Les murs du monde

Les murs au Mexique: un mouvement foncièrement artistique

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Au Mexique, on a fait des murs un véritablement mouvement artistique. Le muraslime a surgi juste après la révolution mexicaine, sous les pinceaux d’un groupe de peintres intellectuels et artistes célèbres comme Diego Riviera, David Alfaro Siquieros ou José Clémente Orozco. Dans les années 1920, le Mexique sort doucement d’un passé agité par une décennie révolutionnaire. Le pays a besoin de s’unifier et reconstruire son identité nationale. Le ministre de l’Éducation publique de l’époque, José Vasconcelos, cherche alors un moyen de s’adresser au peuple mexicain, dont une partie importante ne sait pas lire. Il charge donc des jeunes artistes d’écrire leur vision et l’histoire sur les murs du pays.

Muralisme au Mexique : la Gran Ciudad de Tenochtitlan par Diego Rivera, Palais national de Mexico, 1945.
Muralisme au Mexique : la Gran Ciudad de Tenochtitlan par Diego Rivera, Palais national de Mexico, 1945. © Diego Rivera /wikimedia.org
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L’œuvre maîtresse de Diego Rivera, sa plus grande, est connue sous le nom d’« Épopée du peuple mexicain ». Et comme s’il s’agissait d’un codice préhispanique, on la lit de droite à gauche. « Spectaculaire ! C’est notre histoire ! », apprécie-t-on.

Au cœur du Palais national à Mexico, Claudia Rosalez guide les visiteurs à travers les colonnes de l’escalier principal. La fresque du célèbre peintre mexicain, commencée en 1929, écrit à travers des dizaines de scènes colorées et plus de 200 personnages une histoire complète du Mexique, depuis les temps anciens jusqu’aux modernes, et les grands événements comme la Révolution.

« C’est une guerre qui a eu lieu à cause de la dictature de Porfirio Diaz. On peut le voir avec ses plusieurs médailles sur le torse, le drapeau tricolore. Et de l’autre côté à droite, il y a les révolutionnaires. À votre avis qui est l’homme avec un costume noir, la moustache et la barbe noire… ? »

« -  Madero ? »

« Exact, Francisco Madero, qui a initié le mouvement de la révolution mexicaine. En dessous de lui, on voit un autre homme avec la barbe blanche, des lunettes et le drapeau tricolore... ? »

« - Venustiano Carranza ? »

« Oui, c’est un personnage important : c’est en partie grâce à lui que nous avons notre constitution actuelle : celle de 1917. »

Tout autour du patio central, d’autres œuvres murales de Rivera décrivent des scènes de la vie quotidienne préhispanique. Une manière de participer à la reconstruction culturelle du Mexique, explique la conservatrice du Palais, Carmen Saucedo :

« Ce modèle, créé ici par Diego Riviera, se réplique à son tour dans les autres monuments gouvernementaux du pays. Il y a des artistes locaux qui émergent, et dans d’autres États, ils font leurs propre muraux en racontant en plus de l’histoire nationale, les histoires locales. »

En sortant du palais présidentiel, il suffit de traverser la place animée du Zocalo pour revenir aux origines du muralisme. Le collège San Idelfonso a accueilli toute cette génération de jeunes artistes : Rivera, Orozco, Siquieros, Charlot… L'ancienne école a été le cœur de l’effervescence cultuelle des années 1920, et ses murs en portent la trace.

« Le muralisme, non seulement au Mexique mais aussi dans le monde, a été une nouvelle forme d’expression. Il était question de sortir des musées, des maisons, s’approprier les villes et les rues… Il s’agissait de faire une peinture publique, non pas une peinture de chevalet qui aurait décoré les maisons de la bourgeoisie, mais bien une peinture pour le peuple. »

Selon Carmen Tostado, la coordinatrice des lieux, les muralistes n’ont eu de cesse de chercher les sources de l’identité mexicaine. En plus des arts préhispaniques et coloniaux, le mouvement puise ses racines dans la peinture populaire :

« Les peintures, des bars et des commerces. Et ces trois arts sont des inspirations pour eux. »

Et e muralisme continue de vivre. Entre les murs du collège, l’artiste Dyg Nojoch, originaire du Chiapas, peint depuis des semaines une œuvre au trait noir et quelques détails de couleur qui débordent sur le sol et le plafond :

« Je sens que la peinture murale est plus libre. Tu ne restes pas coincé entre quatre coins. Un mur est une barrière, une frontière, mais si tu y peints quelque chose, il peut devenir une fenêtre, donc tu brises le mur et ouvre une porte dans le mur. »

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