Dans le cadre de notre série de l’été sur « les métiers perchés », direction les plantations de cocotiers du sud de la Thaïlande. Pour récolter les noix de coco au sommet des arbres, ce sont des ouvriers d’un genre un peu spécial qui se mettent à l’ouvrage : des singes, formés à ce travail par les humains, depuis des siècles.

De notre envoyée spéciale à Surat Thani
Faire tomber les noix de coco des branches les plus hautes du cocotier, c’est le travail de Ling Gé, un jeune macaque qui porte une longue laisse et une clochette autour du cou. Il effectue cette tâche depuis plus de deux ans déjà. C’est son maître, Somneuk, qui le lui a enseigné.
« D’abord, je lui apprends à faire tourner la noix de coco comme ça : main droite, main gauche. On tourne toujours dans un seul sens jusqu’à ce qu’elle se décroche et tombe, indique Somneuk. Lui, c’est un singe très intelligent, ça n’a pas été difficile de lui apprendre. Je lui montre, il m’imite tout de suite. »
À Surat Thani, dans le sud de la Thaïlande, les cultivateurs utilisent des singes depuis des siècles pour récolter les noix hors de portée des perches. Plusieurs « écoles de singes » proposent même de former des macaques gratuitement avant de les rendre à leurs propriétaires. Les singes les plus doués peuvent avoir parfois une carrière au cinéma.
Suriya forme des singes depuis qu’elle est adolescente. Pour elle, ce n’est pas une exploitation de l’animal, mais plutôt une relation d’entraide entre les espèces. « C’est une relation très forte entre l’homme et son animal. Au début, il nous aime comme une créature de son environnement, qui lui donne de la nourriture, explique Suriya. Et peu à peu, on établit une relation de maître à élève. Ce n’est pas trop difficile d’enseigner à un singe, ça dépend du singe, il y en a des plus rapides que d’autres, mais c’est sûr qu’il faut beaucoup de patience avec l’animal, répéter souvent les mêmes gestes, pendant longtemps. Parfois, c'est difficile, mais avec beaucoup de patience et de volonté, on peut y arriver. »
« On fait ça pour se nourrir »
Des voix internationales se sont élevées pour dénoncer ce qui est jugé comme une maltraitance animale, mais sur le terrain, les petits cultivateurs n’ont pas accès aux fonds nécessaires pour acquérir des machines. Il n’y a donc pas pour eux de réelles alternatives.
Mani, un petit propriétaire de singes, rappelle qu’il s’agit surtout de nourrir sa famille. « C’est très bien que les singes puissent nous aider à faire ce travail, parce que sinon, les noix les plus hautes, on ne pourrait pas les manger. On fait ça pour se nourrir. Par ici, on a besoin de la coco pour manger équilibré. Certains singes aiment bien la compagnie des humains, depuis toujours. Ils ne peuvent pas parler, mais ils comprennent ce qu’on leur dit, ils ont des capacités. »
Mais certaines associations de protection des animaux ont appelé au boycott des produits thaïlandais depuis quelque temps, provoquant un vent de panique chez les industriels, si bien que le ministre du Commerce Jurin Laksanawisit a dû rappeler lors d’une conférence de presse que l’usage des singes dans l’industrie était marginal.
« L’usage des singes, c’est une tradition thaïlandaise, que certains cultivateurs montrent aux touristes pour les amuser, mais ensuite ces photos circulent et on a l’impression que c’est toute l’industrie qui fonctionne comme ça. Ce n’est pas le cas, a affirmé le ministre. J’invite nos partenaires étrangers à venir visiter les plantations de cocotiers et à voir que toutes les plantations importantes utilisent des machines. L’usage des singes se fait à échelle artisanale, pas industrielle. Il faut voir le contexte pour comprendre. »
En l’absence de programme public d’investissement pour aider les petits cultivateurs à acheter des machines, et afin d’éviter de risquer des vies humaines, les singes du sud de la Thaïlande continueront à monter au sommet des arbres pour faire tomber les noix de coco.
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