Les murs du monde

Royaume-Uni: la préservation du mur d’Hadrien

Publié le :

C’est un mur qui traverse le Royaume-Uni d’ouest en est à la frontière entre l’Angleterre et l’Ecosse. Le mur d’Hadrien, construit par l’armée romaine il y a près de 2 000 ans. Aujourd’hui c’est un paradis pour les archéologues. Une douzaine de sites touristiques s’y consacrent. Mais le dérèglement climatique pourrait menacer ce trésor.

Vestige du mur d'Hadrien, patrimoine de l'Unesco, près de Housesteads.
Vestige du mur d'Hadrien, patrimoine de l'Unesco, près de Housesteads. © Steven Fruitsmaak/wikimedia.org
Publicité

Le mur d’Hadrien, ancienne fortification militaire de 120 km de long, est aujourd’hui enterré sous des champs, dans les tourbières anglo-écossaises, superbement conservé grâce à un subtil équilibre d’eau et d’oxygène dans le sol.

Andrew Birley, l’archéologue en chef du site de Magna, a les yeux qui brillent face aux vestiges : « Le mur d’Hadrien recouvre une surface très vaste. Les gens qui y vivaient formaient un groupe incroyablement divers, qui venaient de partout dans l’Empire, qui l’ont occupé pendant des siècles. Toutes les frontières sont riches d’enseignement sur l’humanité à telle ou telle période de l’Histoire. Tout cela peut nous aider à mieux comprendre d’autres zones frontalières, d’autres communautés. Il faut le voir comme un coffre au trésor, nourri par des centaines de milliers de personnes pendant des centaines d’années. »

« Quand vous perdez le bois, vous perdez tout »

Mais depuis quelques années, la tourbière s’assèche : conséquence du dérèglement climatique. « Ici, le niveau du sol a baissé. Sur le site voisin, à Vindolanda, on voit des forts romains entiers, bâtis en bois, qui disparaissent...  Les poutres se sont détériorées si vite qu’elles laissent des tunnels d’air qui amènent de l’oxygène, des minéraux, des bactéries au sein des vestiges enfouis. Et quand vous perdez le bois, vous perdez tout ce qui est documents, tablettes d’écriture,etc. Cela fait vraiment peur », regrette l’archéologue qui ne peut que constater les dégâts. 

Et d'ajouter : « Et j’ai beau dire "vous voyez, je n’ai plus trouvé de textile depuis 5 ou 6 ans. Sur les 10 années précédentes, j’en trouvais 40 à 60 par an !" On me répond "Oh, vous n’avez pas de chance". Mais je crains que ce ne soit pas une question de chance. »

Alors, pour prouver cette intuition que le réchauffement de la planète menace les vestiges, depuis un an et demi, au milieu des champs, un drôle d’engin a rejoint le site : un petit robot d’un mètre de haut sur deux de large que tout le monde ici surnomme affectueusement Wall-E, en hommage au personnage de Disney.

« Nous voulions avoir une image précise de ce qui se passe ici : la pluviométrie, le vent avec le capteur à droite. Il y a aussi des sondes souterraines ou un capteur d’humidité. Celui-là mesure le PH. Dans l’idéal, les tourbières sont bien acides. On mesure aussi l’oxygène, qui doit être faible pour ne pas menacer les vestiges. En tout, on prend 50 000 mesures par an. Toutes les 15 minutes, le robot envoie des données à notre base », explique le Dr. Gillian Taylor, professeur de chimie analytique, qui supervise la machine.

« Nous ne pourrons jamais tout sauver, c’est impossible »

De temps en temps, sa montre connectée s’emballe. Un mouton planté devant les panneaux photovoltaïque fausse les mesures. Wall-E doit travailler pendant dix ans, financé par le trust archéologique : « Il nous faut récolter ces données pour savoir quelles stratégies mettre en place pour minimiser les dégâts. Sans données, on ne peut pas planifier. Si on parvient à savoir exactement ce qui se passe sur ce site, peut-être qu’on peut le transposer à d’autres sites : que faut-il mesurer, d’un point de vue chimique, d’un point de vue climatique ? Et aussi, comment montrer à ceux qui n’y croient pas que le dérèglement climatique a un impact ? »

Avec les données récoltées, l’archéologue et la chimiste espèrent influencer la prise de décisions législatives et archéologiques. Mais Andrew Birley ne se fait pas d’illusion. « Nous ne pourrons jamais tout sauver, c’est impossible. C’est trop vaste ! Il y a trop de choses ! Il faut donc qu’on développe des stratégies, qu’on se demande « que voulons-nous vraiment découvrir ? » et aller chercher cela. Les vestiges archéologiques, une fois qu’ils sont détruits, c’est fini, avec tout ce récit collectif de notre Histoire. C’est comme un carton de photos dans un grenier : s’il y a une fuite dans le toit et que le carton prend l’eau, tous ces souvenirs sont détruits. Que voulons-nous sortir du grenier ? », s'interroge-t-il.

À quelques mètres de Wall-E, de nouvelles fouilles viennent de débuter pour mettre à jour un fortin de défense. 2 000 ans après le départ des Romains de l’île de Bretagne, le mur de l’empereur Hadrien continue de révéler ses secrets.

À lire aussiLes autres épisodes de notre série sur les murs du monde

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI