Les ports du monde

Les grands paquebots bannis du centre de Venise: un an après, quel bilan?

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RFI vous propose tous les matins de ce mois d'août un tour du monde des ports. Première escale : Venise. Il y a un an, jour pour jour, entrait en vigueur un décret-loi interdisant les paquebots de plus de 25 000 tonnes dans le bassin de Saint-Marc et le canal de la Giudecca. Il est donc impossible pour 95% des croisières d'accoster directement dans la cité des Doges.

Le quai du Terminal Vecon géré par PSA Venice  à Marghera un jour sans croisière, le 15 juillet 2022.
Le quai du Terminal Vecon géré par PSA Venice à Marghera un jour sans croisière, le 15 juillet 2022. © RFI/Pauline Gleize
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Les croisiéristes défilent entre le port de la Marittima et le centre historique de Venise auquel il est accolé. Pourtant, pas de grands paquebots en vue. Les passagers ne viennent plus ici que pour une partie des contrôles et être acheminés jusqu'au navire en bus ou en vaporetto.

Une nouveauté pour Donata. « Avant, nous partions directement d'ici. Maintenant, malheureusement le port n'est plus là. Nous, nous avons vu Venise, splendide, du haut du paquebot, mais on peut faire un petit sacrifice pour protéger Venise », concède-t-elle. D'autres vacanciers sont plus mitigés. « Ce n’est pas trop compliqué, ça prend plus de temps. Le fait d’arriver dans un port de commerce, ça fait bizarre, mais bon, c'est original ! », tente de positiver une touriste française.

Une gestion délicate

Ce port, c'est celui de Marghera, situé en face de Venise. PSA Venice, la branche locale d'un groupe qui administre des ports de commerce, gère ce terminal. Ricardo Vianello, responsable commercial, nous guide d'ailleurs le long de piles de caissons métalliques. Peu d'indices laissent présager que le terminal Vecon accueille des paquebots.

« Normalement, ils ne restent qu'une journée. Ce n'est pas très contraignant en terme d'occupation des quais. Ça l'est un peu plus en ce qui concerne la gestion de la cohabitation, note le responsable. Là, nous sommes arrivés sur notre quai, on voit une opération de déchargement de certains conteneurs et sur ce même quai, vers là-bas, il y a l'espace que l'on dédie aux croisières. »

Un quai long, mais unique et grand ouvert sur le dédale de conteneurs. « En ce moment, c'est ouvert, car jusqu'au vendredi, on est à 100% terminal de conteneurs, poursuit Ricardo Vianello. Demain, on sera 50% port commercial et 50% port de croisières. Ce soir à 18h, les gars "switchent". Ils activent la modalité "port de croisières" et ils installeront un mur de conteneurs sur ces lignes rouges que l'on a vu au sol, un mur de séparation entre les deux terminaux ».

Malgré quelques inquiétudes initiales, PSA Venice assure que ses clients originels ne souffrent pas de cette cohabitation. Le terminal reste avant tout un port de commerce. Les croisières ne sont qu'un complément. « Si je pouvais remplir le quai rien qu'avec des porte-conteneurs, je le ferais. Les croisières sont moins rémunératrices, mais si on réussit à les imbriquer dans le planning, cela nous fait du chiffre d'affaires complémentaire, reconnait le responsable commercial. Ça doit correspondre à 3-5% de notre activité. »

Transformer le port de Venise 

L'adaptation aux nouvelles règles, c'est le président de l'autorité portuaire de Venise qui la gère. Il a été pour cela nommé Commissaire extraordinaire. Un titre accompagné d'un budget de 157 millions d'euros et du pouvoir d'accélérer les marchés publics et les autorisations environnementales.

Fulvio Lino di Blasio montre du doigt sur une carte les quatre terminaux temporaires déjà fonctionnels. Il lui reste encore du pain sur la planche. « Les prochaines étapes seront : de réaliser un quai temporaire supplémentaire en 2023, et puis de réaliser une véritable gare maritime d'ici à 2026. À cette heure, la solution la plus solide, c'est celle d'une gare dans la partie nord de la zone industrielle de Marghera. Mais le gouvernement a demandé de lancer un concours d'idées international pour identifier une solution hors de la lagune pour les bateaux de croisières et les porte-conteneurs transocéaniques. »

L'autorité portuaire étudie aussi la possibilité d'utiliser un canal qui permettrait aux paquebots de rejoindre le port de Venise sans passer devant Saint-Marc.

Pour l'instant, le sort de la Marritima reste incertain. Un concours international permettra de réfléchir à sa transformation du point de vue économique et urbain. Le passage des gros paquebots devant la place Saint-Marc suscitait l’hostilité de certains Vénitiens, comme Lidia Fersuoch, conseillère de l'Association Italia Nostra.

Le nouveau dispositif ne la satisfait pas non plus. « Les grands bateaux n'entrent pas dans la ville, mais entrent dans la lagune, or la lagune, c'est Venise, et Venise, c'est la lagune. Elles sont indissociables. Les grands paquebots ne peuvent pas venir ici, ils doivent aller là où c'est profond. À Trieste par exemple, ou dans d'autres villes qui veulent les accueillir en prenant en compte le problème de pollution. Ici, ils n'ont pas de sens. »

Les paquebots viennent en tout cas moins nombreux qu'avant la pandémie. Environ 200 sont prévus cette année, contre 585 en 2019.

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