Pour les 80 ans du massacre de Thiaroye, une association de tirailleurs espère la venue d’Emmanuel Macron au Sénégal le 1er décembre
Publié le :
Il n'est pas impossible que le président français Emmanuel Macron soit invité par son homologue sénégalais Bassirou Diomaye Faye à la cérémonie des 80 ans du massacre de Thiaroye, prévue le 1er décembre 2024. Et il n'est pas impossible que le président français accepte l'invitation. C'est du moins ce qu'espère Aïssata Seck, qui préside en France l'Association pour la mémoire et l'histoire des tirailleurs sénégalais. Hier, elle assistait dans le sud de la France à la cérémonie des 80 ans du débarquement de Provence. Elle témoigne à Christophe Boisbouvier.
![[Image d'illustration] Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye (à gauche) serrant la main du président français Emmanuel Macron lors de leur rencontre à l'Élysée à Paris le 20 juin 2024.](https://s.rfi.fr/media/display/c70592d0-4a80-11ef-a373-005056bf30b7/w:1024/p:16x9/000_34XV7NW.jpg)
RFI : « Il n'y aurait pas eu de victoire alliée sans la contribution des autres peuples et des tirailleurs », a déclaré le président camerounais Paul Biya jeudi 15 août à Boulouris. Est-ce que vous partagez ce point de vue ?
Aïssata Seck : Évidemment, je partage ce point de vue, parce que ce sont des faits historiques. Donc évidemment que sans la présence des soldats issus des anciennes colonies, il n'y aurait pas eu de victoire des Alliés.
Dans cet hommage du 15 août, le président français Emmanuel Macron a déclaré que la part d'Afrique en France est aussi l'héritage de ces tirailleurs. Que représentent les tirailleurs dans la mémoire des Français d'origine africaine aujourd'hui ?
Elle a une part extrêmement importante parce que, comme l'a dit le président de la République, cela fait partie de cet héritage. On a déjà la présence d'afro-descendants en France, liés directement à l'histoire de la colonisation. Je suis moi-même petite fille de tirailleur sénégalais, donc directement liée à cette histoire. Donc cela fait partie bien évidemment des héritages de l'histoire de France.
Et malheureusement, on y trouve peu de place dans les programmes scolaires. C'est mentionné dans le programme de quatrième et de troisième, où on mentionne l'apport des troupes coloniales pendant les différents conflits mondiaux. Mais aujourd'hui, on a une jeunesse afro-descendante, mais pas que : on a une jeunesse française qui a besoin de mieux connaître cette histoire. Et pour mieux la connaître, il est extrêmement important et nécessaire de pouvoir continuer à perpétuer ce travail de mémoire.
Dans l'histoire des tirailleurs, il y a un événement tragique, c'est le massacre de Thiaroye. Emmanuel Macron y a fait une brève allusion ce jeudi en saluant les lycéens de cette commune proche de Dakar. Thiaroye, c’est ce camp militaire où des soldats africains réclamaient le paiement de leur solde, et le 1er décembre 1944, la répression a été épouvantable. Entre 35 et 400 morts selon les versions. Est-ce que ce drame n'a pas été occulté par la France depuis 80 ans ?
Il y a forcément une part très, très sombre autour du massacre de Thiaroye. On commémore le 80ème anniversaire du débarquement de Provence, donc forcément, on est obligé de penser à Thiaroye. Le 1er décembre prochain aura lieu le 80ème anniversaire du massacre de Thiaroye et le président de la République Emmanuel Macron a annoncé au ministre [sénégalais] des Forces armées sa présence à Dakar le 1er décembre.
Et je pense que, à ce moment-là, il aura très certainement des choses à dire ou peut-être des annonces à faire. En tout cas, le nouveau gouvernement sénégalais a décidé de prendre à bras-le-corps le sujet, avec la création d'un comité qui va être lancé dès demain avec des chercheurs, des historiens et un comité interministériel auquel j'ai été convié à participer. Et je pense que le 1er décembre, le moment sera venu d'annoncer ou de dire un certain nombre de choses. Des deux côtés.
Il y a deux mois, la France a fait un geste mémoriel en déclarant « morts pour la France » six de ces tirailleurs fusillés à Thiaroye. Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a aussitôt répliqué que ce n'était pas à la France de fixer unilatéralement le nombre d'Africains assassinés, ni la portée de la reconnaissance qu'ils méritent. Alors de fait, est-ce que l'hommage aux victimes de Thiaroye ne doit pas résulter d'un travail commun entre Dakar et Paris ?
Évidemment, il doit résulter d'un travail commun. Et pour que ce travail commun se fasse, il est nécessaire dans un premier temps que le gouvernement sénégalais donne sa ligne de conduite autour du massacre de Thiaroye. Le comité, justement, va être mis en place pour travailler à ces questions-là. Il aura deux dimensions, une dimension commémorative et une dimension vérité et justice. C'est à ce comité-là qu'on se référera pour ensuite réfléchir à ce qui se fera après. Mais le travail commun sera, je pense, entamé entre la France et le Sénégal.
Il y a dix ans, le président François Hollande a promis que toutes les archives sur le massacre de Thiaroye seraient communiquées au Sénégal. Mais aujourd'hui, beaucoup d'historiens disent que les archives les plus sensibles restent secret-défense et que c'est la raison pour laquelle on ne connaît toujours pas le nombre de victimes. Est-ce que vous confirmez ?
Alors, je ne peux pas confirmer, parce que je ne suis ni historienne, ni scientifique. Néanmoins, je pense qu'il serait important de procéder à des fouilles archéologiques. Et notamment dans les fosses communes où il semblerait que les tirailleurs qui ont été massacrés à Thiaroye semblent se trouver.
Vous serez présente à la cérémonie à Thiaroye le 1er décembre prochain ?
Oui, je serai présente à Thiaroye le 1er décembre prochain.
Et vous dites donc que le président Macron a été invité par son homologue Bassirou Diomaye Faye à la cérémonie du 1er décembre prochain à Thiaroye ?
Tout à fait. Il vient de confirmer sa présence au ministre des Forces armées sénégalaises, qui était présent ce jeudi à Boulouris.
Donc le président français vient de dire au ministre sénégalais de la Défense qu'il répondait à l'invitation des Sénégalais pour venir à Thiaroye le 1er décembre prochain ?
Exactement.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne