Le grand invité Afrique

Réforme du Conseil de sécurité de l'ONU: «Sans droit de "veto", les sièges permanents africains ne sont que de la figuration»

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Pendant toute cette semaine - jusqu’au 30 septembre - les dirigeants du monde sont à New York pour l’Assemblée générale des Nations unies. Parmi les grands dossiers qui ne manqueront pas d’être évoqués : celui du Proche-Orient, de l'Ukraine, mais aussi du Soudan. Il sera également question de la réforme du Conseil de sécurité. Les États-Unis viennent d'annoncer de manière tout à fait solennelle, qu’ils apportaient leur soutien à la création de deux sièges permanents pour des pays africains, mais sans droit de veto. On en parle ce matin avec le chercheur sénégalais Pape Ibrahima Kane, spécialiste des questions continentales et régionales en Afrique. Il est l’invité de Carine Frenk.

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à la tribune des Nations unies, le 22 septembre 2024, lors du sommet pour l'avenir.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à la tribune des Nations unies, le 22 septembre 2024, lors du sommet pour l'avenir. © Frank Franklin II / AP
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RFI : Deux sièges permanents au Conseil de sécurité de l'ONU pour le continent africain. L'idée fait son chemin et semble faire consensus aujourd'hui. Est-ce que vous pensez que cette réforme deviendra un jour une réalité ?

Pape Ibrahima Kane : Ça fait déjà quinze ans que ça se négocie et je pense que cette fois-ci, les États africains tiennent le bout. Parce qu’une des puissances mondiales, membre permanent du Conseil de sécurité, à savoir les Etats-Unis, soutient l'idée. Tous les autres membres du Conseil de sécurité ne sont pas contre l'idée et donc on peut espérer que cette fois-ci, les choses vont aller de l'avant. D'autant plus que cette semaine, le Comité des dix présidents africains envisage de rencontrer les cinq membres permanents du Conseil de sécurité pour arrondir les angles. Espérons que, à l'issue de cette réunion, tout deviendra clair dans l'esprit des Africains.

Parce que ce sont aux pays africains de prendre l'initiative à présent de soumettre cette réforme ?

Oui. Pensez-vous que près de 30 % des Etats membres des Nations unies, 17 % de la population mondiale puisse continuer à être sur l'agenda du Conseil de sécurité sans que les États de cette région puissent participer vraiment pleinement aux débats. Ce n'est pas juste.

Est-ce que vous pensez que l'Afrique parviendra à un consensus pour choisir ses deux représentants permanents ?

J'espère, mais ce sera un peu compliqué dans le sens où on a déjà des États qui ont montré leur intérêt à représenter l'Afrique au niveau du continent. Et ce ne sont pas de petits États. C'est l'Égypte, c'est le Nigeria, c'est l'Afrique du Sud et dans une moindre mesure l'Algérie et maintenant un cinquième qui pointe à l'horizon qu'est le Maroc. Donc, trouver deux parmi ces cinq. D'abord, l'élaboration des critères va être assez compliqué. Mais, vous savez que si la réforme aboutit, ce ne sera pas deux membres mais cinq membres africains au niveau du Conseil de sécurité. Et donc l'idée, c'est maintenant de s'entendre sur quels vont être les deux permanents et les trois autres seront peut-être des formules à retrouver. Maintenant, tout le monde sait en Afrique quelles sont les grandes puissances de ce continent et donc je pense que ce ne sera pas à mon avis trop difficile, même s’il y aura beaucoup, beaucoup de négociations, beaucoup de conciliabules. Mais j'espère qu’il y aura un consensus qui se dégagera.

Et qui va décider ?

C'est la conférence des chefs d'Etat qui va toujours trancher. Peut-être si la décision est prise maintenant, je suppose que c'est seulement l'année prochaine qu'il y aura cette conférence pour réviser. Et une fois que cette conférence déterminera maintenant le nombre de représentants, il y aura une conférence des chefs d'État, j'imagine, pour déterminer les représentants.

Il y a aussi la délicate question du droit de veto. Les Américains ont dit oui pour deux sièges à l'Afrique, mais sans droit de veto. Deux sièges permanents au Conseil, mais sans droit de veto, ça sert à quoi ?

Sur cette question, les Africains sont très clairs :  ils veulent deux postes permanents avec droit de veto. Ou bien on élimine le droit de veto au niveau du Conseil de sécurité et tout le monde est à égalité à ce niveau-là.

Ceux qui ont le droit de veto l'accepteront-ils ?

Oui, mais tout est question de négociation. Parce que si ce droit-là n'est pas reconnu aux Etats africains, je ne vois pas à quoi va servir réellement ces deux postes permanents. C'est juste pour faire de la figuration. Je pense que l'un ne va pas sans l'autre. Et si on s'y oppose plutôt que d'accepter, personne ne l'est. Il ne faut pas que les cinq continuent à mener le reste du monde par le bout du nez.

On est là au cœur des problèmes de la gouvernance mondiale.

Tout à fait, tout à fait. Et vous savez, les crises que le monde a connues ces derniers temps ont montré que le monde de 1945, date à laquelle ce système a été mis en place, est totalement révolu. Il faut que les règles du jeu changent et que le Nord accepte que le Sud global a évolué et que le Sud global aussi ne soit pas trop exigeant en termes de changement, parce qu’il faut accepter l'idée qu’on va aller de façon évolutive sans faire une révolution, parce que généralement les révolutions ne sont pas acceptées par ceux qui ont presque tout à perdre.

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