Madagascar: l'ex-présidente de l'Assemblée nationale a été «avertie à plusieurs reprises» assure la porte-parole du gouvernement
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À Madagascar, le gouvernement a réagi après la déchéance de l’ex-présidente de l’Assemblée nationale prononcée par la Haute cour constitutionnelle le 28 mars. Christine Razanamahasoa s’est vue reprocher ses propos critiques à l’égard du régime. Sur RFI le 9 avril, elle pointait un coup de force du régime pour l’écarter de ses fonctions. Lalatiana Rakotondrazafy, porte-parole du gouvernement malgache et ministre de l’Enseignement technique et de la formation professionnelle, revient sur l’affaire et défend la stricte application de la Constitution.

De notre correspondante à Antananarivo,
RFI : Près de deux semaines après sa déchéance, l’ex-présidente de l’Assemblée nationale a considéré sur RFI la procédure lancée à son encontre comme illégitime et contraire à plusieurs principes constitutionnels. Vous maintenez de votre côté votre position : c’est bien l’article 72 de la loi suprême qui a été appliquée à son cas.
Lalatiana Rakotondrazafy : Tout à fait, la situation est très claire. Madame Razanamahasoa n’avait pas respecté la ligne de conduite de son groupe parlementaire, groupe grâce auquel elle avait été élue en 2019. Alors, la sanction, elle est très claire aussi : c’est la déchéance. Il n'y a pas autre chose. On ne va pas aller parler du fait qu'elle est une présidente de l'Assemblée nationale. L'article 72 [de la Constitution] ne pose absolument aucune conditionnalité à son application. On est dans une situation de déchéance, une procédure purement politique pour n'importe quel député. Et Madame Razanamahasoa étant une juriste chevronnée, elle est quand même censée comprendre cela.
La procédure de déchéance a été particulièrement expéditive – 48 heures seulement – est-ce qu’il y avait eu des rappels à l’ordre avant d’en arriver à cette sanction sans issue possible ?
Écoutez, il faut quand même dire que Madame Razanamahasoa avait été avertie à plusieurs reprises. On l'avait mise en garde, on lui avait dit : « Écoutez, madame, vous déviez vraiment de la ligne de conduite ». Il ne faut pas oublier qu'elle, contrairement aux prescrits constitutionnels, avait voulu que les élections [présidentielles de novembre 2023] ne se tiennent pas. C'est quand même quelque chose d'absolument inacceptable et inadmissible. D'autant plus que le fondateur de la coalition politique dans laquelle elle était [Andry Rajoelina] est quand même candidat à cette élection-là. On l'avait mise en garde à plusieurs reprises avec cela, mais c'était resté vain.
Plus récemment, Madame Razanamahasoa a pointé une situation sociopolitique qu'elle juge délétère à Madagascar et estimé que derrière cela, il n’y aurait non pas un système, mais des hommes. Vous vous en étonnez, puisque vous dites que Madame Razanamahasoa a elle-même fait partie du système pendant 15 ans.
Alors, je ne sais pas de quelle personne elle parle, mais si elle parle du président Rajoelina, c'est quand même de l'ingratitude dans toute sa splendeur. Et c'est absolument scandaleux d'entendre quelqu'un qui avait profité du système depuis 2009, qui avait gravi tous les échelons, qui est restée ministre pendant plusieurs années, qui est restée présidente de l'Assemblée nationale pendant quatre ans et qui, maintenant, dit qu'elle avait été trompée depuis 2009 alors qu'elle est restée dans le système jusqu'en 2024. Donc, elle est restée pendant 15 ans et c'est seulement après 15 ans qu'elle s'est rendue compte qu'elle avait été trompée en 2009 ? Ça n'a absolument aucun sens et c'est pour ça qu'on se dit, il faut quand même dénoncer parce que c'est comme si elle insultait l'intelligence des Malgaches et ce n'est pas quelque chose qu'on peut accepter.
En plus de Christine Razanamhasoa, Isabelle Delattre, l'ambassadrice de l'Union européenne à Madagascar, a fait l'objet récemment d'une procédure de rappel, après ses propos contre la mesure de castration des violeurs d'enfants, défendue par le régime. Que répondez-vous à ceux qui y voient une tentative de museler les voix critiques ?
Je tiens juste à dire que le gouvernement n'a pas souhaité s'exprimer sur le sujet parce que la démarche a été faite de manière confidentielle. Mais je souhaiterais quand même préciser qu'on n'a jamais déclaré un quelconque représentant d'un organisme international, un quelconque ambassadeur ou diplomate persona non grata, pas jusqu'à maintenant à Madagascar, ça, c'est une première chose. Et une deuxième chose, à chaque fois que le régime fait quelque chose, on tente de l’accuser de porter atteinte à la liberté. Mais un pouvoir, c’est un pouvoir. On peut aussi user des moyens que nous avons entre nos mains, c’est tout.
Dans ce climat politique et institutionnel tendu, les élections législatives du 29 mai se préparent. Sept ministres du gouvernement se sont lancés dans la course, pourquoi cette mobilisation ?
C'est une manière d'acquérir une certaine légitimité populaire, et puis le président de la République a vraiment besoin d'une majorité et d'une majorité solide, stable à l'Assemblée nationale. Donc, nous sommes vraiment dans cette logique-là. Et si notre coalition a aligné des ministres, c'est que nous pensons que nous avons plus de chances de gagner des sièges à l'Assemblée nationale et donc de conforter cette majorité-là.
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