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Biélorussie: Loukachenko provoque l’Europe à la frontière polonaise

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Une crise diplomatique et humanitaire se joue en ce moment à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne. Le président biélorusse Alexandre Loukachenko est accusé d’instrumentaliser des milliers de migrants en les poussant à gagner l’Union européenne via la Pologne, qui refuse de les accueillir, craignant de créer un appel d’air. Comment les Européens peuvent-ils se sortir de ce piège ?

Pris en étau entre la Biélorussie et la Pologne, plus de 2000 migrants sont coincés depuis plusieurs jours dans un camp de fortune à la frontière entre les deux pays.
Pris en étau entre la Biélorussie et la Pologne, plus de 2000 migrants sont coincés depuis plusieurs jours dans un camp de fortune à la frontière entre les deux pays. © AP / Ramil Nasibulin
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La réponse à cette question n’est pas simple. Alexandre Loukachenko sait très bien ce qu’il fait – et il sait qu’il peut compter sur le soutien de la Russie : en faisant venir chez lui par charters affrétés à Damas, à Beyrouth ou à Tripoli, des centaines de migrants, le dictateur biélorusse se livre à un calcul d’un cynisme total.

Il fait miroiter à ces hommes et ces femmes qui rêvent d’un ailleurs et d’un futur meilleurs la possibilité d’une escale dans son pays avant de pouvoir gagner l’Union européenne, et en premier lieu la Pologne. Il les pousse même, souvent de façon contrainte, vers la frontière polonaise. Et c’est là que ces malheureux se trouvent confrontés à la dure réalité de cette Union européenne qu’ils pensent douce et accueillante. Ils se retrouvent face à des milliers de soldats et de gardes-frontière polonais qui leur refusent l’accès en territoire européen.

Une stratégie de Loukachenko pour fustiger l'Union européenne

Il y a donc ces images terribles d’hommes, de femmes et d’enfants coincés à la frontière côté biélorusse qui tentent de passer de l´autre côté, en sont empêchés et subsistent dans des conditions météorologiques terribles et qui vont s’aggraver – il y a déjà des morts de froid.

C’est le piège du président biélorusse : ces images qui passent en boucle de migrants affamés et frigorifiés lui permettent de dénoncer l’inhumanité de cette Europe riche et démocratique, qui donne des leçons de morale et de vertu à la terre entière, dont la fragile existence politique repose sur des valeurs de respect pour l’être humain et qui dans les faits, se comporte comme une forteresse assiégée.

Une solution russe ?

Il y a un hiatus pour l’instant impossible à résoudre entre la crise humanitaire et la nécessité pour l’Europe de tenir bon sur ses frontières, si elle veut être respectée comme entité politique responsable et autonome. Loukachenko le sait très bien. Les Européens aussi. Ils savent que cette prise en otage de centaines de migrants par le régime de Minsk est une riposte aux sanctions décrétées par l’Union européenne suite à la terrible répression que subit l’opposition biélorusse. Ils savent aussi qu’ils ne peuvent laisser mourir de froid des migrants, mais qu’ils n’ont toujours pas réussi à définir une politique migratoire commune.

L’équation est donc complexe : si l’Europe, en l’occurrence la Pologne, ouvre les portes de son territoire, cela provoquera un appel d’air pour des milliers de migrants. Il lui faut donc tenir bon, sans se renier.

En proposant sans doute une aide humanitaire ciblée. En demandant à Moscou de faire reculer son homologue biélorusse. Et en renforçant de manière substantielle les sanctions contre le régime et les personnalités proches de d’Alexandre Loukachenko. Celui-ci a menacé de stopper l’alimentation en gaz de l’Europe, mais a été recadré cette fois par Vladimir Poutine, qui joue dans cette affaire un rôle trouble.

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