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Bénin: «Le parti Les Démocrates n’a pas été à la hauteur et n’a pas pu remplir les conditions fixées par la loi»

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« Une présidentielle sans le candidat du principal parti d'opposition, ce n'est plus la démocratie », disait avant-hier sur RFI le porte-parole du parti Les Démocrates au Bénin. « Le parti Les Démocrates s'est exclu lui-même de la présidentielle d'avril prochain », lui répond en substance le porte-parole du gouvernement béninois, ce matin sur RFI. En ligne de Cotonou, Wilfried Léandre Houngbedji répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

La Commission électorale nationale autonome du Bénin a annoncé le 23 octobre 2025 avoir rejeté la candidature de Renaud Agbodjo, du principal parti d'opposition, pour la prochaine élection présidentielle de 2026. (Image d'illustration)
La Commission électorale nationale autonome du Bénin a annoncé le 23 octobre 2025 avoir rejeté la candidature de Renaud Agbodjo, du principal parti d'opposition, pour la prochaine élection présidentielle de 2026. (Image d'illustration) © Pius Utomi Ekpai / AFP
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RFI : À l'origine de l'exclusion du candidat du parti Les Démocrates, il y a un défaut de parrainage. Mais en fait, tout ça a été provoqué par un changement de loi électorale en mars 2024. Vous avez haussé la barre des parrainages d'élus nécessaires pour être candidat à une présidentielle. Elle est passée de 16 à 28 parrains, et beaucoup d'observateurs disent que c'était précisément pour piéger le parti Les Démocrates ?

Wilfried Léandre Houngbedji : Vous parlez d'exclusion. Il est curieux que, nonobstant les dénonciations de membres éminents du parti contestant la gestion qui en est faite par son président, certains continuent de parler d'exclusion, et nonobstant aussi les déclarations de son poulain, monsieur Renaud Agbodjo, faisant état de dysfonctionnements internes qui lui auront coûté sa qualification à la présidentielle. Et donc je crois qu'il faut davantage interroger les mécanismes de gestion interne de ce parti plutôt que de chercher un bouc émissaire pour justifier ses déboires. La loi, qui a été révisée en 2024, a fixé un seuil de parrainage dont dispose le parti et a pris le soin de sécuriser les parrainages en interdisant la transhumance des élus, de sorte que le parti avait toutes les cartes en main pour se désigner un candidat tant qu'il pouvait remplir les conditions.   

Mais tout de même, jusqu'en mars 2024, il suffisait de seize parrainages. Depuis mars 2024, il en faut 28, ce qui correspond exactement au nombre d'élus dont disposait le parti Les Démocrates dans la dernière Assemblée nationale. Ça ressemble tout de même à un piège, non ? 

Il n'y a pas de piège, parce que la majorité qui a fait la relecture de cette loi, en la présence constante de la minorité, donc des députés LD, aurait pu prévoir également un seuil plus important. Et pourtant, elle a tenu compte du nombre de parrains dont disposait et dont dispose le parti LD pour corriger la loi, de sorte que si on avait fait beaucoup plus, on aurait dit dès l'origine « ça, c'est pour exclure tel et tel ». 

Alors, quoi qu'il en soit, à partir du moment où le nombre de parrainages nécessaires correspondait exactement au nombre d'élus du parti Les Démocrates, le parti LD, il suffisait de la défection d'un seul de ses élus pour que le candidat LD soit exclu. Ce député Michel Sodjinou, il a donc fait défection. Qu'est-ce que vous lui dites aujourd’hui ? « Bravo, monsieur le député, c'est un joli coup » ? 

Non, nous n'avons aucun jugement de valeur. Nous prenons acte, tout simplement. Nous, nous nous sommes préparés par ailleurs, avec la désignation d'un candidat au profil éloquent, à battre n'importe quel adversaire que nous aurions eu en face de nous. 

Alors, vous allez en effet présenter votre ministre des Finances, Romuald Wadagni. Vous dites que vous n'avez rien à voir avec ce député d'opposition qui s'est rétracté, Michel Sodjinou. Mais l'ancien président Boni Yayi n'est pas du tout d'accord avec vous. Il dit au contraire que vous êtes entré dans une campagne de débauchage pour déstabiliser le parti Les Démocrates…

Je crois que cela ne devrait pas étonner ceux qui connaissent et qui ont vu à l'œuvre l'ancien président Boni Yayi. Car ils se souviennent que lorsqu'il y avait de bons points à prendre, c'était toujours son mérite à lui tout seul. Et quand ça n'allait pas, il n'était jamais au courant. Ou alors l'enfer, c'est les autres. 

Mais ce député, Michel Sodjinou, il ne va pas bénéficier désormais d'avantages matériels pour ce qu'il a fait ?

Ah bon, et de la part de qui ? 

C'est ce que laisse entendre en tout cas l'ancien président Boni Yayi…

Bien, il doit s'y connaître, lui. Nous, on ne connaît pas ces pratiques-là. 

C'est-à-dire qu'il n'y a rien à voir entre la majorité au pouvoir et le député qui a fait défection dans l'opposition ?

Absolument rien. Encore une fois, monsieur Boisbouvier, si vous entendez ce député, mais pas que lui, vous avez entendu Éric Houndété, vous avez entendu d'autres cadres du parti. Vous avez même entendu Monsieur Agbodjo qui avait été désigné par le parti pour le représenter. Tous évoquent des problèmes à l'intérieur. Et donc, qu'est-ce que nous, on a à y voir ?

En 2021, vous avez fait arrêter la candidate du parti Les Démocrates, Reckya Madougou, qui a pris 20 ans de prison et qui y est toujours. Pour 2026, la justice a exclu le candidat du même parti Les Démocrates, Me Agbodjo. Est-ce qu'il n'y a pas un peu d'acharnement contre ce parti ? 

Premièrement, les personnes qui ont été interpellées et qui sont en prison après avoir été jugées, elles se sont rendues coupables de faits attestés et étayés par la justice. Secondement, la justice n'a pas exclu le candidat du parti Les Démocrates. Le parti LD n'a pas été à la hauteur et n'a pas pu remplir les conditions fixées par la loi.

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