Le grand invité international

Chirinne Ardakani, avocate de Cécile Kohler: «Nous sommes très inquiets de leur sort»

Publié le :

Chirinne Ardakani, avocate et militante pour les droits humains était l'invitée internationale de RFI ce 3 juillet. Elle est l'avocate de Cécile Kohler, française détenue depuis mai 2022 en Iran. Les deux Français détenus en Iran depuis plus de trois ans ont été inculpés pour espionnage au profit d'Israël. Cécile Kohler et Jacques Paris risquent la peine de mort. L'avocate de Cécile Kohler livre ses dernières informations.

Jacques Paris et Cécile Kohler ont passé trois ans à la prison iranienne d'Evin, accusés d'espionnage. Leurs familles affirment qu'ils sont détenus dans des conditions inhumaines.
Jacques Paris et Cécile Kohler ont passé trois ans à la prison iranienne d'Evin, accusés d'espionnage. Leurs familles affirment qu'ils sont détenus dans des conditions inhumaines. AFP - HANDOUT
Publicité

RFI : bonjour Chirinne Darkani, merci d'être en ligne avec nous ce matin. On le sait donc maintenant que Cécile Kohler et Jacques Paris sont accusés d'espionnage pour le compte du Mossad, le service de renseignement extérieur israélien. Ils sont aussi inculpés pour complot, pour avoir voulu renverser le régime et corruption sur terre. Ce sont les termes employés. Est-ce que vous êtes inquiète ?

Alors bien sûr, nous partageons l'angoisse des familles et leur inquiétude. Mais tout d'abord une précision sur ces chefs d'inculpation. Jacques Paris et Cécile Kohler ont pu s'entretenir avec le chargé d'affaires de l'ambassade de France à Téhéran le 1ᵉʳ juillet dernier, et ils ont indiqué que cette information vient de Cécile et de Jacques. En réalité, avoir vu, disent-ils, un juge qui leur aurait effectivement dit qu'ils sont inculpés de ces trois chefs d'accusation.

Donc, l'information provient d'eux même, suite à la rencontre avec un juge et lors de la visite consulaire qu'ils ont eue il y a deux jours ?

Tout à fait, sans d'ailleurs que nous ne soyons, et c'est toujours le même schéma, en mesure de pouvoir s'assurer qu'ils ont bien été présentés devant un juge, une autorité judiciaire, puisqu'à ce jour, on leur refuse le fait de voir un avocat choisi et indépendant et nous n'avons ni accès à la procédure. Et eux même n'ont pas accès à leur dossier.

Je vous interromps un instant : ça veut dire qu’ils n'ont aucun dossier. Aucun dossier ne leur aurait été transmis par le juge lors de cette rencontre ?

C'est-à-dire qu'ils ne sont pas en capacité aujourd'hui de vérifier les éléments qui leur sont donnés par les autorités iraniennes et nous ne sommes pas en mesure de confirmer qu'ils ont bien été présentés devant une juridiction et qu'une juridiction aurait effectivement prononcé de tels chefs d'accusation. Si bien que, à tout le moins, ce dont nous sommes certains, c'est qu'ils sont sous l'emprise et la terreur absolue de leurs bourreaux.

Oui, ici, on ajoute que les trois chefs d'inculpation sont par ailleurs passibles de la peine de mort, c'est ce qu'on nous fait savoir ?

Tout à fait. Corruption sur terre, complot en vue de renverser le régime et espionnage au profit du Mossad et d'Israël sont trois chefs d'inculpation qui, chacun séparément, peuvent conduire à une condamnation à mort. Et on comprend effectivement qu'un cap a été franchi par les autorités iraniennes en communiquant cette information-là à Cécile et Jacques, et indépendamment du fait de savoir si véritablement le dossier comporte bien de telles accusations, et bien, il est certain que la situation est très grave.

Oui, torture psychologique. C'est comme ça que vous qualifieriez ce qu'on leur fait subir. Ça fait plus de trois ans depuis qu'ils sont détenus que leur geôlier leur répète régulièrement et c'est ce qu'ils disent aux familles, leur répète que leur procès est imminent. Et ils étaient dans le flou jusque-là. Maintenant, c'est plus clair, mais ça n'est pas plus rassurant ?

Alors effectivement, cela fait trois ans désormais qu'ils sont sous la menace de ce procès qui devait, disaient-ils, se tenir en novembre 2024. On a vu qu'ils n'ont pas été finalement jugés, que les maintenir dans cet état aléatoire sans pouvoir finalement voir une issue possible, est une torture psychologique en soi. Le fait de se savoir possiblement condamné à mort est évidemment une pression qui atteint aujourd'hui leur santé mentale et psychique. Et nous sommes effectivement très inquiets pour leur sort.

On était aussi très inquiet depuis le bombardement de la prison d'Evin le 23 juin. C'est dans cette prison que Cécile Kohler et Jacques Paris sont détenus. Sait-on où ils sont désormais ?

Alors non, effectivement. Vendredi dernier, les familles tenaient une conférence de presse. Elles rappelaient qu'elles n'avaient aucun signe de vie puisque, après le bombardement par les frappes israéliennes de la prison d'Evin, on sait qu'il y a eu plusieurs morts parmi les détenus et leurs familles. Jacques Paris, lors de la rencontre avec le chargé d'affaires, a pu faire (part) à ce chargé d'affaires (...) que des codétenus avaient été frappés, en tout cas, avaient été blessés par des éclats lors de ces frappes, que les murs de la prison avaient tremblé, qu'ils ont eu très peur. Cécile a également expliqué qu'ils s'en sont sortis indemnes physiquement, c'est fort heureux, mais qu'ils sont extrêmement choqués, qu'ils ont peur. Elle rapporte qu'elle a peur que les bombardements reprennent (...), qu'un important dispositif de forces spéciales et de sécurité a été déployé par la République islamique pour transférer les prisonniers à la hâte (semblable) à des scènes de guerre et qu'ils s’en sortent absolument traumatisés. Aujourd'hui, on n'a aucune information sur leur lieu de détention. On sait qu'ils sont physiquement indemnes. Mentalement, on sait que c'est autre chose, mais on ne sait toujours pas où ils sont détenus. Eux-mêmes d'ailleurs, ignorent le nom de l'établissement pénitentiaire où ils sont arbitrairement incarcérés. On sait qu'ils ont été vus par le chargé d'affaires à Téhéran, dans le sud de Téhéran.

Donc, ils ont été transférés, mais on ne sait pas si c'est leur lieu de détention désormais ?

On ne sait pas s’ils sont effectivement enfermés dans cette prison ou si c'était le seul temps de la visite.

Merci à vous d'avoir été en ligne avec nous ce matin sur RFI.

 

À lire aussiIran: les Français Cécile Kohler et Jacques Paris inculpés d'«espionnage» pour le compte d'Israël

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes