Propos d’Emmanuel Macron sur le «suivisme» vis-à-vis de Washington: fondés ou erronés?
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Emmanuel Macron a suscité beaucoup de réactions en estimant que les Européens ne devaient pas être suivistes des États-Unis, notamment en ce qui concerne Taïwan. A-t-il commis une erreur avec ces propos ?

La réponse est oui sur la forme et non sur le fond. Sur la forme, les propos du chef de l’État dans l’avion qui le ramenait de Pékin étaient, au mieux maladroits, au pire offensants pour les États-Unis, notamment. Car ils semblaient, d’une part, mettre sur le même pied les responsabilités de Washington et de Pékin sur le dossier taïwanais, et d’autre part, ils réaffirmaient avec force que « l’autonomie stratégique de l’Europe », concept cher au président français, interdisait toute forme de suivisme des Européens sur Washington. Sous-entendu, notamment, en cas d’attaque américaine contre des troupes chinoises qui auraient décidé de s’emparer par la force de l’île que Pékin considère comme étant une de ses provinces et devant donc réintégrer le giron de la seule et grande Chine.
Cette dernière affirmation a créé des remous cette fois parmi certains pays de l’UE, notamment les pays d’Europe centrale et orientale, qui refusent de remettre en cause le parapluie américain qui leur assure une protection diplomatique et surtout militaire.
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Maladresse ou provocation, aggravée par le moment choisi pour tenir ces propos : de retour de Chine donc, comme si Emmanuel Macron donnait quitus à Pékin de son positionnement sur Taïwan et alors que débutait l’impressionnant déploiement militaire chinois autour de Taïwan - en riposte à la rencontre en Californie de la présidente taïwanaise et du président de la Chambre des représentants américaine.
Maladresse, mauvais timing, mais sur le fond, le chef de l’État a-t-il tort ?
La réponse dépend de la conception que l’on a de la souveraineté des États occidentaux par rapport aux États-Unis : alignement total, suivisme systématique ? Ou bien appartenance au camp occidental, certes dominé par Washington, mais avec le respect des différences et des choix stratégiques des uns et des autres ?
Emmanuel Macron opte clairement pour la seconde option. Oui, la France appartient bien au camp des démocraties occidentales, elle en est même l’un des éléments les plus importants, et donc la loyauté est là. Mais cette loyauté doit être réciproque - et pas seulement de façon unilatérale, ce qui veut dire que les États-Unis doivent, eux aussi, être loyaux envers leurs alliés. Et Paris est bien placé pour savoir que ce n’est pas toujours le cas.
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Comme l’a résumé ensuite le chef de l’État : allié oui, vassal non. Et si la France fait régulièrement entendre sa différence, quel que soit le locataire de l’Élysée, c’est parce que depuis 1945, sous l’effet notamment du général de Gaulle, elle se bat pour conserver son rang, non plus de grande puissance, mais de puissance moyenne à rayonnement international, qui est l’un des 5 membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, et qui est dotée de l’arme nucléaire.
À ces titres, elle estime devoir porter une voix indépendante - pour elle et pour l'Europe, pour ne pas devenir une zone de non-pouvoir entre la Chine, la Russie, et les États-Unis. De ce point de vue, les positions du président français, sur le fond, ont donc une indéniable cohérence.
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