Les murs du monde

États-Unis: à Baltimore, le mur des ségrégations enfin détruit

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Notre série d’été sur les murs du monde nous emmène aujourd'hui aux États-Unis. L’histoire de la ségrégation contre les Noirs américains est bien connue. À Baltimore, un stigmate de cette histoire, un mur de séparation, a disparu il y a quelques semaines seulement.

Pendant 80 ans, ce haut mur de briques rouges séparait la Morgan State University du quartier résidentiel et des commerces voisins.
Pendant 80 ans, ce haut mur de briques rouges séparait la Morgan State University du quartier résidentiel et des commerces voisins. © Morgan State University
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Les engins et les ouvriers s’activent sur un chantier paysager près d’un parking de Morgan State University, une université historiquement noire de Baltimore, dans le Maryland. On peut apercevoir les maisons d’un quartier résidentiel. Cela n’a l’air de rien, mais c’est une vraie nouveauté.

Pendant 80 ans, il y avait là un long et haut mur de briques rouges. Le quartier était tout simplement invisible aux étudiants et pendant de longues années, ses commerces leur étaient inaccessibles, car le voisinage n’acceptait pas leur installation : « Les associations des quartiers qui entouraient Morgan ont fait tout ce qui était légalement possible pour nous expulser et annuler la vente du terrain, témoigneEdwin Johnson, historien à Morgan State University. Comme elles n’ont pas réussi à le faire, la deuxième chose a été de se séparer de nous et donc ils ont créé une barrière pour nous contrarier. De l’autre côté de ce mur, selon le Baltimore Sun et d’autres journaux de l’époque, il y avait une communauté blanche, chrétienne et civilisée qui ne devait pas être touchée ou affectée par des Afro-américains, qui selon eux amenaient la tuberculose, le choléra, des rats, des araignées, des souris, tout ce que vous voulez… »

Destruction du « spite wall »

À l’époque, c’est déjà illégal. Sauf que la loi n’est pas appliquée. Les étudiants de Morgan State se lancent alors dès les années 1940 dans des manifestations. Ils exigent de fréquenter les restaurants, les boutiques et le cinéma du quartier. Cela durera jusqu’au milieu des années 1960, quand le mouvement des droits civiques mettra fin à tout ça. Les étudiants ont gagné. Mais comme une balafre, le mur reste. Jusqu’à ce que cette histoire soit documentée, qu’une prise de conscience s’opère et qu’une décision soit prise.

Le 11 avril dernier, le « spite wall », le mur de la contrariété ou de la vexation est abattu. Sous les yeux des habitants d’un quartier devenu bien plus divers au fil du temps et du président de l’université David Wilson : « J’ai senti que la haine était enfin détruite, symboliquement. Et que la guérison prenait place. Jétais rempli de joie que les membres de la communauté de Morgan et moi-même n’aient plus à traverser ce campus tous les jours en ayant ce symbole de haine qui les domine comme un soleil brûlant. »

Ne pas oublier

Un petit morceau du mur est préservé, pour des raisons mémorielles : « L’une des pires choses qui pourraient arriver, ce serait qu’un étudiant arrive sur le campus de Morgan à l’automne 2023 et qu’il voit tous ces beaux bâtiments ultramodernes à la pointe de la technologie, ces bâtiments qui sont en train de pousser là… Et qu’il imagine faussement que c’est arrivé comme ça, explique Edwin Johnson. Non ! Des gens se sont battus pour ça. Il y a des gens qui sont allés en prison pour ça. Il y a des gens qui, à cause d’un casier judiciaire, n’ont pas pu mener leur carrière professionnelle parce qu’ils ont voulu se battre et faire ces sacrifices pour tout cela puisse exister aujourd’hui. »

Les plus de 9000 étudiants de Morgan State University n’auront pas d’excuse pour l’oublier. Cette histoire est retracée dans une exposition permanente sur le campus.

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