Les Arabes israéliens déchirés entre leur citoyenneté israélienne et leur identité palestinienne
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Retour sur les violents affrontements qui ont embrasé les villes mixtes d’Israël. Des heurts allant parfois jusqu’au lynchage entre citoyens israéliens juifs et arabes. Comment expliquer une telle explosion de violence entre citoyens israéliens arabes et juifs ?

On peut dire que c’est un passé de 70 ans qui ressurgit, un passé qui ne passe pas pour les Arabes israéliens - ou plus précisément les descendants des Palestiniens restés sur place en 1948, un peu plus de 150 000 personnes à l’époque, lorsque la création de l’État d’Israël provoqua le déplacement contraint de 700 000 autres Palestiniens vers des camps de fortune au Liban, en Syrie, en Jordanie, et bien sûr en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
Ce fut la Nakba, la catastrophe, qui ne fut « pas une calamité passagère, mais la pire crise qui soit arrivée aux Arabes », comme l’écrivait à l’époque l’intellectuel syrien Constantin Zureiq, qui conceptualisa ce concept de catastrophe. Dès l’origine, l’État israélien fut perçu comme un colonisateur de terres arabes, alimentant un puits sans fond de ressentiment. En 2011, l’écrivain libanais Elias Khoury écrivait : « la Nakba n’est pas seulement un évènement, mais aussi un processus qui n’a jamais cessé ». Pour lui – et pour tous les Palestiniens, c’est un processus de dépossession de territoires occupés par les Arabes en 1948 – au profit des Juifs. Y compris en Israël – et donc au détriment des Palestiniens israéliens.
Discriminations persistantes
Aujourd’hui, les Arabes israéliens représentent 21 % de la population israélienne. Officiellement, ils ont presque les mêmes droits que les Juifs israéliens. Ils participent à la vie politique et votent. Ils ne peuvent pas néanmoins effectuer leur service militaire au sein de Tsahal. Dans les faits les discriminations restent nombreuses, en matière d’accès au logement notamment.
À cette situation s’ajoute depuis les années 2 000 la montée en puissance de partis juifs nationalistes et ultra religieux. Une parole racialiste et suprémaciste juive se libère dans l’espace politique, minoritaire, mais très active. Puis vient la loi fondamentale « État-Nation » en 2018, qui définit Israël comme « le foyer national du peuple juif », et Jérusalem comme capitale d’Israël « complète et unifiée ».
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La goutte d’eau qui fait déborder le vase
C’est dans ce contexte que survient l’affaire du quartier de Cheikh Jarrah à Jérusalem-Est, là encore et toujours une histoire de logements et de territoires, légitimités et revendications antagonistes. Sans doute la goutte d’eau qui fait déborder le vase des injustices ressenties par les Arabes israéliens, ce qui va provoquer les violences entre Juifs et Arabes dans les villes mixtes. Des expressions de haine minoritaires, mais portées à leur comble par des Palestiniens en colère et des Juifs nationalistes qui attisent le feu. Alors même que ces derniers mois, la cohabitation, toujours un peu méfiante, était néanmoins paisible, voire solidaire dans l’épreuve commune du Covid-19.
Ce samedi, les Palestiniens commémorent la 73e édition de la Nakba, une catastrophe passée et pourtant si présente chez ces Arabes israéliens toujours déchirés entre leur citoyenneté israélienne et leur identité palestinienne.
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