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Nord du Mali: «Nos revendications sont politiques, c'est pour la population de l'Azawad»

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Au Nord-Mali, l'accalmie sur le terrain militaire est trompeuse, affirment les rebelles touaregs du FLA, le Front de Libération de l'Azawad. « C'est le calme avant la tempête », précise le porte-parole du FLA, Mohamed Elmaouloud Ramadane. Depuis la sanglante bataille de Tine Zaouatène, il y a 14 mois, qui a coûté la vie à plus de 80 paramilitaires russes de Wagner, les rebelles du FLA et l'armée malienne affûtent leurs armes. Comment les rebelles se procurent-ils des drones ? Quels sont leurs vrais liens avec les jihadistes du JNIM ? De passage à Paris, le porte-parole du FLA répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

Mohamed Elmaouloud Ramadane, porte-parole du Front de libération de l'Azawad (FLA) au Mali.
Mohamed Elmaouloud Ramadane, porte-parole du Front de libération de l'Azawad (FLA) au Mali. © Capture d'écran/facebook.com
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RFI: Mohamed Elmaouloud Ramadane, bonjour

Mohamed Elmaouloud Ramadane, depuis plusieurs semaines, aucun combat n'est signalé dans la région de Kidal et de Tinzawaten, les fiefs du FLN au Nord du Mali. Est-ce qu'on peut parler d'une accalmie ?

Mohamed Elmaouloud Ramadane : Non, moi je ne pense pas que c'est une accalmie. Je peux dire que c'est ce qu'on appelle le calme avant l'arrivée de la tempête. Donc les FLA (Forces de libération de l’Azawad) sont bien présentes sur le terrain, de leur côté, l'ennemi aussi, il est là-bas. Ils sont soit à Kidal ou bien à Tessalit. Ils sont dans les camps laissés par la Minusma ou bien la force Barkhane. Et surveillés en général par les drones. Ils n'arrivent pas à quitter en dehors de ces camps comme auparavant. Ils avaient l'habitude de quitter, d’aller un peu dans les hameaux, d’aller sur les puits, de massacrer et de piller les populations. Maintenant, ce n'est plus le cas. Donc par rapport aux opérations ou bien aux combats, c'est une question de temps. C'est le terrain qui commande.

En juillet 2024, il y a eu cette bataille de Tinzawaten, tout près de la frontière algérienne, où vous vous êtes affrontés durement aux forces armées maliennes et aux paramilitaires russes de Wagner. Vous dites que vous avez gagné, mais est-ce que vous n'avez pas perdu aussi beaucoup de combattants ?

Bon, on ne peut pas faire la guerre et faire des combats sans perdre des combattants. L'essentiel, c'est de gagner la bataille. Nous avons gagné parce que nous avons détruit toute cette unité de mercenaires russes de Wagner. Aucun combattant n'a pu s'échapper, aucune voiture n'a pu s'échapper. Donc c'était une lourde défaite pour ces mercenaires. D'ailleurs, je crois que c’est une première sur le continent africain. Donc c'est vrai, nous avons perdu des hommes. D'ailleurs, on a même fait un monument à Tinzawaten avec les noms de tous les martyrs. C'est une vingtaine de nos martyrs avec une quinzaine de blessés.

Et du côté des Maliens et des paramilitaires russes, quel est le bilan des pertes ?

Vous savez, nous avons recensé à peu près 85 à 87 cadavres des mercenaires de Wagner avec quelques militaires maliens. Mais la majorité, c'étaient les mercenaires de Wagner. Nous avons aussi des prisonniers russes et des FAMA prisonniers.

Combien de prisonniers russes avez-vous aujourd'hui ?

Deux.

Deux prisonniers ?

Deux prisonniers russes.

Lors de cette bataille de Tinzawaten de l'année dernière, vos ennemis ont utilisé des drones, mais vous aussi vous avez utilisé des drones. Quels sont les pays amis qui vous ont livré ces engins ?

Nous n'avons aucun pays ami qui nous a vraiment livré ou bien dont nous avons bénéficié de son aide matérielle. Les drones sont sur le marché noir. On peut les acheter. Donc, ce sont des choses qu'on achète et qu'on sophistique et qu'on modifie, une fois arrivées chez nous.

Depuis plus d'un an, le torchon brûle entre Alger et Bamako. Est-ce que naturellement l'Algérie s'est rapprochée de vous et vous a peut-être aidé à vous livrer en matériel ?

L’Algérie, sa position par rapport à la question de l'Azawad a toujours été claire et par rapport au Mali en général. Donc il n'y a aucun rapprochement entre nous et les autorités algériennes, que ce soit politique, que ce soit autre chose, aucun rapprochement.

En tout cas, Bamako est persuadé que l'Algérie vous sert de base arrière.

Vous savez, Bamako accuse tout le monde. Accuse la France, accuse l'Ukraine, accuse l’Algérie. Qui n'est pas accusé ? Accuse la Côte d'Ivoire, accuse le Sénégal, la Mauritanie. Personne n'échappe à son accusation. Donc, c'est la théorie du complot qui les a toujours prolongés dans cette crise, qu’ils sont en train de vivre.

Au Nord Mali, Il n'y a pas que le FLA, il y a aussi les jihadistes du Jnim. Vous avez combattu ensemble l'an dernier à Tinzawaten contre les forces armées maliennes et Wagner. Est-ce à dire que vous êtes désormais des alliés sur le terrain militaire ?

Le Jnim n'est pas que dans l'Azawad. Il est un peu partout dans le Mali et dans tous les pays du Sahel. Il occupe une grande partie du territoire du Mali. Aujourd'hui, il est autour de Bamako et de Kayes. Donc, c'est un acteur qui est sur le terrain que nous ne pouvons pas nier. Nous sommes, c'est vrai, sur le terrain où il y a la présence des hommes du Jnim sur le territoire aussi, mais il n'y a aucune coordination entre nous.

Vous connaissez l'adage « Les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». Du coup, puisque vous avez les mêmes ennemis, est-ce que vous n'êtes pas devenus amis ?

Oui, « les ennemis de mes ennemis sont mes amis », c'est vrai. Donc, on peut avoir un ennemi commun que nous combattons tous. Mais nous n'avons pas les mêmes objectifs. Le Jnim est présent un peu partout. Il a des revendications différentes des nôtres. Nous, nous sommes limités sur le territoire de l'Azawad. Nous n'avons pas d'autres combats en dehors de cela, nos revendications sont politiques. C'est seulement pour la population de l'Azawad. On ne veut pas aller au-delà de ça.

Est-ce qu'il n'y a pas au moins, entre vos deux mouvements, un pacte de non-agression ?  

Exactement. Il y a un pacte de non-agression. Ça, je vous le confirme parce que, après les combats qui ont eu lieu sur la frontière avec la Mauritanie, entre les FLA et le Jnim en avril 2024, suite à cela, il y a eu des initiatives menées par des chefs des tribus, des communautés, parce que c'est leurs fils qui sont dans le Jnim et qui sont dans les FLA. Donc, pour éviter des confrontations, ils ont mis un mécanisme pour un accord de non-agression et pour éviter les accidents et les accrochages.

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