Le monde en questions

Poutine, la stratégie de la nuisance vis-à-vis de l’Occident

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Retour sur le regain de tension entre la Russie et le camp occidental, qu’il s’agisse de la situation à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne, ou des mouvements de troupes russes près de l’Ukraine - sans parler des allégations occidentales contre Moscou accusant la Russie de mener des « guerres hybrides » dans certains pays d’Afrique. Que cherche vraiment le maître du Kremlin ? 

Le président russe Vladimir Poutine assiste à une session sur l'État de l'Union de la Russie et de la Biélorussie via une liaison vidéo à Sébastopol, en Crimée, le 4 novembre 2021.
Le président russe Vladimir Poutine assiste à une session sur l'État de l'Union de la Russie et de la Biélorussie via une liaison vidéo à Sébastopol, en Crimée, le 4 novembre 2021. via REUTERS - SPUTNIK
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Eh bien la réponse peut sembler simple, même si ses modalités le sont moins. 

Depuis son accession au pouvoir il y a 21 ans, Vladimir Poutine n’a qu’une obsession : effacer l’effondrement de son pays dans les années 1990 après la fin de l’URSS, et lui redonner les attributs d’une superpuissance, comme précisément du temps de l’Union soviétique. 

Très tôt, en 2000, il explique à Bill Clinton, alors président américain : « Avec vos alliés, vous dominez les deux Amériques, l’Afrique et l’Asie. Vous pourriez nous laisser l’Europe ! » Le message ne sera pas entendu bien sûr et au fil des ans, Vladimir Poutine met en place une stratégie de défiance vis-à-vis de l’Union européenne et des États-Unis : il veut protéger son glacis autour de la Russie et supporte donc très mal les velléités expansionnistes de l’Otan en Europe de l’Est. Il veut aussi récupérer des États russophones comme l’Ukraine - d’où son double coup de poker en 2014 avec l’annexion de la Crimée puis le soutien apporté aux indépendantistes du Donbass dans la partie Est de l’Ukraine. 

Des « guerres hybrides » contre l'Occident

Parallèlement, il lance contre l’Occident ce qu’on appelle maintenant des « guerres hybrides » - il ne s’agit plus de conflit classique entre deux armées, mais d’offensives déguisées, soit sur Internet pour fragiliser le processus politique, notamment électoral, des démocraties, soit sur des terrains d’opération en dépêchant sur place des troupes anonymes - ce fut le cas en Crimée, ou des mercenaires comme le désormais célèbre « Groupe Wagner », en Libye, ou en Centrafrique. Ce qui permet à Moscou de démentir toute participation à des manœuvres de déstabilisation, en les menant néanmoins. 

Il y a enfin plus récemment l’utilisation d’alliés fidèles - par choix ou nécessité - pour nuire là encore aux intérêts occidentaux : la crise actuelle à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne en est une illustration éclatante. C’est l’allié Loukachenko qui est à la manœuvre, sans doute soutenu par le grand frère russe - mais là encore, aucune preuve que Vladimir Poutine soit en quelque sorte le donneur d’ordre. Moscou peut démentir les accusations et se paie même le luxe de se poser en médiateur pour faire baisser la tension entre Minsk et Bruxelles. 

Poutine est donc devenu un orfèvre dans cette politique d’opportunité - on saisit toutes les occasions de faire du tort au camp adverse. Mais en restant prudent : en fait, on teste la réaction de l’adversaire, et on adapte la stratégie en fonction. S’il réagit trop peu ou trop tard, on pousse l’avantage - ce qui s’est passé pour la Crimée. S’il reste ferme, comme sur la crise frontalière Biélorussie / Pologne, on recule, ou on négocie.

Donc, ce que cherche Vladimir Poutine, c’est à redonner par tous les moyens le lustre d’antan à son pays. Il sait aussi qu’il doit faire beaucoup de bruit pour exister face au binôme qui, de plus en plus, domine la scène internationale, celui formé par les États-Unis et la Chine.

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