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Deux ans après le coup d’État militaire, la Birmanie au bord du gouffre

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Les dernières nouvelles de Birmanie ne sont pas bonnes : ce grand pays d’Asie du Sud-Est, qui a connu une séquence démocratique prometteuse de dix ans, est aujourd’hui sous le joug des militaires, quasiment en guerre civile et aucun indicateur ne permet d’envisager une quelconque sortie de crise.

Parade militaire à l'occasion des 75 ans de l'indépendance de la Birmanie, le 4 janvier 2023 à Naypyidaw.
Parade militaire à l'occasion des 75 ans de l'indépendance de la Birmanie, le 4 janvier 2023 à Naypyidaw. © AP/Aung Shine Oo
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La Birmanie de l’année 2023 est à l’image de son icône déchue : Aung San Suu Kyi, dissidente héroïque et prix Nobel de la Paix, arrivée au pouvoir dans un pays enfin démocratique après un demi-siècle de dictature et qui replonge, en une nuit, dans l’horreur de la répression. Au terme d’un simulacre de procès de 18 mois devant des tribunaux militaires, Aung San Suu Kyi a été condamnée à plusieurs dizaines d’années de prison pour une multitude d’invraisemblables griefs, elle, qui est âgée de 77 ans et qui a déjà passé près de vingt ans de sa vie en réclusion.

Autant dire que le peuple birman ne reverra jamais vivante l’héroïne nationale, fille du fondateur de la Birmanie moderne. Oui, le pays est l’image de son icône, c’est-à-dire, écrasé, réduit au silence, submergé par la loi martiale et par la fuite en avant du général putschiste Min Aung Hlaing qui a lancé l’armée birmane à l’assaut de son peuple pour faire taire toute contestation. 

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Une contestation muselée avec une incroyable brutalité, mais qui s’organise clandestinement dans tout le pays

Le pays a renoué avec ses vieux démons dictatoriaux : plus de cinq mille morts civils aux quatre coins de la Birmanie depuis le 1er février 2021, près de 17 000 prisonniers politiques jetés dans les geôles birmanes et des centaines de milliers de déplacés internes dans les zones ethniques et de dissidents forcés à l’exil... Mais la Tatmadaw, l’armée birmane, ne vient pourtant pas à bout d’une nation tout entière qui a décidé de ne pas plier, menée par une jeune génération qui a connu quelques années d’émancipation démocratique et refuse tout retour en arrière.

Aussi, malgré l’isolement du pays et l’effarant manque de soutien concret de la communauté internationale, la résistance tient bon et mobilise. Sur le front politique, le gouvernement parallèle composé d’anciens élus entrés en clandestinité multiplie les actions diplomatiques pour sortir le pays de l’oubli. Sur le terrain, la Force de Défense Populaire, composée de rebelles ethniques et d’activistes qui ont pris les armes, multiplie les attaques dans les villes et les campagnes pour déstabiliser le pouvoir militaire qui compterait des milliers de pertes et voit un taux de désertion en pleine augmentation.

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La junte birmane peut compter sur le soutien d’alliés de taille comme la Chine et la Russie

Les généraux putschistes birmans seraient, qui sait, déjà renversés sans la participation active du voisin et parrain chinois et sans l’aide militaire de Moscou, déterminante sur la question des technologies de renseignement, mais aussi, et surtout, avec la livraison d’hélicoptères de combat et d’avions de chasse, redoutables dans les zones frontalières défendues par les guérillas ethniques. Plusieurs bombardements, sur des écoles notamment, ont d’ailleurs fait des dizaines de victimes parmi les populations locales. 

La Birmanie, hier saluée pour son miracle démocratique et visitée par des millions de touristes, est revenue aujourd’hui aux heures noires de la dictature militaire, autarcique, plus lointaine et isolée que jamais.

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