Sénégal: «Il faut voir le calendrier électoral qui pourrait ne pas dépasser la date butoir du 2 avril 2024», estime l'universitaire Moussa Diaw
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Coup de théâtre au Sénégal. Le Conseil constitutionnel annule la loi qui reportait l’élection présidentielle au 15 décembre et oblige les autorités à organiser le scrutin dans les meilleurs délais, afin que le futur élu puisse entrer en fonction le 3 avril prochain. Est-ce une surprise ? Quelle est à présent la marge de manœuvre du président Macky Sall, qui avait initié ce report ? Moussa Diaw, professeur émérite de sciences politiques à l’université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal, est notre invité.

RFI : Est-ce que vous êtes surpris par la décision du Conseil constitutionnel ?
Moussa Diaw : Non, je ne suis pas surpris de la décision du Conseil constitutionnel, beaucoup de gens pensaient qu’il était incompétent, là, il a montré qu’il est bien compétent, et il a dit le droit.
Alors sur cette compétence, le Conseil constitutionnel argumente sur le fait qu’il est juge de la régularité des élections nationales et qu’il dispose donc d’une plénitude de juridiction en matière électorale, ce qui lui confère compétence pour connaitre de la contestation des actes administratifs participant à la régularité d’une élection nationale…
Oui, tout à fait. C’est dans ce cadre-là, justement, que le Conseil a statué sur les recours qui ont été déposés par des députés concernant de grandes décisions, concernant la dérogation aux dispositions de l’article 31 de la Constitution. Et puis l’autre point, c’était le décret du président de la République, revenant sur la convocation du collège électoral.
Alors que dit, justement, l’article 31 de la Constitution ?
L’article 31 considère qu’on ne peut pas modifier, ou changer, ou prolonger, le mandat du président de la République, donc le projet de loi qui a été voté par les députés à la séance du 5 février 2024 a été attaqué par les députés de l’opposition. Alors le Conseil a décidé de considérer que la loi portant dérogation aux dispositions de l’article 31 de la Constitution est contraire à la Constitution, parce que manquant de bases légales. Par conséquent, il fait l’objet d’une annulation, donc le Conseil annule le projet de loi qui voulait faire une dérogation à l’article 31 de la Constitution.
Alors concrètement, qu’est-ce que ça veut dire en termes de calendrier électoral aujourd’hui ?
Ça veut dire qu’il y a une date butoir pour la fin du mandat du président de la République, c’est le 2 avril 2024. Donc il faudra voir – le Conseil a ouvert, n’a pas fermé – la possibilité de faire des ajustements, parce que le délai est court, et ça relève des autorités compétentes de se prononcer sur cette question dans des délais convenables pour pouvoir organiser l’élection présidentielle.
Oui, parce que la date initiale du 25 février, c’est dans neuf jours, on ne pourra jamais tenir les délais ?
Oui, c’est très court, mais il y a possibilité de discuter entre les candidats qui sont sélectionnés et de voir quels ajustements on pourrait faire. Il faut ajouter peut-être une ou deux semaines, faire du rattrapage pour pouvoir organiser les élections dans des délais convenables.
De telle sorte que, s’il y a second tour, tout puisse être terminé pour le 2 avril, c’est ça ?
Voilà, le délai limite, c’est le 2 avril, qui marque la fin du mandat du président sortant, donc il faut voir le calendrier qui pourrait ne pas dépasser la date butoir du 2 avril 2024.
Quelles sont les conséquences politiques de cette décision pour le président Macky Sall ?
Les conséquences politiques sont nombreuses. Déjà, les prisonniers commencent à être libérés, parce que le président avait dit qu’il n’y avait pas de prisonniers politiques, mais maintenant, les prisonniers commencent à sortir des prisons. Il commence à libérer un nombre important de détenus politiques, militants ou sympathisants, ou des gens très proches, d’ailleurs, de l’ex-Pastef, comme ils disent.
Donc ça, c’est une mesure de décrispation qui a été prise par le président Macky Sall dès ce jeudi soir, avant la décision du Conseil constitutionnel…
Oui, bien entendu. Mais peut-être ils savaient, ils étaient informés de ce qui allait se passer. C’est pourquoi ils ont anticipé la décision et libéré certains détenus, mais il reste encore les vrais dirigeants [de l’ex-Pastef]. Certains pensent qu’ils seront libérés dans les heures qui viennent. De toute façon, c’est une mesure de décrispation de la situation politique très tendue, avec des manifestations prévues ce samedi pour contester ce report de l’élection présidentielle.
Mais concrètement, que peut faire le président Macky Sall à présent ?
Maintenant, il est isolé. C’est un désaveu, cette décision du Conseil constitutionnel. Et politiquement, ce qu’il pourrait faire, c’est se conformer à la décision du Conseil constitutionnel, c’est-à-dire organiser des élections à cette date qui a été indiquée, la date butoir, c’est le 2 avril 2024.
► Décision du Conseil constitutionnel sénégalais
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