition, peut-il briguer le fauteuil présidentiel ? Quelle est la durée de la transition ou encore le Gabon doit-il aussi chasser les militaires français ? Paulette Missambo répond à notre correspondant Yves-Laurent Goma.

Paulette Missambo, présidente du Sénat de transition au Gabon.
Paulette Missambo, présidente du Sénat de transition au Gabon. © Yves Laurent Goma/RFI
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RFI : Paulette Missambo, il y a une semaine, vous avez prononcé le discours inaugural du Sénat de la transition. Sur le podium, à ce moment-là, à qui ou à quoi pensiez-vous ?

Paulette Missambo : C’était un moment d’intense émotion. J’ai d’abord pensé à tous ceux qui ont mené ce combat de la liberté avec moi, et qui nous ont quitté trop tôt. Ensuite, j’ai pensé au peuple gabonais, qui a bien accueilli le « coup de liberté », comme le dit le président de la transition, et j’ai réalisé l’importance de ma mission, le poids de la responsabilité pour que nous fassions de cette transition une réussite.

Le général Brice Clotaire Oligui Nguema promet des élections libres, mais il ne dit pas quand. Est-ce que cela ne vous inquiète pas ?

Non, cela ne m’inquiète pas, parce qu’il a en même temps affirmé qu’il laissait la possibilité de l’organisation d’un dialogue national, et que c’est ce dialogue national qui devrait mettre en place les conditions d’organisation des élections. L’important pour moi, c’est de contribuer à la mise en place des conditions d’organisation d’élections libres, transparentes et crédibles.

Parmi les grandes zones d’ombre qui restent de l’ancien régime d’Ali Bongo, il y a la répression meurtrière qui a suivi la présidentielle de 2016. Certains parlent même de 300 morts. La transition actuelle peut-elle être l’occasion de connaître la vérité ?

D’abord, c’est un souvenir très douloureux. S’il y a une justice transitionnelle à mettre en place, je pense qu’il n’y a que le dialogue national qui peut créer les contours de cette justice, mettre en place une commission vérité et réconciliation. Je pense qu’il n’y a que le président élu après la période de la transition qui pourra mettre en œuvre les décisions que pourraient suggérer le dialogue national.

Selon la charte de la transition, tous les dirigeants de la transition ne peuvent être candidat à l’élection présidentielle qui sera organisée pour mettre fin à cette même transition. Doit-on croire que vous, vous avez accepté de mettre un terme à votre rêve de devenir présidente de la République du Gabon ?

D’abord, être présidente n’a jamais été une obsession pour moi. J’ai fait le choix, moi, de m’engager pour qu’au cours de cette transition, on crée les conditions d’organisation d’élections libres, transparentes, et crédibles. Et compte tenu des combats que j’ai menés avec tous ceux qui ont souffert pendant des années d’élections tronquées – et le cas de 2023 est encore plus parlant, parce que là, c’était vraiment un braquage honteux –, en ce sens, j’ai estimé que c’était le moment.

Le général Oligui Nguema semble ne pas être concerné par cette restriction. Qu’en pensez-vous ?

Le sentiment que j’ai eu en rencontrant le président de la transition, à chaque fois, c’est qu’il est volontaire et décidé à faire de la place aux politiques, à toutes les forces vives de la nation, pour qu’on décide ensemble de l’avenir de notre pays, donc je lui fais confiance.

On parle d’un projet de dialogue national. Vous l’avez d’ailleurs dit. À votre avis, quelles seront les principales thématiques qui devront être débattues durant cette rencontre ?

Déjà, il y a le problème de la Constitution. Et puis, il y a tout ce qui a trait à la question électorale. Nous avions d’ailleurs à l’époque présenté un mémorandum au gouvernement sortant, et ils n’en ont pas tenu compte.

Quelle est la durée que vous souhaitez ? Deux ans ? Trois ans ? Ou cinq ans au pouvoir, des militaires ?

Une transition ne peut pas égaler la durée d’un mandat. Donc, il appartiendra au dialogue national et au président de la transition de faire le point et de trouver la moyenne mesure.

Depuis deux ans, les militaires français ont été chassés de trois pays africains. Le Gabon, votre pays, doit-il suivre cet exemple ?

D’abord, il faut noter que les pays concernés vivent une situation de crise sécuritaire liée au terrorisme. Et donc, ce n’est pas du tout la situation du Gabon. Je voudrais également souligner que les accords de défense sont du domaine réservé du chef de l’État, et donc je pense que c’est à lui qu’il faudrait poser la question. Mais en tant que citoyenne, je voudrais simplement souligner et recommander à la France d’entendre les peuples africains, d’entendre ceux qui rêvent d’un mieux-être, qui rêvent de liberté.

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