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L’opposition turque peut-elle remporter l’élection présidentielle?

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L’élection présidentielle en Turquie qui se déroule ce dimanche 14 mai pourrait voir la victoire de la coalition d’opposition emmenée par le vétéran Kemal Kilicdaroglu, ce qui mettrait un terme à la domination de Recep Tayyip Erdogan à la tête du pays depuis 20 ans. Quels sont les atouts du leader de l’opposition turque pour espérer l’emporter dans cette élection présidentielle ?

Le scrutin présidentiel en Turquie se joue entre Recep Tayyip Erdogan et Kemal Kilicdaroglu.
Le scrutin présidentiel en Turquie se joue entre Recep Tayyip Erdogan et Kemal Kilicdaroglu. © AP/Emrah Gurel
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Le principal atout de Kemal Kilicdaroglu dans cette élection présidentielle cruciale pour l’avenir de la Turquie, c’est qu’il incarne l’anti-Erdogan. Or, ce scrutin s’est transformé en un référendum pour ou contre Recep Tayyip Erdogan. Monsieur Kilicdaroglu a d’abord réussi à s’imposer face à des personnalités plus en vue que lui, comme le maire d’Istanbul ou celui d’Ankara. Il a ensuite réuni autour de lui une composition hétéroclite de six partis politiques.

Autour de cette « table des Six », comme on la surnomme, on trouve en effet des formations conservatrices, nationalistes ou islamistes - qui ont donc surmonté leurs divergences. Il a aussi eu le courage de révéler son appartenance à la minorité chiite alévie, victime de discriminations en Turquie et qui représente plus de 15 % des 85 millions de Turcs. Et enfin, il a obtenu il y a quelques jours le soutien du principal parti pro-kurde, le HDP. Un exploit quand on connaît l’histoire compliquée des relations entre le CHP, le parti laïque et républicain du candidat de l’opposition, et le mouvement kurde. Cette élection s’annonce donc comme la plus indécise et la plus importante de l’histoire moderne de la Turquie.

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Serrer les dents, serrer les rangs

Face à cette mobilisation de tous ceux qui veulent se débarrasser de lui, Erdogan serre les dents, et demande à ses soutiens de serrer les rangs. Jusqu’à la dernière minute, il a multiplié les meetings. Il se fait de plus en plus agressif à l’encontre de ses adversaires. Il se bat comme un vieux lion, qui parfois ne peut cacher sa fatigue, comme lors de cette intervention où il devient blême, disparaît de l’écran et réapparaît en disant qu’il est victime d’une grippe intestinale. Et il défend son bilan, qui pourtant est plus que mitigé : une économie en berne, avec une inflation très forte et une monnaie qui a littéralement dégringolé, la livre turque perdant plus de 400 % de sa valeur en quelques années. Sans compter les affaires de corruption et la gestion du terrible séisme du 6 février dernier, une gestion jugée insuffisante et tardive.

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La partie s’annonce donc difficile pour Erdogan, d’autant que son opposant promet une mise à plat de l’économie, le retour à l’État de droit et aux pouvoirs du Parlement, largement rognés par la révision constitutionnelle de 2017 qui a présidentialisé le régime.

Des différences sur la politique internationale

Il y a enfin la politique étrangère où là aussi le candidat de l’opposition veut marquer sa différence. Avec deux mots d’ordre : en cas de victoire, il s’agirait d’améliorer les relations avec l’Occident, et de mettre un terme à la politique interventionniste du président sortant - en Syrie ou en Libye notamment.

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Avec l’Union européenne, l’apaisement serait donc au rendez-vous, avec peut-être une reprise des négociations d’adhésion de la Turquie. Et plus certainement un allégement de la politique de visas pour les Turcs souhaitant se rendre en Europe, et un renforcement de la coopération douanière. Mais il resterait des points d’achoppement, en Méditerranée orientale ou à propos de Chypre. Nous n’en sommes pas là. Il faut d’abord remporter la victoire à la présidentielle et aussi aux élections législatives organisées en même temps.

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