Les ports du monde

Le port de Beyrouth, deux ans après l'explosion

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Deux ans jour pour jour après la gigantesque explosion dans le port de Beyrouth, les familles des victimes manifestent ce jeudi dans la capitale. Dimanche dernier, une partie des silos à grains du port s’est effondrée, ravivant le désastre. Le quartier populaire de la Quarantaine, où une grande partie de l’activité est liée au port, a repris vie.

Une vue du port de Beyrouth, le 3 août 2022.
Une vue du port de Beyrouth, le 3 août 2022. AFP - IBRAHIM AMRO
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De notre correspondante à Beyrouth,

Du bureau de Mazen Madi, on voit les grues du terminal à conteneurs du port de Beyrouth. La zone franche, elle, est située à quelques centaines de mètres. Pour l’entrepreneur, être installé dans le quartier de Karantina, plus familièrement appelé le quartier de la Quarantaine, c'est une évidence. « On est à Karantina, on a toujours été là. Ici la région est vraiment stratégique. On est à l’entrée nord de Beyrouth, tout près du port et c’est pratique quand on a de la marchandise qui sort du port. »

Si près du port qu’il y a deux ans, la double explosion va semer destruction et chaos et faire plus de 200 morts dans ce quartier mêlant rues d’habitations, bureaux maritimes, entrepôts et casernes militaires. « C’était la catastrophe, il y avait un brouillard jaune, c’était vraiment la fin du monde, se souvient Mazen Madi. Je me suis débrouillé pour prendre ma voiture direction l’hôpital, car j’ai été touché, mais ce n’était pas grave, c’était juste quelques éclats… On n’a pas le choix, on doit toujours recommencer et c’est ce qui s’est passé. Tout a été rénové et le quartier est devenu bien plus beau. »

Les façades des ruelles habitées ont été ravalées, mais l’émotion affleure toujours quand on parle du 4 août 2020 avec les habitants. Comme dans la voix de Fadia Zaarour. « C’est difficile que quelqu’un oublie un jour comme le 4 août 2020. Dans cette rue, parmi ceux qui sont morts, il y a eu mon cousin Antoine ; ma voisine ; une femme et ses deux filles, le toit de leur maison s’est écroulé sur elles. Et il y a eu beaucoup de blessés. Tout le monde a été blessé ici, que ce soit légèrement ou grièvement. Je connais toutes les victimes : on se connait tous, on vit comme dans un village. »

« Le port va rester un symbole »

La vie a repris le dessus. Sur un terrain, des enfants jouent au foot. Il y a deux ans, le même espace était occupé par les distributions d’aide d’urgence, qui ont plié bagage. Dans le quartier de la Quarantaine vivent aussi de nombreux Syriens, qui travaillent dans les activités liées au port. Eux aussi ont vécu dans leur chair l’explosion, avec des victimes et des dégâts. Et puis, il y a eu l’après.

« Après l’explosion, l’entrepôt de la compagnie où je travaille a été détruit, raconte Mohamed Sattouf, ouvrier dans la zone franche. Un autre a été reconstruit, mais il n’a pas la même capacité de stockage. Et le nombre d’employés a diminué. Le travail a été à l’arrêt pendant environ deux mois après l’explosion, puis a repris, mais pas comme avant, pas autant. Parmi les marchandises que l’on décharge, il y en a pour l’Irak, pour la Jordanie. »

Les lieux de l’explosion au port de Beyrouth n’ont pas été réhabilités. Les entrepôts encore endommagés sont visibles depuis les locaux d’Imad Costantine, un opérateur logistique. « Le port va rester un symbole. À la fin, nous ne sommes pas un pays d’industrie, ni de production, ni d’agriculture, ni même de tourisme : cela dure au mieux un ou deux mois par an, précise-t-il. Toute l’activité est tournée vers le port et l’aéroport. Nous sommes un petit pays. »

Un petit pays happé par une grave crise économique et financière qui rend aujourd’hui les conversations lourdes. C’est vers le passé que se tourne Fadia Zaarour pour évoquer d’autres souvenirs à la Quarantaine. « Quand nous étions enfants, nous allions nous baigner à la mer, à l’un des bassins du port, il y avait comme une plage. Tous les habitants du quartier y allaient. Ce n’est plus possible aujourd’hui. Ce sont des souvenirs heureux. Chacun se préoccupait de l’autre. Notre enfance a été heureuse. Et nous avons vécu toute la guerre ici, nous n’avons pas quitté les lieux. »

Les baignades ont pris fin quand le port a été agrandi après la guerre civile. Dans les projets sur la table pour réhabiliter le port de Beyrouth, certains prévoient un réaménagement de la Quarantaine. Leurs sorts continuent d’être liés.

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