Les ports du monde

Marseille, le port des data centers

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Le port de Marseille est la porte d'accès numérique reliant l'Europe au reste du monde. Il est le point d'attache de plusieurs câbles sous-marins qui permettent la distribution de données et l'interconnectivité. Ce qui fait aujourd'hui de Marseille le 7e hub internet mondial. Ces données sont stockées, traitées et échangées grâce aux data centers construits ces dernières années sur le port de Marseille. 

Le quatrième data center du port de Marseille a été inauguré en juillet 2022.
Le quatrième data center du port de Marseille a été inauguré en juillet 2022. © Interxion
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Porte 4 du port de Marseille, deux gigantesques blocs font face à la rade. Des bâtiments à 16 mégawatts de puissance électrique chacun, l'équivalent d'une ville de 25 000 habitants. 

« Historiquement, les ports transportent des marchandises et des hommes. Aujourd'hui, ils transportent aussi des données. Et, pour les transporter sur le port de Marseille, il faut des data centers qui s'interconnectent avec des câbles sous-marins de télécommunications, qui interconnectent Marseille avec l'Afrique, le Moyen-Orient, l'Inde. Bien évidemment, derrière, on a des câbles terrestres, qui vont partir à travers la France, jusqu'à Paris, puis en Allemagne, à Francfort. Ils partent un peu partout pour irriguer », explique Fabrice Coquio, directeur général d'Interxion France, leader européen des data centersdont il gère les infrastructures. 

Il a pour clients des particuliers, des services publics et des entreprises, notamment les géants du numérique. C'est en effet de Marseille qu'est distribuée toute la VOD : la vidéo à la demande en Europe.

Fabrice Coquio est directeur général d’Interxion France, leader européen sur les data centers.
Fabrice Coquio est directeur général d’Interxion France, leader européen sur les data centers. © Alexis Bédu / RFI

« On envoie un paquet de données de Marseille à Singapour en 115 millisecondes, 0.11 seconde ! Je donne un exemple : vous partez d'ici, vous faites un poste Instagram pour vos amis à Singapour, à Tokyo ou à Bombay, qui vont vouloir regarder votre page, eh bien, c'est ici qu'ils vont venir chercher la data », nous apprend-il. 

Pour pénétrer dans l'antre des data centers, il faut passer plusieurs sas de sécurité. Pour s'assurer qu'un visiteur, dont le badge a été identifié, n'entre pas avec quelqu'un dans les bras, il est pesé. 

Le data center MRS3 sur le port de Marseille a été implanté dans une ancienne base navale construite par les nazis lors de l’Occupation.
Le data center MRS3 sur le port de Marseille a été implanté dans une ancienne base navale construite par les nazis lors de l’Occupation. © Interxion

Des données souveraines d'entreprises ou encore nos propres données personnelles sont hébergées dans ces salles uniformes. Des dizaines d'armoires métalliques y sont entreposées. Fabrice Coquio explique : 

« En permanence, nos capteurs vont identifier la consommation électrique de tous nos clients, qui varie dans la journée. Par exemple, pour une compagnie d'assurance, les machines sont utilisées jusqu'à 18h, les gens partent du bureau, la consommation baisse. Mais ils arrivent à la maison, ils regardent Netflix ou Canal+ , et la consommation remonte. Pour vous donner un ordre d'idée, le petit fil jaune qui ressemble à un spaghetti, c'est une jarretière de fibre optique, qui peut faire passer 400 Gigas, soit 4 000 fois la capacité d'une fibre chez soi »

Début 2024, un câble sous-marin Bombay-Marseille sera mis en service. Le câble 2Africa imaginé par Facebook sera également connecté dans peu de temps. Une petite révolution selon Fabrice Coquio. 

« C'est comme si on avait avant un tuyau d'arrosage, et que maintenant, on avait un pipe line d'un diamètre de deux mètres. Donc, beaucoup plus de datas passent, ce qui abaisse le coût de revient de chaque flux télécom. Des services qui n'étaient pas disponibles, par exemple pour la Tanzanie, pour Madagascar, ou pour l'Égypte, deviennent accessibles. C'est pour cette raison que l'on dit que ce câble va bouleverser la connectivité internet et les échanges digitaux avec l'Afrique, parce que ça ouvre des capacités, et ça ouvre surtout une dynamique de développement locale sur l'Afrique ».

Problème pour la municipalité, ces data centers génèrent peu d'emplois. Les retombées sont trop faibles pour la ville selon Sébastien Barles adjoint au maire en charge de la transition écologique. 

« Ces datas prennent du foncier précieux pour la ville, elles consomment de l'énergie et payent très peu d'impôts. On souhaiterait que ces datas puissent participer au financement des grandes transitions écologiques au niveau de la ville de Marseille. Les données qui sont stockées dans ces data centers sont extrêmement précieuses. C'est de la matière première, ce ne sont pas de vulgaires marchandises inertes. C'est de la matière première qui doit être valorisée comme telle et taxée comme telle », s'insurge Sébastien Barles.

L'énergie se raréfie et ces data centers marseillais en consomment énormément, ce qui pose problème sur le port, explique l'adjoint au maire. Ils font concurrence à un projet d'alimentation électrique des navires de croisières et des ferries, prévu sur les quais voisins. 

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