Les murs du monde

Espagne: «El Muro» à Gijon, un lieu emblématique de promenade

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« El Muro », le Mur, c’est ainsi que les habitants de Gijon, ville du nord des Asturies, ont baptisé le front de mer de près de 2 km, devenu un lieu emblématique de promenade. Construit il y a plus d’un siècle pour freiner les fortes vagues, le Mur est devenu un lieu de cohésion pour les habitants mais son usage est aussi sujet de polémique comme c’est le cas depuis ces dernières années.

« El Muro », le Mur, c’est ainsi que les habitants de Gijon, ville du nord des Asturies, ont baptisé le front de mer de près de 2 km, devenu un lieu emblématique de promenade.
« El Muro », le Mur, c’est ainsi que les habitants de Gijon, ville du nord des Asturies, ont baptisé le front de mer de près de 2 km, devenu un lieu emblématique de promenade. © Getty Images - Driendl Group
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Son nom n’apparaît officiellement sur aucune carte mais ici à Gijon, tout le monde désigne cette promenade maritime, cette rambla des Asturies, comme el Muro, le Mur. En forme de coque, ce mur délimite la zone urbaine de la vaste plage de San Lorenzo sur près de deux kilomètres. Il a été construit au début du siècle dernier, avec des pierres de granit sombre, pour empêcher les tempêtes de la mer de Cantabrie de s’abattre sur la vieille ville. Elena, âgée de 70 ans, vit à quelques encablures de la plage et comme la majorité des habitants du coin, le Mur est son lieu de promenade favori. « Le Mur, c’est la promenade la plus typique de Gijon, ici il y a une expression qui dit descendre le mur, monter le mur, j’y passe toute ma journée », dit-elle.

Fouetté par le vent du nord-est, le Muro brasse les populations. Touristes, résidents des zones chics et ouvriers du port industriel s’y retrouvent le temps d’une ballade comme l’assure Elena. « Moi je pense qu’il y a une belle palette de personnes de différents horizons, des niveaux socio-économiques variés. Les personnes âgées côtoient les jeunes, tout le monde s’y retrouve, c’est pour moi de loin l’endroit le plus remarquable de Gijon ». 

C’est aussi l’avis d’Hector Blanco, historien et urbaniste à Gijon. Assis sur les marches de l’escalona, le grand escalier double qui descend à la plage et qui vient tout juste de célébrer son 90e anniversaire, cet asturien voit en le Muro un élément unificateur. « Tout est uni, le Mur sert de lien entre l’espace naturel de la plage avec la zone urbaine: c’est une zone de mélange, de connexion, de relation entre les gens ». 

Un lieu de rassemblement qui est pourtant devenu ces derniers temps un sujet de discorde au sein de la population comme le regrette Elena. « Dernièrement, il y a eu des polémiques s’il fallait rendre piéton les voies automobiles, on a eu des désaccords au sein de la société entre les cyclistes aussi, personne n’était d’accord ». 

Avec la pandémie du Covid, les autorités locales, dirigées à l’époque par les socialistes ont décidé d’agrandir l’espace dédié aux piétons en supprimant deux voies pour automobiles. La piste cyclable fut agrandie et on créa une voie pour les joggeurs et patinettes. Mais ce projet de mobilité urbaine écologique se heurta à la colère d’une certaine classe sociale aisée de la population, qui ne pouvait plus utiliser sa voiture pour se rendre au bord de la mer. L’affaire a très vite pris une tournure politique comme le rappelle l’historien Hector Blanco. 

« Cela est devenu un outil de politique. Une certaine partie de la société a recouru à la justice pour dénoncer le projet en accusant la municipalité d’être totalitaire et d’agir contre le bien être de la population alors que cela n’était pas vrai. Seulement une petite partie des citoyens était contre. Mais ici, c’est un peu normal ce genre d’attitude, toute décision urbanistique quoiqu’elle soit ou projet public provoque des désaccords au sein de la population locale, des frictions et même si nous sommes du nord, on vit avec passion ces désaccords. Or ce qui est dommage est que cette polémique a été vécue avec plus de haine cette fois, car elle a été récupérée comme argument par les partis politique »

L’usage du Muro a occupé le centre des débats de la campagne aux élections municipales de mai dernier. La droite alors dans l’opposition aux côtés de Vox, parti d’extrême droite négationniste du changement climatique, a fait du retour des quatre voies pour automobiles le principal argument de son programme. Quelques semaines après leur victoire, la droite avec le parti Vox en coalition mettaient en œuvre leur promesse électorale. Des machines ont envahi début juillet le Mur, faisant disparaitre les pistes cyclables et celles des joggeurs sous le regard consterné d’une partie de la population, qui trouvait refuge en contrebas du Mur, seule espace encore préservé dédié à la plage

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