Le port de Rouen, grenier à blé de secours face à la crise
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Notre série d’été consacrée aux ports du monde nous emmène à Rouen, dans le nord-ouest de la France. Premier port céréalier d’Europe de l’Ouest, il est porté malgré lui par les conséquences de la guerre en Ukraine.
C’est la fin des moissons en Normandie. Des camions déchargent des tonnes de blé et d’orge dans les silos du port. Ceux de Simarex, propriété de la coopérative agricole Natup, ne connaissent pas de répit. Pour charger les bateaux, comme dans n’importe quel port, il faut aller très vite.
Une évidence que nous rappelle Patrick Aps, le directeur général de Natup : « Dans des outils portuaires, et logistiques en général, le diviseur de coûts, c’est le volume. Plus on fait de volumes, plus on a un risque positif de rentabilité. On doit faire preuve de réactivité et d’efficacité tout le temps, pour au moins ne pas perdre d’argent ».
Année sèche... bonnes récoltes
Encore faut-il que ces volumes soient assurés. Et ils le sont plus que jamais, grâce au vaste arrière-pays rouennais. Au volant de sa moissonneuse-batteuse, et sous un soleil radieux, Antoine Declercq, agriculteur depuis 26 ans, parcourt les derniers mètres pour récolter le blé. La sécheresse s’est traduite cette année par des moissons très précoces. « J’ai récolté de l’orge le 6 juillet, ce qui ne m’était jamais arrivé », raconte celui qui est aussi adhérent de la coopérative Natup. Des moissons très précoces dues aux aléas climatiques, mais qui ont leur aspect positif. « En Normandie, les années sèches sont des années où les rendements sont plutôt bons, et c’est le cas cette année », sourit l’agriculteur qui s’inquiète par ailleurs de la hausse des coûts des engrais.
La campagne 2021-2022 qui s’achève a permis d’exporter au moins 7,7 millions de tonnes des ports du Havre, Rouen et Paris. Parmi celles-ci, un million ont été traitées par les silos Simarex. L’outil de la coopérative Natup est équipé pour composer des lots homogènes qui collent aux exigences des clients. Notamment ceux d’Afrique du Nord. « Le cahier des charges de l’Égypte, de l’Algérie, de l’Afrique du Nord en général, est assez proche, mais à des niveaux élevés s’agissant des spécificités qualitatives, explique Patrick Aps. C’est à nous après de faire en sorte de fournir cette matière à ces spécificités », poursuit-il.
Des records à l'exportation
Ces dernières années, le port de Rouen a battu des records à l’export, notamment des orges pour le bétail chinois. Le port a adapté ses infrastructures pour accueillir des navires d’envergure comme les Panamax, ces vraquiers d’une capacité 50 000 à 80 000 tonnes. Mais à quai, ce jour-là, c’est le vraquier Union Groove qui s’apprête à quitter Rouen, direction le Maghreb, chargé de plus de 30 000 tonnes de blé. Il sera suivi de trois autres partants pour la même destination. « Là, on est sur un bateau pour l’Algérie. Le prochain, le Juno sera pour la Tunisie. Le suivant, le Maria, je crois, sera aussi pour l’OIAC, à nouveau, l’Algérie. Et enfin, on en aura un autre qui ira sur la Mauritanie », détaille Antoine Grasser, responsable de la commercialisation chez Natup.
La fermeture de la mer Noire causée par la guerre en Ukraine a incité plusieurs pays comme l’Égypte ou l’Algérie à se retourner vers Rouen et son arrière-pays... quoi qu’il en coûte. Jamais la volatilité des prix des céréales n’a été aussi grande. Et les clients acceptent désormais de payer le prix fort. « Aujourd’hui, on a le sentiment qu’ils sont dans une recherche de sécurisation de l’aliment pour leur population. Donc, ces clients, ils ont une obligation de s’approprier la marchandise, comme si à un moment donné sur terre, on allait en manquer », résume le responsable.
À la faveur de la guerre, la panique des pays importateurs fait gagner des parts de marché au port de Rouen. Mais les responsables de la coopérative ne crient pas victoire. Au port, comme au champ, on sait qu’aucune année ne ressemble à une autre.
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