Questions d'environnement

Pourquoi l'urgence climatique est-elle absente de la campagne électorale en Inde?

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J-1 avant le début des élections législatives en Inde. Elles dureront six semaines pour donner à près d’un milliard d'électeurs le temps d'aller voter. L’urgence climatique est la grande absente de ce scrutin. Pourtant, l’Inde fait partie des dix pays au monde les plus vulnérables aux effets du changement climatique.

Un bénévole distribue de l'eau potable à Hyderabad, en Inde, le 21 mars 2024, alors que la planète vient de connaître son mois de mars le plus chaud jamais enregistré.
Un bénévole distribue de l'eau potable à Hyderabad, en Inde, le 21 mars 2024, alors que la planète vient de connaître son mois de mars le plus chaud jamais enregistré. © AP - Mahesh Kumar A.
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45 degrés dans l'Uttar Pradesh, plus d'eau pour les 13 millions d'habitants de Bangalore, fonte des glaciers de l'Himalaya, zones côtières et îles menacées par la montée du niveau de la mer et biodiversité qui s'effondre : l’Inde est touchée de plein fouet par les effets du réchauffement planétaire, et une enquête menée il y a deux ans par l'université américaine Yale montre que 84% des Indiens en sont conscients.

« Lorsqu’on est pauvre, la priorité c’est de survivre »

Si ces bouleversements ne pèsent pas dans la campagne électorale, c’est avant tout parce que 45% des Indiens vivent toujours avec moins de 3,65 dollars par jour, estime Christophe Jaffrelot, directeur de recherche au CNRS : « Lorsqu'on est pauvre, la priorité c'est de survivre, de se nourrir et la santé passe après. Car évidemment, l'enjeu climatique en Inde, c'est principalement un enjeu de santé publique avec une pollution atmosphérique qui abrège la vie des Indiens en moyenne de dix ans. Et d'autre part, la croissance reste la priorité ».

L’économie indienne dépend largement du charbon

C’est l’argument principal du Premier ministre sortant, Narendra Modi, qui promet de faire de l’Inde la troisième puissance économique mondiale. Si, avec 7,6% pour la dernière année fiscale, la croissance du pays s’envole, elle a besoin d'énergie. Et en Inde, 73% de l'électricité est produite à partir du charbon.

De nouvelles mines ne cessent d'ouvrir. Bien que le pays soit aujourd'hui le troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre, l'Inde revendique son droit de se développer. Ne faisant pas partie des émetteurs historiques comme les pays occidentaux industrialisés, le gouvernement ne s'engage pas à la neutralité carbone avant 2070.

Dans l’Andhra Pradesh, les agriculteurs sentinelles du changement

D'ici là, le changement climatique risque pourtant de rattraper son économie. Selon sa banque centrale, l'Inde pourrait perdre 10 points de son PIB d'ici à 2050 à cause des effets du réchauffement planétaire. Les premières victimes sont les agriculteurs qui, en raison de sécheresses ou d'inondations, perdent déjà leurs récoltes. « En Andhra Pradesh, dans le sud du pays, six millions de paysans ont décidé de changer de cultures pour éviter celles qui sont trop gourmandes en eau. Ils sont passés à l'agro-écologie », rappelle Christophe Jaffrelot. « Donc il y a peut-être un espoir que ce soit du milieu paysan que viennent des solutions et que finalement le changement climatique devienne un enjeu électoral dans les campagnes ».

Cette adaptation agricole à grande échelle dans l'Andhra Pradesh s'est heurtée à des résistances économique et politique opposées à la transition écologique de l'Inde.

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