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Papa Fara Diallo: 20 candidats «c’est une bonne nouvelle qui témoigne de la vitalité démocratique au Sénégal»

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Ils seront 20 à briguer les suffrages des électeurs sénégalais le 25 février prochain à l'élection présidentielle. La liste a été rendue publique samedi 20 janvier au soir par le Conseil constitutionnel. Quels seront les camps en présence, où se placent les lignes de division et quels seront les grands absents de ce scrutin ? Pour en parler, notre invité ce matin est Papa Fara Diallo, maître de conférences en science politique à l'université Gaston Berger de Saint-Louis.

Le Conseil constitutionnel du Sénégal (photo d'illustration).
Le Conseil constitutionnel du Sénégal (photo d'illustration). RFI / Laurent Correau
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RFI : Ce chiffre de 20 candidats pour la prochaine élection présidentielle, c'est un record. Il n'y a jamais eu dans l'histoire du Sénégal autant de prétendants à la magistrature suprême. Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle pour la démocratie sénégalaise ?

Papa Fara Diallo : À mon avis, c'est une bonne nouvelle pour la démocratie. Cela témoigne d'une vitalité démocratique. Le président sortant n'est pas candidat. Donc probablement, certains se sont dit, « nous avons nos chances », puisqu’en général, l'histoire politique du Sénégal a montré, à deux exceptions près - notamment en 2000 et en 2012 -, que si le président sortant est candidat, il a de fortes chances de remporter l'élection présidentielle.

Du côté de la majorité présidentielle, la coalition Benno Bokk Yakaar (« Unis par l'espoir », en wolof) a donc un candidat qui a été désigné pour succéder à Macky Sall - l'actuel Premier ministre Amadou Ba -, mais il y a également trois candidatures dissidentes, celles d'Aly Ngouille Ndiaye, de Mahammed Boun Abdallah Dionne et celle d'El Hadji Mamadou Diao. Est-ce que ces trois candidatures sont susceptibles de gêner celle du candidat de Benno Bokk Yakaar ?

Oui, on peut l'analyser comme étant une contestation du leadership du candidat désigné par le président de la République. Ces candidats dissidents considèrent qu'ils sont plus légitimes que Monsieur Amadou Ba, qu'ils ont une base électorale, qu'ils maîtrisent leur fief, mais que lors des dernières élections, Monsieur Amadou Ba a perdu dans son fief aux Parcelles Assainies [nord-est de la capitale - NDLR].

L'autre hypothèse, c'est que ce serait une stratégie qui consiste à éclater le leadership au sein de Benno Bokk Yakaar, faire en sorte que, dans les zones où Monsieur Amadou Ba n'a pas un ancrage en termes d'électorat, que ces candidats dissidents-là puissent faire le maximum de voix et empêcher l'opposition de grignoter dans cet électorat-là.

Du côté de l'opposition, il y a donc un premier grand absent, Ousmane Sonko, dont la candidature a été invalidée à la suite de sa condamnation. Le plan B du parti, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, voit sa candidature validée, mais il est en prison. Est-ce qu'il pourra battre campagne ?

J'espère qu'il pourra battre campagne. Ce cas de figure s'est produit en ce qui concerne l'ancien maire de Dakar, Monsieur Khalifa Sall, qui était candidat investi lors des élections législatives, mais il n'avait pas pu battre campagne, il était en prison. Donc on espère que, puisque cette fois-ci ce n'est pas un scrutin de liste, mais c'est un scrutin présidentiel uninominal, qu'on puisse permettre à ce candidat de pouvoir battre campagne. Laisser un candidat en prison durant la campagne électorale, ça serait une mauvaise image pour la démocratie sénégalaise, à mon avis.

Des alliés d'Ousmane Sonko sont également dans la course, Habib Sy et Cheikh Tidiane Dieye. Certains les avaient même décrits à un moment donné, comme les plans C et D du parti. Est-ce qu'ils ont déjà dit l'un et l'autre ce qu'ils entendaient faire si jamais Ousmane Sonko appelait à voter pour Bassirou Diomaye Faye ?

Non, ils n'ont pas fait de déclaration dans ce sens-là, que ça soit Monsieur Habib Sy ou Monsieur Cheikh Tidiane Dieye. Je pourrais même ajouter Monsieur Déthie Fall. Ils sont des alliés d’Ousmane Sonko. Dans tous les cas, tout dépendra du mot d'ordre que le leader de l'ex-parti Pastef va donner, Monsieur Ousmane Sonko.

L'autre grand absent de la compétition, ce sera Karim Wade qui devait, à l'occasion de cette élection, porter les couleurs du Parti démocratique sénégalais (PDS), le parti fondé par son père, l'ancien président Abdoulaye Wade. Cela va donc laisser un nombre important d'électeurs sans candidat naturel.

Oui, le PDS est un des grands partis politiques au Sénégal. C'est un parti qui a dirigé le pays pendant 12 ans. Mais les dernières élections ont montré, effectivement, que cet électorat s'est effrité. Pour le moment, on ne sait pas dans quel sens iront les consignes de vote de Karim Wade.

Au-delà des profils de chacun, est-ce que vous discernez une ou deux lignes de partage entre ces 20 candidats ?

Il y a au moins trois pôles qu'on peut clairement identifier. Il y a le pôle de la majorité. Ils ont les mêmes volontés de prolonger le « Plan Sénégal Emergent », qui est le référentiel des politiques publiques au Sénégal depuis 2012.

L'autre pôle, c'est le pôle de l'opposition radicale, incarné par Yewwi Askan Wi (« Libérer le peuple », en wolof) et à la tête de ce pôle, il y a Monsieur Ousmane Sonko avec ses alliés.

Il y a aussi un troisième pôle, que je qualifierais de non-aligné, composé des leaders qui sont issus du monde économique, du monde de la santé, mais aussi Monsieur Khalifa Sall, Idrissa Seck, etc., qui peuvent avoir un rôle extrêmement important à jouer durant cette élection présidentielle.

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