Premier cessez-le-feu depuis le déclenchement de l’invasion russe en février 2022. Cette trêve demandée par Moscou, au nom du Noël orthodoxe célébré dans les deux pays ennemis, est-elle réelle ou tactique ?

« Vladimir Poutine ne cherche qu’un peu d’oxygène » C’est par ce commentaire lapidaire que le président américain Joe Biden a accueilli cette annonce très inattendue d’un cessez-le-feu de 36 heures, Washington, le meilleur allié de l’Ukraine et véritable base arrière du conflit, laissant entendre que l’armée russe était en quelque sorte à bout de souffle.
C’est Kirill de Moscou, en personne, le patriarche de toutes les Russies qui en a fait la demande, exhortant les chrétiens orthodoxes des deux côtés de la frontière à « assister aux cérémonies religieuses de la veille et du jour de Noël ». Sans grande surprise, Kiev a aussitôt rejeté le cessez-le-feu venant d’un pays qui a déclenché une invasion de son territoire il y a onze mois, d’autant que les bombardements se poursuivaient vendredi dans le Donbass à Bakhmout et Kramatorsk.
Mais le rejet tient certainement aussi à la personnalité et à l’engagement du chef religieux orthodoxe. Car le patriarche Kirill, Vladimir Goundaïev de son vrai nom, fait non seulement partie du premier cercle de la présidence russe, mais il est aussi un ancien membre du KGB, la redoutable police politique de l’ère soviétique, où il a d’ailleurs noué les premiers contacts avec Vladimir Poutine. C’est lui encore qui, en mars dernier, en pleine offensive sur Kiev, évoquait un combat métaphysique contre les forces du mal tout en bénissant les troupes russes. On l’aura compris, l’artifice religieux a fait long feu et cette trêve restera donc unilatérale jusqu’à son expiration samedi soir.
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Il est vrai que cette demande de Moscou intervient à un moment que l’on peut qualifier de critique pour l’armée russe. L’opération militaire spéciale sur l’Ukraine par Moscou devait durer trois jours. Mais elle va dans quelques semaines entrer dans sa première année. En mars 2022, l’offensive avait permis à la Russie de contrôler presque un quart du territoire ukrainien, mais la situation s’est figée, sur fond d’échecs stratégiques du Kremlin, mais aussi et surtout grâce à la formidable dynamique des contre-offensives ukrainiennes au printemps 2022. Aujourd’hui, Moscou ne contrôle plus que 16% de l’Ukraine, selon les experts militaires du Pentagone. L’armée russe ne stagne plus, elle recule.
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C’est dans ce contexte de potentiel renversement de situation que l’aide militaire occidentale est en train de passer un cap. Lors de sa visite historique à Washington le 21 décembre dernier, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait obtenu le salut avec la livraison du système de missiles Patriot, véritable tournant pour Kiev dans sa capacité à protéger son espace aérien et ses infrastructures contre les tirs de missiles russes, cibles privilégiées pour plonger des millions d’Ukrainiens dans le froid et la nuit.
Mais le camp occidental est désormais dans une logique de soutien de moins en moins timoré ou ambigu, semblant enfin libéré de la crainte de l’escalade avec Moscou. Aussi la France a-t-elle annoncé la livraison de ses premiers chars légers à l’Ukraine, alors qu’Allemands, Anglais et bien entendu Américains s’apprêtaient à fournir des véhicules blindés de plus en plus lourds avec une nouvelle enveloppe de trois milliards de dollars de soutien militaire cette semaine, dernière étape avant l’octroi de chars d’assaut, comme le prédisent beaucoup d’analystes.
Si ces marques de solidarité avec L’Ukraine sont autant de mauvaises nouvelles pour Vladimir Poutine et son état-major de plus en plus critiqué dans l’opinion russe, l’imminence d’une nouvelle offensive d’envergure appuyée par une réserve de 200 000 soldats, sans doute pour dans quelques semaines constituerait l’ultime coup de poker d’un président que les services de renseignement ukrainiens disent gravement malade.
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