Le droit à l’avortement est-il menacé aux États-Unis ?
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Retour sur la polémique qui a éclaté cette semaine aux États-Unis, quand le site d’information Politico a révélé le contenu d’un avant-projet de la Cour suprême, qui prône l’abolition du texte qui régit le droit à l’avortement dans le pays depuis 1973, connu sous le nom de l’arrêt Roe versus Wade. Le droit à l’avortement est-il vraiment menacé aux États-Unis ?

La réponse est oui. La fuite d’un tel document de la Cour suprême était déjà un évènement en soi. C’est tout simplement du jamais-vu Outre Atlantique, et on se pose la question de savoir à qui profite le crime. Car le document qui a fuité en dit long sur les intentions de la majorité des 9 juges : ils auraient l'intention, d’après ce projet, d’abolir le texte de 1973. Un texte qui permet depuis cette date à toutes les femmes américaines d’avoir recours à l’interruption volontaire de grossesse sur l’ensemble du territoire des États-Unis. La décision avait été prise sur la base d’un arrêt de la Cour suprême, l’arrêt Roe versus Wade.
C’est donc un arrêt juridique, et pas une loi fédérale, qui depuis fait jurisprudence. L’argument invoqué par la Cour, c’était que l’avortement était un droit fondamental, en vertu du respect de la vie privée garanti par le 4e amendement de la Constitution. Mais ce n’est pas un droit absolu. Un avortement peut être autorisé jusqu’au seuil de viabilité du fœtus, c'est-à-dire environ jusqu’à 24 semaines maximum. Voilà pour le contenu et le statut actuels.
Une volonté de revenir sur le texte qui n’est pas récente
Si l’arrêt Roe v. Wade était annulé, on reviendrait en fait à la situation qui prévalait avant 1973, où chaque état pouvait interdire ou autoriser l’avortement. Si le texte qui a fuité était adopté par la Cour suprême, on s’attend à ce que 22 états au moins interdisent rapidement le droit à l’avortement. Cela fait plus de 40 ans que les conservateurs veulent revenir sur ce texte - et ce qui change aujourd’hui, c’est que la Cour suprême compte 6 magistrats conservateurs sur 9. C’est l’un des résultats du passage de Donald Trump à la Maison Blanche puisque sous son mandat, il a nommé trois juges ultra conservateurs et opposés au droit à l’avortement.
Pour justifier leur projet, les juges antiavortement se basent en fait sur la Constitution : le texte de 73 est « infondé » selon eux, et ne répondrait pas « à l’histoire et aux traditions de la nation américaine ». Ce texte n’est protégé par aucune disposition de la Constitution, et c’est aux représentants du peuple, au Congrès américain, donc, de décider par une loi fédérale s’il faut autoriser ou interdire l’avortement. Les démocrates ont essayé à plusieurs reprises de faire passer une telle loi, sans succès, car il y a toujours dans leurs propres rangs deux ou trois élus qui votent contre le droit à l’avortement avec les républicains.
Un débat juridique, sociétal et politique majeur
En tout cas, la fuite de ce document a déjà des conséquences politiques. D’autant que nous sommes à quelques mois des élections de mi-mandat. Le président Joe Biden a déjà exprimé sa préoccupation et demandé aux Américains de s’exprimer dans les urnes en novembre prochain en faveur du maintien du droit à l’avortement, en votant pour des candidats démocrates au Congrès.
Bref, ce sujet qui électrise déjà l’ambiance aux États-Unis sera un débat juridique, sociétal et politique majeur dans les semaines à venir, en attendant l’arrêt définitif de la Cour suprême, en juillet.
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